Hugo Meunier (Merci Raymond) : redonner sa place à la nature en ville

Rédigé par

Grégoire Brethomé - Construction21

Responsable éditorial

1379 Dernière modification le 04/05/2023 - 12:00
Hugo Meunier (Merci Raymond) : redonner sa place à la nature en ville


"Jardiniers urbains créatifs", la start-up Merci Raymond vise à reconnecter les populations urbaines à la nature, un enjeu de santé, de résilience et de confort pour des villes plus durables. Entretien avec Hugo Meunier, fondateur de Merci Raymond.

Pouvez-vous nous présenter votre entreprise et ses réalisations ?

Merci Raymond est une entreprise écoresponsable fondée en 2015, en hommage à mon grand-père, Raymond, agriculteur du sud-ouest de la France depuis plusieurs générations. Au départ, je voulais avant tout saluer son terroir, ses valeurs d’ancrage dans un territoire vivant et de connexion à la nature. Puis très vite, "Merci Raymond" est devenu une aventure collective à laquelle ont rapidement pris part Antoine Baume puis Guillaume Hadjigeorgi et Mathilde Schiettecatte. 

Depuis, nous sommes 40 personnes aux profils variés (scénographes designers, architectes paysagistes, ingénieurs agronomes, ébénistes, jardiniers paysagistes, chefs de projets, …), et nous prenons part à notre échelle à "La révolution verte urbaine". Pour cela nous menons différentes actions, notamment après d’entités privées et publiques, et tentons de réconcilier la ville et la nature en proposant différentes services complémentaires : design végétal, paysage, agriculture urbaine, entretien et expérientiel. 

En effet, nous les accompagnons aussi bien sur des projets de design végétal, pour lesquels nous réintégrons le vivant dans l’environnement bâti (entreprises, espaces de coworking, restaurants, hôtels, …), afin de recréer le lien avec la nature ; de conception paysagère où là nous intervenons sur les espaces extérieurs, inertes (parcs, jardins, terrasses, toitures…) pour les faire revivre et en faire des paysages vivants ; ou encore sur le développement de projets d’agriculture urbaine, dont l’objectif est de créer des lieux nourriciers au cœur de milieux urbains (jardins partagés toits productifs, fermes urbaines et péri-urbaines, allant de quartiers prioritaires, à des entreprises ou encore des résidences séniors ou des écoles et en travaillant à différentes échelles (de 100 m2 à plusieurs hectares dans le cadre de projets d’urbanisme).

Ces actions participent à la création d’îlots de fraîcheur en ville, et de rendre les espaces extérieurs socialement vivants. Pour chaque projet nous échangeons avec les différentes parties prenantes dès la conception. Puis, l’objectif est de pérenniser nos installations végétales sur le long terme, pour cela nous avons développé une offre entretien.

Ramener de la nature c'est possible ? Où trouver de la place ? 

Il existe aujourd’hui une infinité de possibilité pour ramener la nature en ville ! L’espace urbain qui nous entoure peut facilement être investi. A l’échelle d’un quartier par exemple, la nature peut être introduite à de nombreux niveaux (espaces verts, parcs, squares, jardins partagés entre les résidents, cours extérieures et intérieures mais aussi les balcons, terrasses et toitures…). L’intérieur d’un bâtiment peut aussi être végétalisé avec des espèces adaptées. 

Aujourd’hui en France, plus de 22 % du territoire est urbanisé et près de 80 % de la population vit en ville selon l'INSEE. Ainsi, reconnecter les citadins à la nature, c’est reconnecter une majeure partie de la population au vivant. Une population qui souvent s’est construite en ville, évinçant notre lien naturel et nécessaire avec la nature. Aussi, selon une étude de l’Université d’Exeter, 85% des Français considèrent la proximité avec un espace vert comme un critère important au moment de choisir leur lieu d’habitation.

Quels sont les bénéfices de l'agriculture urbaine ?

« Cultiver son potager, ce n’est pas seulement produire ses légumes, c’est apprendre à s’émerveiller du mystère de la vie » disait Pierre Rabhi. L’agriculture urbaine, c’est apporter un petit bout de campagne en ville en créant des lieux nourriciers. Ses missions principales sont sociale, pédagogique et productive. Les jardins partagés, les toits productifs ou encore les fermes urbaines et périurbaines visent à créer la rencontre entre des publics variés en les incitant à mettre les mains dans la terre. Ce qui peut également créer des vocations vertes. 

Chez Merci Raymond, l’agriculture urbaine est née à la Grande Borne – à Grigny dans l’Essonne (91), nous avons investi l’école primaire du quartier et créé un jardin partagé qui s’est accompagné de l’animation d’ateliers participatifs avec la participation des habitants. Cette première initiative nous a donné envie de continuer à porter des projets au sein de quartiers prioritaires de la ville. Cela a permis de (re)créer du lien social. L’agriculture urbaine ne saurait être réduite à poser un jardin ou une ferme sur un espace, elle implique de l’imaginer et de le co-construire avec les acteurs locaux, de l’insérer dans le territoire et le tissu social et économique environnant, afin d’assurer la durabilité du projet.

La biodiversité en ville, c'est vraiment utile ?

Nous menons également des actions qui permettent d’intégrer et préserver la biodiversité, cela est possible grâce à l’expertise de spécialistes de l’écologie (diagnostic et plan d’action, ruches, jardins de biodiversité, sensibilisation et formation à la biodiversité …). C’est primordial ! 

Actuellement les espèces animales et leurs écosystèmes disparaissent à une vitesse inégalée dans l’histoire de la vie sur terre. Il est donc nécessaire de faire de la préservation et de la réhabilitation de la biodiversité une priorité. Partout où la nature est intelligemment réintroduite dans l’espace construit, on se rend compte que la vie reprend rapidement ses droits. En parallèle, il est aussi important de créer des "corridors verts" ou "chemins verts" afin de relier les espaces végétaliser entre eux et ainsi de permettre à la faune de se déplacer dans ces différents milieux.

Mais la biodiversité urbaine, c’est aussi de nombreux bienfaits pour la santé humaine, physiques et psychique, source de bien-être, qui apparaissent comme étant de plus en plus nécessaires. Selon l’étude de l’Université d’Exeter, le contact avec la nature dans le cadre professionnel apporte + 15% bien-être, + 15% de créativité ou encore + 40% de satisfaction au travail. Préserver ou réintroduire la biodiversité dans nos quartiers participe aussi activement à l’amélioration de la qualité de l’air, de l’eau, mais aussi à réguler la température par la création d’îlot de fraîcheurs naturels. 

Quel est le secret d'un projet réussi ? 

Chez Merci Raymond nous avons fait le pari d'intégrer la totalité des métiers pour renaturer les villes. De la conception à l'installation jusqu'à l'entretien nous sommes en capacité d'intervenir à tous les niveaux du projet. Nous pouvons ainsi améliorer les phases amont avec les retours des équipes terrain notamment. Enfin, au-delà du savoir-faire nous travaillons sur des projets à impact et qui ont du sens pour les équipes.  

La réglementation actuelle reconnaît-elle à juste titre les bénéfices apportés par vos projets en milieu urbain (loi ZAN, RE2020...) ? Quelles améliorations attendez-vous ?

Heureusement aujourd'hui la nature en ville fait l'unanimité tant coté usages, élus, qu’auprès des acteurs économiques. Pour autant les financements ne sont pas au rendez-vous pour développer ces espaces. Les nouvelles règlementations vont permettre de créer un cadre dédié à la construction et le développement de projets de bâtis. Cela permettra d’inciter les constructeurs et promoteurs à accorder une place plus importante aux espaces végétalisés en ville mais il faut aller plus loin pour reconnaitre les bénéfices qu’ils apportent, sur la biodiversité, le rafraichissement urbain, le lien social ou encore l’attractivité économique. C’est là un gros travail.
 

Partager :