[Édito] La santé, une brique incontournable à la fabrique de la ville - Dossier Urbanisme et santé

984 Dernière modification le 14/12/2023 - 12:29
[Édito] La santé, une brique incontournable à la fabrique de la ville - Dossier Urbanisme et santé

Les liens entre urbanisme et santé remontent aux racines des politiques modernes d’urbanisme. Les travaux de transformation et de modernisation de Paris sous le Second Empire (1852-1870), dirigés par le préfet Haussmann, sont pensés comme une réponse aux enjeux de sécurité et de salubrité publique. Ainsi s’amorce la relation entre le cadre de vie et l’état de santé des Parisiens. On sait aujourd’hui que les théories hygiénistes, comme la théorie des miasmes, sont pour la plupart infondées, mais elles constituent un marqueur fort de la prise en compte simultanée d'urbanisme et de santé : l’aménagement des villes doit être un support pour améliorer des conditions de vies des urbains. 

Dans les années 1930, le Mouvement Moderne doit répondre aux exigences de relogement rapide et massif. Avec la construction des grands ensembles, on assiste à une standardisation de l’habitat, des espaces communs et publics, qui se fait au détriment des enjeux de confort ou de bien-être des occupants, et souvent à grand renfort de béton. Cette tendance se poursuivra dans les années 1980 avec le développement résidentiel et pavillonnaire, qui vient renforcer l’uniformisation de la construction, l'artificialisation, le recours à des matériaux peu durables, sans prise en compte réelle de la santé.  

Il faut attendre 1946 pour que l’Organisation mondiale de la Santé (OMS) définisse la santé comme « un état de complet bien-être physique, mental et social, [qui] ne consiste pas seulement en une absence de maladie ou d’infirmité ». L’Organisation complètera cette vision en 1994, en introduisant la notion de santé environnementale, qui comprend les « aspects de la santé humaine, y compris la qualité de la vie, qui sont déterminés par les facteurs physiques, chimiques, biologiques, sociaux, psychosociaux et esthétiques de notre environnement. » Ces définitions permettent alors de réaffirmer le lien entre l’état de santé des individus et leur cadre de vie.  

Pour caractériser ces liens, on parle de « déterminants de la santé » des « facteurs personnels, sociaux, économiques et environnementaux qui déterminent l’état de santé des individus ou des populations » (OMS-1998). Au regard des travaux de recherche, il apparaît qu’au moins 50 % de l’état de santé d’un individu dépend de son environnement, au-delà des facteurs génétiques ou de l’offre de soin. La prévalence de plus en plus forte de pathologies comme le diabète, l’obésité, les maladies cardiovasculaires et respiratoires, qui touchent plus fortement les populations les plus vulnérables, doit nous conduire à questionner l’impact du fonctionnement urbain sur la santé.  

Au tournant des années 2000, ces réflexions prennent une nouvelle dimension avec la création du concept d’urbanisme favorable à la santé (UFS). L’UFS « implique des aménagements qui tendent à promouvoir la santé et le bien-être des populations tout en respectant les trois piliers du développement durable. Il porte également les valeurs d’égalité, de coopération intersectorielle et de participation. » (guide de l’OMS pour un urbanisme centré sur les habitants, 2000). Plusieurs outils complémentaires de promotion de la santé dans le champ de l’urbanisme se sont alors développés, comme l’évaluation d’impact sur la santé (EIS). 

En France, l’état de santé de la population est globalement bon, mais pour autant marqué par de fortes inégalités. On observe, comme à l’international, une augmentation des pathologies liées au développement urbain. À titre d’exemple, on estime à près de 40 000 le nombre de décès prématurés par an liés à la pollution de l’air (étude « santé publique France »). Cela représente 7 % de la mortalité en France pour un coût sanitaire annuel total de 100 milliards d'euros.  

Aujourd’hui, des documents nationaux et régionaux (Plan national Santé Environnement et Plans régionaux Santé Environnement) visent à offrir un cadre pour agir plus efficacement sur les déterminants environnementaux de la santé. Dans le même temps, des méthodes sont développées par les agences d’urbanisme ou bien l’Ecole des Hautes Etudes en Santé Publique, pour offrir aux aménageurs et urbanistes des outils pratiques. Elles s’accompagnent d'études ou de cartographies, permettant de caractériser et identifier les secteurs et populations à enjeux. Ces travaux se sont concrétisés au tournant des années 2010 par de nombreuses expériences pilotes, avec des premières évaluations d’impact sur la santé (EIS) menées en France. 

Ces initiatives ont permis de dégager plusieurs axes permettant de mieux prendre en compte la santé dans les projets urbains, et de réduire les inégalités en santé comme : 

  • la réduction des émissions et de l’exposition aux pollutions et nuisances 
  • l’amélioration du confort dans les bâtiments  
  • l’accès à la nature et à des espaces publics de qualité  
  • la promotion des mobilités actives   
  • un meilleur accès aux équipements et services  

L’urbanisme doit donc être un support pour améliorer les conditions de vies des populations, et tous les acteurs de la fabrique de la ville ont un rôle à jouer. Plus encore, en faisant de la santé un fil rouge, on peut alors penser conjointement plusieurs enjeux incontournables dans les projets urbains (qualité des espaces publics, des logements, pollutions, mobilités, nature en ville, etc.). Il est cependant encore nécessaire de diffuser largement les principes encore méconnus de l’urbanisme favorable à la santé, et c’est pourquoi nous vous proposons de retrouver dans ce dossier une sélection d’articles permettant d’illustrer ce concept. 

 

Un édito signé Alban Narbonne, Juliette Rocca et Guillaume Theurelle

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