Dix questions sur le contrat de performance énergétique (CPE) - 2/2

Rédigé par

Olivier Ortega

Avocat

1165 Dernière modification le 04/08/2023 - 00:00
Dix questions sur le contrat de performance énergétique (CPE) - 2/2


L’avenir du contrat de performance énergétique (CPE) s’élargit vers de nouveaux horizons d’ambition carbone et environnementale. Les facteurs de succès sont dans les mains des différents acteurs et, en premier rang, des maîtres d’ouvrage et de leurs assistants, en vue de définir des contrats porteurs du bon compromis entre performance, innovation, maîtrise budgétaire, équilibre des risques contractuels et réalité opérationnelle des projets. 

Par Alterea & LexCity avocats

6. Quelles ambitions intégrer dans le contrat de performance environnementale ? 

L’élargissement du CPE à d’autres domaines que la performance énergétique doit prendre en compte la maturité des acteurs (maîtres d’ouvrage, assistants à maître d’ouvrage, maîtres d’œuvre et opérateurs, entreprises, exploitants) sur ces différents sujets afin d’assurer des transferts de risques maîtrisés contractuellement, techniquement et économiquement. Un autre enjeu étant de veiller à conserver un niveau de complexité contractuelle raisonnable pour assurer l’applicabilité fluide du contrat de performance environnementale, cette pluralité d’engagements est à élaborer de manière raisonnée que ce soit en termes de nombre d’indicateurs de performance ou de mécanismes contractuels associés. Plus le projet est ambitieux et plus le véhicule contractuel sera étendu et donc complexe.

Une approche de type « analyse systémique » est souvent à préférer afin d’identifier les indicateurs de performance les plus pertinents en prenant en compte notamment les enjeux environnementaux généraux, les enjeux et moyens du maître d’ouvrage, le contexte et les ambitions du projet. 

7. Quelle place particulière pour le carbone ? 

Les CPE portent en eux-mêmes les germes de la diminution des émissions de carbone du fait de leur réduction mécanique par la réduction des consommations énergétiques ou par le passage à une énergie décarbonée, si bien qu’ils contribuent assez systématiquement à décarboner l’empreinte du bâtiment rénové. 

Mais il est possible d’aller plus loin et de faire de l’ambition carbone une dimension forte d’un contrat de performance environnementale, parfaitement en phase avec les évolutions réglementaires déjà connues et à venir. 

Les CPE à jour des bonnes pratiques de marché ont déjà embarqué la mesure des émissions de carbone du bâtiment en phase d’exploitation dans leur appareillage. Pour les porteurs de projet plus avancés, il est également possible d’intégrer de surcroît une ambition carbone fondée sur le cycle de vie du bâtiment. À l’issue de chaque période de mesure, la clause carbone du CPE fixera les conséquences de l’atteinte ou de la non-atteinte des objectifs contractuels. Au stade actuel de développement de cette clause, une démarche de mesure, de suivi et d’explication des écarts marque un progrès à la fois pragmatique et précurseur. À terme, il sera possible de prévoir une garantie de résultat assortie d’une indemnisation, sur le modèle de la garantie de performance énergétique.

8. Comment organiser la démarche ? 

Étendre le CPE à d’autres champs que l’énergie est donc à la fois possible et souhaitable. Pour autant, un tel élargissement suppose de concevoir et de mettre en place une démarche pragmatique, réaliste et acceptable. L’idée est en effet de ne pas aller trop vite et de ne pas décourager les bonnes volontés de ceux qui sont prêts à tester la faisabilité technique, opérationnelle et contractuelle de nouveaux dispositifs. 

S’agissant du cas particulier du carbone, la démarche pourrait intégrer trois mécanismes relatifs d’une part au périmètre temporel de l’ambition, d’autre part, aux obligations de réduction des émissions, et, enfin, aux effets des actions conduites. 
Pour ce qui relève du périmètre contractuel, il est clairement souhaitable de traiter dès aujourd’hui le carbone émis en exploitation, après le chantier de rénovation. C’est même le minimum ! Mais il est possible d’aller d’ores et déjà un peu plus loin en intégrant aussi le carbone du chantier et des matériaux de rénovation eux-mêmes.

Il est imaginable de progresser encore en anticipant le carbone de la déconstruction des éléments de la rénovation, voire du bâtiment rénové lui-même. Le stade ultime, à le supposer atteignable, sera d’intégrer, s’il est possible à déterminer, le carbone de la construction passée.

Pour ce qui est de la mécanique contractuelle, il est possible de prévoir des obligations prévisionnelles du carbone à émettre, des mesures du carbone réellement émis en tenant en compte des facteurs exogènes sur lesquels l’opérateur n’a ni prise ni responsabilité à assumer – l’intensité d’usage du bâtiment ou le climat par exemple –, de l’explication des écarts entre les prévisions et le réalisé, et de l’identification des correctifs à apporter pour revenir à l’objectif initial. Pour ce qui est du traitement contractuel des conséquences, il est probablement prudent de ne pas faire peser dès aujourd’hui une obligation de résultat sur l’opérateur mais de commencer par une obligation de moyen.

9. Le contrat de performance environnementale est-il adapté à tous les acteurs ? 

Tous les acteurs sont concernés, directement ou non, par les thématiques environnementales pouvant être embarquées dans le contrat de performance environnementale : l’empreinte environnementale, la qualité de l’air intérieur, l’adaptation au changement climatique, la qualité d’usage. Tous les acteurs peuvent utiliser cet outil, avec un accompagnement spécifique, pour mener à bien leurs projets de rénovation ou de construction avec une vision environnementale globale. Bien évidemment, ce contrat de performance environnementale, comme le contrat de performance énergétique, est un outil destiné à s’adapter à la maturité, aux besoins, aux moyens et aux ambitions du maître d’ouvrage. Ces contrats plus complexes ne doivent pas être considérés comme des freins dans la mise en œuvre des projets mais comme une solution offrant beaucoup de liberté pour assurer des niveaux de performance ambitieux. 

10. Y a-t-il des premières expériences ? 

Le contrat de performance environnementale a pu être expérimenté dans le cadre de plusieurs projets de rénovation de collèges, de lycées, d’écoles, ou logements sociaux. L’un de ces projets porte sur la réhabilitation globale d’un collège avec des travaux fonctionnels (accessibilité, adaptation aux nouveaux usages, rénovation des logements de fonction) et techniques/énergétiques (rénovation enveloppe et système avec désamiantage). Ces travaux sont associés à un ensemble d’engagements de performance : 

- économie d’énergie de 40 % kWhEP par rapport à la situation de référence ;
- amélioration de l’étanchéité à l’air avec l’indice Q4 mesuré à différentes phases d’avancement des travaux ; 
- amélioration de la qualité de l’air intérieur avec concentration CO2 < 1 000 ppm ; 
- indice de confinement 
- amélioration du confort thermique estival avec une température intérieure maximale de 28°C sans recours à la climatisation hors période de canicule. En période de canicule, la température maximale acceptée est la température extérieure minorée de 5°C ; 
- amélioration du confort acoustique, par des niveaux visés de réverbération et de bruit résiduel ; 
- amélioration du confort visuel avec des exigences en termes de niveaux d’éclairement.

Ces engagements sont associés soit à une obligation de résultat avec réparation du maître d’ouvrage à hauteur du préjudice en cas de dérive, notamment pour l’engagement de performance énergétique, soit à une obligation de résultat avec pénalité en cas de non-respect, notamment pour les engagements portant sur l’étanchéité à l’air, la qualité d’air intérieur et le confort acoustique, soit à une obligation de moyens, notamment pour le confort thermique estival et le confort visuel. Ces mécanismes contractuels ont permis au maître d’ouvrage d’exprimer clairement ses exigences performancielles et aux candidats d’apporter des solutions techniques adaptées associées à des risques économiques maîtrisés.

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