Décarboner le chauffage : quelle place pour les PAC ?

238 Dernière modification le 20/03/2024 - 00:00
Décarboner le chauffage : quelle place pour les PAC ?

La trajectoire de décarbonation de la France implique d’accélérer dès aujourd’hui l’effort engagé dans tous les secteurs, notamment dans le secteur du bâtiment.
 

En effet, l’exploitation des bâtiments représente 47 % des consommations énergétiques françaises et génère 18 % des émissions nationales de gaz à effet de serre (GES). Ces émissions sont principalement dues au chauffage et aux besoins thermiques qui reposent aujourd’hui encore à plus de 50 % sur des énergies fossiles.

Passer d’une énergie fossile à un vecteur décarboné devrait permettre d’abaisser rapidement et de manière très significative les émissions de CO2. Dans un nouvel Avis d’expert, l’ADEME revient sur les conditions techniques de réussite de cette transition, en tenant compte de l’état des connaissances sur la performance des différentes pompes à chaleur (PAC) sur le marché, de la typologie de bâtiments concernés et de leur niveau d’isolation.

 La décarbonation des usages thermiques repose sur deux leviers 

  • d’une part, sur le changement des moyens de chauffage utilisant des vecteurs très carbonés (fuel et gaz d’origine fossile) vers des vecteurs moins carbonés (réseaux de chaleur urbains alimentés par des renouvelables, électricité (via la pompe à chaleur, y compris géothermique), solaire thermique, bois, gaz renouvelable, …),
  • de l’autre, sur le développement des énergies renouvelables dans les réseaux d’énergie (par exemple : méthanisation, verdissement des réseaux de chaleur, éolien, photovoltaïque…).

Les ressources en énergie décarbonée étant limitées, la baisse de la consommation d’énergie des bâtiments est un corollaire indispensable à la décarbonation des vecteurs.

Concrètement sur le terrain, la dynamique de décarbonation de la chaleur pour les logements neufs est bien engagée grâce à la RE2020, et doit être renforcée. Dans les logements existants, qui représentent l’essentiel de l’effort à fournir, les pompes à chaleur ont un rôle clé à jouer, en complément des autres alternatives au fioul et au gaz, mais avec des niveaux de maturité différents selon les typologies de logement. Notamment, les logements collectifs en chauffage individuel ont à l’heure actuelle peu d’alternatives au gaz.

Si le gaz décarboné peut pallier le manque d’alternatives, le potentiel de sa production varie entre 130 et 185 TWhPCI en 2050, selon les scénarios de l’ADEME. Ainsi, atteindre un mix gazier quasiment décarboné en 2050 n’est réalisable que si la consommation de gaz est divisée par deux à cet horizon, ce qui implique de la prioriser sur les usages où les alternatives sont les moins évidentes (notamment sur l’industrie et les besoins haute température, ou la mobilité).

Les pompes à chaleur ont donc un rôle clé à jouer dans la décarbonation de la chaleur des bâtiments.

Pour faire du chauffage, une pompe à chaleur consomme de l’électricité pour prélever de la chaleur d’une « source froide » (sol du jardin, air environnant ou eau d’une nappe), augmenter son niveau de température puis la restituer à une température plus élevée dans le logement.

Dans tous les cas, les performances annuelles normatives des PAC restent supérieures au chauffage électrique à effet joule.

Plus la différence de température entre la source froide et la température de restitution est faible, meilleure sera la performance. De ce fait :

  • les PAC géothermiques associées à un plancher chauffant sont les associations les plus efficaces.
  • la PAC sera plus performante si la température de l’eau nécessitée par les émetteurs (radiateurs) est basse. Or, celle-ci dépend des besoins thermiques du bâtiment, et donc de son niveau d’isolation.

Cependant, la substitution systématique et rapide de toutes les chaudières gaz ou fioul par des PAC n’est pas pertinente dans tous les cas de figure. En particulier, le remplacement d’un chauffage fossile par une PAC sans procéder à l’isolation préalable du bâtiment induit certes une baisse rapide des émissions, nécessaire à l’atteinte des objectifs 2030, mais conduit à un surdimensionnement de la PAC, donc à un surcoût, et à de mauvaises performances de celle-ci, en particulier lors de pics de consommation d’électricité en période de froid.

 
L’isolation : une priorité essentielle dans la transition du secteur du bâtiment

La réduction de la consommation d’énergie des bâtiments est indispensable à la décarbonation des vecteurs énergétiques. L’isolation du logement concerne ses murs, son toit, son plancher bas et ses ouvertures. Couplée à une ventilation efficace, elle comporte de nombreux avantages. Tout d’abord, elle permet de réduire le besoin en chauffage du logement, et permet donc de recourir à des équipements thermiques plus petits, moins coûteux et plus efficaces. L’isolation a aussi pour vertu de permettre une réduction de la température de l’eau des émetteurs, et améliore ainsi l’efficacité des pompes à chaleur et chaudières à condensation. 

L’isolation rend également les logements moins sensibles à la température extérieure. En hiver, elle limite les risques liés aux pics de consommations sur le réseau électrique. En été, elle permet de se protéger contre les épisodes caniculaires, sous réserve d’une bonne ventilation et d’une bonne protection contre le soleil. De façon plus globale, la réduction des besoins via l’isolation permettra aussi de limiter les investissements dans des systèmes de production d’électricité, nécessaire pour le fonctionnement des pompes à chaleur. Enfin, l’isolation est clé pour réduire la facture à long terme, et donc la précarité énergétique.

« La décarbonation du chauffage n’est qu’un des leviers de la transition des bâtiments. Celle-ci passe par l’activation conjointe des leviers de sobriété, d’efficacité et de décarbonation. Il faut donc privilégier les approches globales qui allient isolation et énergie décarbonée. Les défis liés à la préservation des ressources matérielles et des sols, ou encore ceux de la baisse des émissions de polluants atmosphériques sont également à prendre en compte dans une perspective de transition », déclare Maxime Pasquier, chef du service Bâtiment de l’ADEME

 

La décarbonation du bâtiment : les recommandations de l’ADEME

 Privilégier les approches globales qui allient isolation et énergie décarbonée: les aides financières doivent orienter les ménages en priorité vers des rénovations performantes.

  • Faire appel à l’ensemble des énergies décarbonées et en favoriser le développement : au-delà de l’action sur les équipements du bâtiment, la décarbonation du bâtiment repose également sur la capacité de développement de toutes les filières d’énergies renouvelables.
  • Cibler les logements chauffés aux énergies fossiles (fioul et gaz):  développer un « aller vers » les ménages chauffés au gaz et au fioul, au-delà de la simple mise à disposition d’aides financières.
  • Sécuriser la stratégie de développement des pompes à chaleur: les PAC ont un rôle clé à jouer dans la décarbonation de la chaleur des bâtiments. Il est nécessaire d’en sécuriser le déploiement via un soutien à l’industrie locale/nationale, à la montée en compétence des installateurs et la meilleure connaissance des performances réelles et conditions d’usage optimales.
  • Envisager l’arrêt de l’installation de chaudières à gaz uniquement dans les situations où les solutions technologiques alternatives sont matures et développer les alternatives dans les autres cas.  Les solutions alternatives au chauffage au gaz sont encore peu matures en logements collectifs équipés de chauffage individuel, pour des questions de coûts, d’encombrement et de faisabilité technique. En logement collectif chauffé par du chauffage collectif, des alternatives se développent. Cette typologie de logement pourra être prioritairement alimentée par des énergies renouvelables d’ici la fin de la décennie. Dans les maisons individuelles, les alternatives au chauffage au gaz sont matures, la fin de leur installation peut donc d’ores et déjà être envisagée.
  • Considérer également les besoins de froid: au regard de l’augmentation des épisodes de chaleur dégradant considérablement l’habitabilité de nombreux logements, il est nécessaire de prendre en compte les besoins de froid.
  • Développer un bonus écologique pour la PAC : afin d’orienter le marché vers des PAC dont l’impact environnemental est le plus faible, l’ADEME recommande le développement de politiques publiques d’incitation vers les matériels non seulement les plus performants à l’usage mais également dont la production est la moins impactante pour l’environnement. Ce dispositif, allant au-delà de l’étiquette énergie actuellement en place, aurait également des impacts positifs pour la réindustrialisation en France et en Europe de l’ensemble de la chaine de valeur.

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