La recherche et l'industrie main dans la main pour la décarbonation du béton

Rédigé par

Amandine Martinet - Construction21

Journaliste

582 Dernière modification le 20/03/2024 - 12:00
La recherche et l'industrie main dans la main pour la décarbonation du béton

Une chaire de recherche partagée entre l'École Centrale de Nantes et Edycem, activité industrie du béton du Groupe Herige, a été relancée pour une durée de 5 ans dans sa version III. Objectif : avancer sur la construction durable, notamment par le biais d'un béton toujours plus décarboné. 

Dans la course à la transition écologique, il est peu dire que « le béton a ses détracteurs » [Daniel Robin, Directeur général chez Edycem]. 

Pourtant, il est aujourd'hui difficile pour les acteurs du BTP de se passer de ce matériau de construction aux propriétés et au coût appréciés. L'une des solutions serait donc de faire passer ce béton à l'empreinte carbone conséquente à une version plus vertueuse de lui-même. C'est précisément ce à quoi s'attellent le groupe Edycem — branche béton du groupe Herige — et l'école d'ingénieurs de Centrale Nantes, au travers d'une chaire de recherche qui existe depuis plus de 20 ans. Cette dernière a d'ailleurs été récemment rallongée de 5 ans pour toujours plus d'avancées scientifiques et techniques vers la décarbonation du béton. 

Cette collaboration resserrée entre le milieu de la recherche et celui de l'industrie a déjà permis d'établir de nombreuses pistes de développement vers le bas carbone, qui « rendent positif » Daniel Robin sur l'avenir du béton. Pour le groupe Edycem, l'opportunité de travailler avec la 4ème école d'ingénieurs du pays,* particulièrement engagée sur les questions de la transition énergétique du développement durable, est fortement appréciée puisqu'elle permet de disposer d'un support R&D donnant l'opportunité de les différencier des autres acteurs sur le marché. Côté Centrale Nantes, le fait de privilégier les partenariats avec le secteur de l'industrie a l'avantage d'ancrer l'école territorialement en la gardant à la pointe de ce qui se fait réellement sur le terrain. 

Béton décarboné, mode d'emploi

Répondre à l'évolution de la réglementation, mais aussi des mœurs, c'est le but que souhaite atteindre Edycem au travers de ses dernières innovations. Comme l'indique Béatrice Vila, Directrice Marketing du groupe, le travail doit être mené sur la ressource, et donc sur la phase conception du matériau. « Demain, dans le béton, tout ce qui était considéré comme un déchet fera office de matière première. »

Aussi, pour Olivier Collin, à la Direction Générale du groupe, l'une des solutions réside notamment dans l'usage de la préfabrication et la réintégration des granulats de béton dans les blocs. Cela permet de recycler le matériau plutôt que de le perdre et entrer ainsi dans une boucle d'économie circulaire. 

Autre axe d'avancement, la part de clinker dans la composition du béton. Elle a déjà été réduite à l'issue de la chaire de recherche II avec Vitaliss®, un béton à l'empreinte carbone 20% moins élevée qu'un matériau traditionnel — et proposé à un prix similaire dans une volonté de démocratisation. Mais il s'agit d'aller encore plus loin. Edycem et Centrale Nantes envisagent de diminuer encore le clinker tout en conservant les propriétés du matériau final, et ce dès le plus jeune âge du béton. Pour cela, des études et autres tests sont actuellement menés en laboratoire (rhéologie, résistance mécanique...) 

Les liants alternatifs font également l'objet de la chaire de recherche. Des ressources naturelles bas carbone sont mises au banc d'essai, telles que des cendres de biomasse ou des argiles spécifiques. 

Aller plus loin  grâce à la recherche

Notons que la chaire collaborative entre Edycem et Centrale Nantes fait la part belle à l'intelligence artificielle. En effet, l'IA permet une excellente captation des données et la génération de modèles prédictifs précis et inédits sur les comportements des matériaux dans le temps, pouvant être très utiles pour la conception de bétons nouvelle génération. Tout l'intérêt, en fait, est de coupler les méthodes traditionnelles déjà existantes ayant fait leurs preuves avec l'intelligence artificielle, qui comporte certes encore à ce jour des défauts, mais peut aussi parfois surpasser les capacités humaines et techniques connues jusqu'alors. 

L'idée aussi est de voir le béton à l'échelle du bâtiment, certes, mais aussi de la ville et de ses problématiques actuelles : adaptation au changement climatique, retour de la biodiversité... Edycem souhaite développer un matériau qui soit compatible avec l'ensemble de ces besoins. La question des îlots de chaleur urbains est notamment au cœur de la chaire III, via une étude des revêtements des chaussées routières. L'idée est de faire des sols capables d'absorber l'eau par un effet drainant, la réchauffer en sous-sol, puis la relâcher dans l'air de la ville sous forme d'évaporation rafraîchissante. Pour y parvenir, un travail doit être effectué sur la déformation et la porosité du béton, mais aussi sur l'épaisseur de matériau utilisé et la diversité des couches employées. Alors, des trottoirs de demain en béton décarboné qui permettent de garder nos villes à des températures acceptables ? C'est tout ce que l'on souhaite ! 

* Classement 2024 de l'Étudiant

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