Anticiper les ressources de demain

Rédigé par

Marceau Gourovitch

Ingénieur doctorant

576 Dernière modification le 05/03/2024 - 00:00
Anticiper les ressources de demain

La plupart des politiques publiques et des études proposent des solutions pour atténuer et s’adapter au changement climatique. La prise en compte des aléas et les solutions bas carbone en sont une brique, mais n’oublions pas d’autres perturbateurs : la diminution de l’approvisionnement énergétique et la disponibilité des ressources.

Les besoins en énergie, croissants depuis la révolution industrielle et exponentiels depuis le XIXᵉ siècle, ont entraîné une hausse constante de la consommation des énergies fossiles, l’équivalent de 80 % de l’approvisionnement énergétique mondial (figure 1). L’économie mondiale repose en majorité sur le pétrole, indissociable des transports. En France, 91 % d’entre eux roulent aux produits pétroliers² (gazole, essence, carburéacteurs), 95 % en Europe et dans le monde. Comme l’illustre la figure 2, 56 % du pétrole dans le monde est alloué au transport, 66 % au niveau européen. Difficile dès lors d’imaginer, pour ce qui concerne le BTP – et au vu des besoins en produits dérivés – des usages sans recours à cette ressource. 

Figure 2 - Produits dérivés issus du pétrole et du gaz naturel en 2017 en fonction des secteurs d’activités (Michaux³).

Concernant la production future, certaines études⁴  donnent des pics de la production mondiale entre 2020 et 2045 en fonction des scénarii, une production mondiale inférieure de 50 % étant estimée aux environs de 2100. Dans une étude du Shift Project⁵, l’estimation générale du pic de production pétrolière des seize principaux pays fournisseurs de pétrole se situe quant à elle avant 2030, avec une diminution de l’approvisionnement de 50 % aux environs de 2050. Enfin, concernant les découvertes de pétrole, les volumes varient en fonction des auteurs, mais les gisements facilement exploitables sont de plus en plus rares.
(NB : Ce raisonnement est aussi applicable au gaz mais avec un décalage dans le temps, le pic gazier étant prévu après celui du pétrole d’après les nombreux observateurs). 

La disponibilité des ressources est un élément souvent résumé à son prix. Mais cela est plus délicat. En effet, les dernières années démontrent que la géopolitique influe sensiblement sur la disponibilité des ressources tout comme la consommation de pays comme la Chine, l’Inde ou le Brésil. Dans la même veine, la période post-Covid-19 a aussi montré les faiblesses des chaines d’approvisionnement, que l’on parle d’approvisionnement externe (venant d’autres pays) ou d’approvisionnement interne (venant de la France). On pensera notamment au bois qui était cultivé en France mais vendu sur le marché nord-américain.  Il faut donc dorénavant réfléchir en termes de disponibilité « réelle » et non pas de disponibilité théorique sur des bases de productions mondiales.

Le pétrole à l’échelle du bâti 
Comme expliqué plus haut, le pétrole est l’énergie du transport…, moins de pétrole impliquerait donc moins de transport. Or, c’est un point crucial dans le domaine du bâtiment du fait de l’importation des matériaux et leur acheminement jusqu’au chantier. La disponibilité des ressources a également tout lieu d’impacter les études et le bâtiment conçu. Les choix doivent en outre prendre en compte cette disponibilité (lorsqu’il n’est pas possible de faire autrement) ou s’en affranchir au maximum en utilisant des matériaux disponibles le moment venu quelles que soient les perturbations. 

Le choix de matériaux résilients 
Il existe déjà des matériaux permettant d’être résilient tant face au changement climatique qu’à la diminution de l’approvisionnement énergétique et à la disponibilité des ressources. Le but est d’utiliser un matériau peu carboné, et produit à proximité du chantier. Un tel cahier des charges fait pencher la balance vers les produits bio et géosourcés, matériaux souvent renouvelables, nécessitant peu de transformation et pouvant être produits localement. Le tableau ci-dessous détaille les conséquences et les effets de ces trois caractéristiques.

Des solutions pour le bâtiment 
Concernant la structure des bâtiments, ces solutions sont d’ailleurs celles qui furent utilisées par nos anciens, lorsqu’ils n’avaient pas de pétrole. On notera les possibilités suivantes : le bois, les pierres et moellons, la terre porteuse, la paille porteuse. Concernant les matériaux d’isolation et de finition, on pourra aussi penser aux « vieux » bâtiments, avec par exemple  : le bois (fibre ou panneau), la terre (en enduit ou remplissage), les murs en béton non porteur (béton de chanvre, par exemple), les isolants à base de fibres naturelles (chanvre, herbe, lin, mouton, etc.), la paille. 

Et demain ? Proposer des solutions répondant uniquement au changement climatique pourrait créer d’autres problèmes ailleurs. Il est donc nécessaire d’ouvrir au maximum son champ de réflexion pour explorer des solutions les plus systémiques possible. Si cet article évoque seulement deux perturbations supplémentaires, bien d’autres existent. Les solutions esquissées ne pourront pas répondre à toutes les problématiques et ne doivent pas être vues comme une panacée. Elles sont simplement les premières pierres d’un nouveau BTP. Pour finir, il ne faut pas oublier la résilience et l’adaptation aux perturbations futures des bâtiments à rénover qui sont d’une importance cruciale. Rappelons que 80 % des logements de 2050 sont déjà construits. 

Cet article fait partie de notre dossier Adaptation & Résilience des bâtiments que vous pouvez retrouver ici.

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