Aller vers une réconciliation du bâtiment avec les êtres vivants

Rédigé par

Amandine Martinet - Construction21

Journaliste

2567 Dernière modification le 03/03/2023 - 11:57
Aller vers une réconciliation du bâtiment avec les êtres vivants

Ce vendredi 3 mars est célébrée la Journée mondiale de la vie sauvage. L’occasion de réfléchir aux liens entretenus entre la faune, la flore et l’acte de construire, au travers notamment du processus du biomimétisme. Eléments d’éclairage avec Alain Renaudin, Président-fondateur de NewCorp Conseil et du salon Biomim'expo qui a lieu chaque année à Paris. 

 

Des écosystèmes effacés par une urbanisation galopante, des espèces en voie de disparition, progressivement privées de leur habitat naturel… De prime abord, peu de choses semblent rapprocher le secteur de la construction et le vivant. Et si le premier s’inspirait du second pour profiter à tous ? Telle est l’idée du biomimétisme, une approche selon laquelle nous pourrions puiser dans les processus naturels et les mécanismes de la faune et de la flore pour influencer nos propres façons de faire. Un concept qui peut notamment s’appliquer au milieu du BTP. 


Pour Alain Renaudin, Président-fondateur de NewCorp Conseil, « l’univers du BTP et de la vie sauvage, c’est encore une relation en devenir ». Si le fondateur du salon Biomim’expo reconnaît les efforts progressifs du secteur pour aller vers des bâtiments aux meilleures performances environnementales, avec « beaucoup de beaux exemples isolés de projets plus vertueux », il invoque la nécessité d’un « changement d’échelle » pour que désormais, cet « exceptionnel devienne la norme ». 

Mais comment opérer cette généralisation ?

Notamment via le biomimétisme, donc, qui implique pour les acteurs du monde de la construction de se questionner pour pratiquer leur métier différemment. Ainsi formulé par Alain Renaudin :  


« Comment mon métier peut-il réintégrer des principes déjà expérimentés par le vivant qui peuvent m’aider à être plus performant, tout en prenant garde à ce qu’il y ait un retour d’ascenseur ? »

Autrement dit, pour réconcilier vie sauvage et bâtiment, il est indispensable de penser l’acte de construire de sorte de rendre service aussi bien à la nature qu’à l’homme, sans être dans une approche uniquement anthropocentrée. Pour Alain Renaudin, le grand défi auquel est confrontée la profession aujourd’hui est donc de « penser des bâtiments et des villes demain qui ne soient pas uniquement réservés aux hommes ». 

Le fondateur de Biomim’expo ajoute que « le BTP demain doit être un métier régénératif de biodiversité. Il doit apporter sa pierre à l’édifice et passer d’un métier consommateur de ressources et appauvrissant à un métier enrichissant. »

Voici plusieurs pistes pour tendre vers ce modèle. 
 

Réintégrer la nature en ville

C’est une tendance qui se vérifie déjà de plus en plus dans le secteur du BTP : l’idée de redonner sa place à la biodiversité en milieu urbanisé. Qu’il s’agisse de planter des arbres, instaurer des zones humides ou encore créer des ruches ou des potagers partagés, l’idée est donc de réinsérer la végétation, l’eau ou encore des animaux dans un tissu urbain dont ils ont été longtemps bannis.  

Alain Renaudin donne notamment l’exemple des « sponge cities » développées en Chine ou à plus petite échelle les récentes initiatives de la ville de Paris pour désimperméabiliser plusieurs cours d’école, des actions qui permettent de casser un vieux principe de villes hermétiques à l’eau. 

 

Les bénéfices pour l’homme sont multiples, comme l’explique Alain Renaudin : « quand les métiers du BTP intégreront davantage de faune et de flore en ville, cela permettra de lutter contre les îlots de chaleur, mais aussi apporter de la sérénité. Reconnecter avec le vivant dans un cadre de vie du quotidien permet d’apaiser les mœurs, recréer du bien-être psychologique et social. »

Lire aussi : Faire pousser la nature en ville avec l’outil SESAME
 

S’inspirer du vivant

Nous l’avons compris, la vie sauvage célébrée mondialement ce vendredi 3 mars a toute sa place dans les zones urbanisées. Mais plus encore que cela, elle doit servir de modèle inspirant pour l’acte de construire, conformément à ce qu’indique l’idée du biomimétisme. Et les exemples de projets directement inspirés de ce qui existe dans la nature ne manquent pas ! 

Alain Renaudin nous en donne plusieurs. Parmi eux, les bâtiments inspirés des cheminées de ventilation dans les termitières, imaginés par l’architecte Nicolas Vernoux-Thelot. Autre exemple, le cabinet d’architecture Art & Build qui a appliqué une façade auto-réactive, des sortes de persiennes passives, sur le CIRC – nouveau siège du Centre International de Recherche sur le Cancer – à Lyon, fonctionnant de façon similaire aux pétales des fleurs en s’ouvrant et se refermant en fonction de la chaleur et l’humidité.  

La bonne nouvelle pour le fondateur de la Bio’mim expo : « on constate de plus en plus souvent que les solutions qui réintègrent le vivant sont plus économes que les autres. » Pourquoi s’en priver, donc ?
 

Entremêler les savoir-faire

Alain Renaudin l’explique : « c’est une nouvelle ère qui s’ouvre collectivement. Comment l’ingénieur travaille avec le biologiste, comment les métiers de la construction s’inspirent de technologies issues du vivant pour économiser de l’énergie, travailler en circuit court… » 

Cette notion de collectif semble donc primordiale pour réconcilier le vivant avec le BTP. C’est en s’ouvrant à d’autres univers, d’autres connaissances et d’autres façons de faire que les métiers « traditionnels » du secteur de la construction pourront appréhender leur métier différemment en y intégrant la vie sauvage. C’est d’ailleurs l’une des raisons d’être d’événements tels que la Biomim’expo, organisée tous les ans à Paris.  
 

> Le salon Biomim’expo expliqué par Alain Renaudin

« L’objectif de Biomim’expo est de révéler d’autres solutions et champs du possible inspirés du vivant, des pistes alternatives qui sont soit en gestation soit déjà développées, les faire connaître pour être capables de les démultiplier. Aujourd’hui notre enjeu est de développer ce qui a déjà fait ses preuves à l’échelle 1 jusqu’à une échelle 10, 100, 1000. Demain ne démarre pas d’une page blanche ! Biomim’expo diffuse cette idée réconfortante que nous ne sommes pas seuls sur terre et que nous pouvons nous aider de ce qui nous entoure. Le salon sert également à provoquer des rencontres entre des classes qui ne se côtoient pas assez, les biologistes et les ingénieurs par exemple. C’est le lieu de partages d’expériences entre différentes filières économiques : demain, notre capacité créative sera aussi une capacité à l’hybridation et à la pluridisciplinarité. »

Le rendez-vous est d’ores et déjà donné pour la prochaine édition de l’événement consacré au biomimétisme, une « édition XXL » organisée dans un nouveau lieu, le Parc floral de Paris. 

Pour conclure ? D’après les mots d’Alain Renaudin, se réconcilier avec la nature représente une « formidable opportunité » pour les métiers du BTP, qui sont déjà en route pour le faire… « mais pas assez vite ». 

 

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