Adapter la France à +4°C : coûts et dessous de l’iceberg

Rédigé par

Stéphanie Santerre - Construction21

Journaliste

361 Dernière modification le 08/04/2024 - 10:00
Adapter la France à +4°C : coûts et dessous de l’iceberg

Le think tank spécialisé I4CE apporte un premier chiffrage de l'adaptation pour les secteurs du bâtiment, des transports et de l'agriculture. Un rapport remis à Christophe Béchu à quelques semaines de la présentation du prochain Plan National d’Adaptation (PNACC3). 

« Lacunaire », « inexistante » ... L’évaluation des coûts actuels et futurs de l’adaptation est-elle aussi imprécise voire utopique que le juge la Cour des comptes ? Dans la perspective d’adapter la France à +4°C, la question mérite pourtant d’être tranchée, tant « la réponse est essentielle pour piloter l’action publique », estime Julien Depoues, chercheur senior – Adaptation au changement climatique à l’Institut économique pour le climat (I4CE). Initiateur d’un projet de recherche pour évaluer les implications économiques de différents scénarios d’adaptation à la nouvelle trajectoire de réchauffement de référence du gouvernement, celui-ci vise aujourd’hui à clarifier les connaissances sur les besoins de finances publiques pour l’adaptation de trois secteurs prioritaires : le bâtiment, les infrastructures de transport et l’agriculture.

En amorce de son zoom sectoriel prévu à l'été 2024 et de la présentation du prochain Plan national d’Adaptation (PNACC3), I4CE tord le cou à l’aspect inchiffrable des enjeux, via un rapport faisant émerger de premiers ordres de grandeur pour l’ensemble des acteurs de l’économie, et notamment ces trois secteurs clés. Tout en appelant à la prudence dans l’interprétation de ces montants, considérant qu’ils ne feraient que rehausser le "mur d’investissements" de la transition énergétique : « Des travaux sont encore nécessaires pour cibler et séquencer au mieux les investissements là où les principales vulnérabilités seront localisées. »

Lire aussi : Climat : l'Etat prépare son plan pour adapter la France à +4°C

Quel niveau de service souhaite-t-on à tout prix conserver ? Qu’est-on prêt à transformer ? À quoi est-on prêt à renoncer ? Pour Ie think tank, l’évaluation économique de l’adaptation passera par ces réflexions.

Bâtiment : entre 1 et 2,5 millions d'euros d'investissements/an
Transports : des centaines de millions à des quelques milliards d'investissements/an
Agriculture : 1,5 milliard d'euros d'investissements dans les 10 ans 


Des travaux éclairants en vue d'une planification

Il existe bien « des éléments de chiffrage mais pas de coût unique de l’adaptation en France », enseigne l’étude pour ces trois secteurs majeurs. Ce tableau composite (voir encadré), plus ou moins mature selon les domaines d’action, permet d'établir les premiers montants en jeu pour l’ensemble des acteurs de l’économie. « En revanche il ne faut pas en déduire trop vite un coût unique de l’adaptation en France », prévient I4CE, pour qui l’estimation de ce coût dépendra du niveau de réchauffement à considérer et de la manière dont on choisit collectivement de se préparer. 

 « Sans politique d’adaptation plus ambitieuse, les réactions spontanées se révèlent souvent les plus coûteuses pour les finances publiques et représentent déjà plusieurs milliards d’euros par an », explique-t-il encore, en évoquant le coût de prise en charge publique de dommages, des coûts des réparations des infrastructures essentielles ou encore d’aides de crise. « Si réagir et réparer peut parfois paraître plus simple qu’anticiper et abordable à court terme, il est important de garder en tête que sans adaptation structurelle, ces dépenses subies ne vont cesser d’augmenter et perdre leur caractère exceptionnel. »

Les actions d’anticipation étant « bien identifiées », elles pourraient « être mieux déployées », en privilégiant par exemple des modes de construction sobres et des choix architecturaux adaptés pour des bâtiments confortables l’été même sans climatisation ; en renforçant certains ouvrages ou en organisant autrement la maintenance pour améliorer la robustesse et la résilience des infrastructures (…) ». « On commence tout juste à avoir un ordre de grandeur des coûts associés à différents leviers d’anticipation qui pourraient être actionnés de façon plus ou moins ambitieuse ». 

« Parmi les options d’anticipation, certaines produisent suffisamment de cobénéfices économiques pour être intrinsèquement rentables mais ce n’est pas le cas de toutes », poursuit l’Institut : « L’importance des impacts socio-économiques justifie souvent une intervention publique proactive mais qui peut prendre différentes formes ; la prise en charge directe de certaines dépenses d’adaptation n’étant qu’une option possible parmi d’autres pour s’assurer de la meilleure efficacité et distribution possible des dépenses. »

« Le défi est de toujours prendre en compte le bon niveau de réchauffement aux bons moments dans les dans les cycles de décision et d’investissements manière à ne plus uniquement subir les impacts du changement climatique sans pour autant surinvestir dans des mesures d’adaptation très couteuses qui ne seraient in fine jamais justifiées économiquement. Cela requiert une mise en œuvre séquencée de l’adaptation qui tienne compte de la durée de vie des investissements et de la réversibilité des décisions ainsi qu’une répartition visible et stable des responsabilités, de façon à clarifier les incitations à agir des différents acteurs de l’économie », concluent les experts. 

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