La nouvelle réglementation pour les Engins de Déplacements Personnels motorisés (EDPM)

1587 Dernière modification le 13/11/2019 - 08:09
La nouvelle réglementation pour les Engins de Déplacements Personnels motorisés (EDPM)

Giroroues, giropodes, hoverboards, skate électriques ou trottinettes électriques, ces nouveaux engins de déplacements personnalisés s’inscrivent peu à peu dans le paysage urbain.

Si le code de la route prévoit depuis longtemps la circulation des engins de déplacements personnels non motorisés en les assimilant à des piétons, les progrès en termes de motorisation et de stockage de l’énergie ont permis l’émergence des engins de déplacements personnels électriques  (EDPM) qui viennent d’entrer dans le code de la route par décret n° 2019-1082 du 23 octobre 2019 relatif à la réglementation des engins de déplacement personnel.

La commission européenne avait exprimé dès 2002 que les engins de déplacements motorisés ne relevaient pas de la directive européenne 2002-2024/ CE du 18 mars 2002, relative à la réception des véhicules à moteur à deux ou trois roues donc qu’ils n’étaient pas à ce titre réceptionnés. Toutefois, une exception était faite pour le cas particulier des engins disposant d’un siège. En effet, dans ce cas en France, ils relèvent de la catégorie des cyclomoteurs, à l’exception des giropodes dotés d’un siège.

Dès 2003, la société Segway demandait à l’administration où les giropodes pouvaient circuler. Constatant qu’ils n’avaient pas de possibilité de circuler sur la chaussée avec le code en vigueur, une proposition a été faite de lancer une expérimentation en assimilant les giropodes à des piétons et en les bridant à 6 km/h par assimilation aux engins de déplacements non motorisés. La société Segway n’a pas donné suite.

Les engins de déplacements personnels motorisés étaient légalement considérés comme des jouets jusqu’au 22 octobre 2019. Leur utilisation se limitait au domaine privé et ils étaient donc interdits d’usage dans l’espace public. La nouvelle réglementation vient modifier cet état de fait et est un outil pour permettre aux gestionnaires de voirie et autorités de pouvoir de police d’agir sur les pratiques sur nos espaces publics et sur nos voiries à travers l’éducation, le contrôle et la sanction. En 2018, il s’est vendu d’après la Fédération des Professionnels Micro-Mobilité près de 233 000 trottinettes électriques pour un prix moyen TTC de 490 euros, 301 500 hoverboards, 4 200 giroroues, 2 200 giropodes, et 26 200 skate électriques pour un prix moyen TTC respectif de 490 euros, 169 euros, 362 euros, 421 euros, 117 euros

Le nouveau cadre réglementaire

Récemment des engins de déplacements motorisés sont arrivés en grande quantité, importés par des vendeurs qui se sont fort peu souciés de l’interdiction pour ces engins de circuler dans l’espace public. Ignorant la réglementation en vigueur, force est de constater notamment dans certains lieux emblématiques, une quasi invasion de trottinettes électriques, giroroues, hoverboards, et autres giropodes. L’évolution du cadre réglementaire vient apporter une réponse à cette difficulté. Les Assises de la Mobilité, suivies de la préparation de la LOM loi d’orientation sur la mobilité ont été l’occasion d’arrêter deux propositions complémentaires :

  • définir un cadre par défaut qui a été adopté par décret n° 2019-1082 du 23 octobre 2019. Il modifie le code de la route en définissant les engins de déplacements personnels motorisés ainsi que les règles d’usage.
  • donner dans le projet de loi d’orientation sur les mobilités à l’autorité en charge du pouvoir de police la possibilité de déroger aux règles relatives aux lieux d’usage des engins de déplacements motorisés prévues par le code de la route.
     

À quelles questions veut répondre le cadre général ?

Il est défini une catégorie spécifique de véhicule pour les engins de déplacements motorisés électriques (EDPM), : véhicule sans place assise, conçu et construit pour le déplacement d'une seule personne et dépourvu de tout aménagement destiné au transport de marchandises, équipé d'un moteur non thermique ou d'une assistance non thermique et dont la vitesse maximale par construction est supérieure à 6 km/h et ne dépasse pas 25 km/h. Il peut comporter des accessoires, comme un panier ou une sacoche de petite taille. Un gyropode, tel que défini au paragraphe 71 de l'article 3 du règlement (UE) n° 168/2013 du Parlement européen et du Conseil du 15 janvier 2013 relatif à la réception et à la surveillance du marché des véhicules à deux ou trois roues et des quadricycles, peut être équipé d'une selle. Les engins exclusivement destinés aux personnes à mobilité réduite sont exclus de cette catégorie. La présence d’un siège à l’exception du giropode les requalifie en cyclomoteur avec toute la réglementation qui leur est associée, BSR permis AM et assurance).

La largeur maximale des EDPM est de 0,90 m et la longueur maximale est de 1m35. Contrairement aux autres véhicules ses roues ne sont pas nécessairement munies de pneumatiques.

Pour beaucoup d’éléments les engins de déplacements motorisés se rapprochent du Vélo à assistance électrique (VAE), mais avec des différences.

La vitesse maximale par construction pour le moteur de l’EDPM par analogie avec le VAE de 25 km/h. l’amende est de 1500 euros pour les EDPM qui ne respecteraient pas cette exigence. Comme pour tous les motorisés se pose la question du débridage qui est difficile à contrôler. C’est pourquoi la présence d’un éventuel mode piéton bridé à partir de 6 km/h, si elle est intéressante conceptuellement, reste ressentie par les associations qui ont participé aux concertations peu crédible devant l’échec de l’application du bridage des cyclomoteurs à 45 km/h.

La réglementation prévoit un système de frein pour les EDPM. Les caractéristiques seront précisées par un arrêté, Contrairement aux cycles, ils devraient déroger à l’obligation de présence de deux systèmes de freinage indépendants..

Un EDPM doit être muni d’un ou plusieurs catadiopres arrières, de catadiopres oranges visibles latéralement, et d’un catadioptre blanc visible à l’avant.

Au niveau éclairage, la nuit, ou le jour lorsque la visibilité est insuffisante, tout engin de déplacement personnel motorisé ou cycle doit être muni d'un feu de position émettant vers l'avant une lumière non éblouissante, jaune ou blanche et d'un feu de position arrière. Ce feu doit être nettement visible de l'arrière lorsque le véhicule est monté.

Lorsque le conducteur d’EDPM circule la nuit, ou le jour lorsque la visibilité est insuffisante, il doit porter, soit un gilet de haute visibilité conforme à la réglementation, soit un équipement rétro-réfléchissant dont les caractéristiques sont fixées par arrêté du ministre chargé de la sécurité routière.

Toutefois, certains EDPM ne peuvent offrir que des éclairages à une hauteur très basse (hoverboard). Il est donc proposé d’améliorer la visibilité de l’usager en lui permettant de porter un dispositif d'éclairage complémentaire non éblouissant et non clignotant.

Un EDPM doit être muni d'un appareil avertisseur constitué par un timbre ou un grelot dont le son peut être entendu à 50 mètres au moins. L'emploi de tout autre signal sonore est interdit.

Quelque soit le milieu, toutes les règles de priorité, feux etc. qui s’appliquent aux EDPM sont les mêmes que pour les VAE.

Le chevauchement d’une ligne continue est possible pour dépasser un EDPM, comme pour un vélo.

Pour ce qui concerne les lieux d’usage des EDPM, il s’est agi de trouver un compromis entre l’intérêt de ces EDPM, leur sécurité et la sécurité des autres usagers.

Au vu de leur dynamique et possibilité de vitesse, la circulation dans les aménagements cyclables semble être la porte d’entrée (bandes, pistes cyclables). L’arrivée des usagers d’EDPM ainsi que les transferts d’autres modes de déplacements sont une opportunité pour réinterroger les largeurs des aménagements cyclables, surtout si le nombre de cyclistes est en forte croissance. En effet, les recommandations en vigueur ont été pensées dans la phase de réapparition du vélo dans nos villes soit 1m50 de large pour les bandes et les pistes monodirectionnelles. Il va sans dire que ces recommandations sont des minimums et que lorsqu’on atteint plusieurs milliers d’usagers par jour elles deviennent inadaptées. L’ouverture des aménagements cyclables aux EDPM contribue à mettre à l’agenda une révision du partage de la voirie, notamment la remise en question des cas où le stationnement automobile a été privilégié sur les déplacements à vélo. Ainsi comme pour les cyclistes, si les aménagements cyclables ne répondent pas aux besoins des EDPM, il est très probable qu’ils squatteront les trottoirs ou la chaussée tous véhicules malgré la réglementation.

EDP

 

Sanctuarisation du trottoir pour les piétons

Dans le cadre général, seuls les usagers de 12 ans et + peuvent conduire un EDPM. Le transport de passagers est interdit, il ne doit y avoir qu’un seul usager sur un EDPM.

Dans le cas général, il est interdit aux usagers d’EDPM de circuler sur les trottoirs. L’amende est de 35 euros.

En effet, depuis le premier positionnement de 2003 dans les échanges avec la société segway, la France a adopté en 2005 la loi pour l’égalité des droits et des chances, la participation et la citoyenneté des personnes handicapées qui dans ses décrets d’application de 2007 à la suite des décrets de 77, 91, 99 réaffirme le rôle de sanctuaire pour les piétons des trottoirs. Ceci a été renforcé par le 2e décret du code de la rue de 2010. Il faut reconnaître que les perspectives de vieillissement de la population ont abouti à une prise de conscience. Pouvoir cheminer sans la peur d’avoir des engins motorisés qui vous surprennent est une revendication forte des associations de piétons, et une condition indispensable pour que les personnes âgées continuent de marcher en ville et restent autonomes le plus longtemps possible. En effet, l’activité physique constituée par la marche au quotidien contribue à retarder la perte d’autonomie dont les coûts humains, sociaux et économiques sont très importants. A cela s’ajoute la nécessité de prévenir la sédentarité et son cortège de maladie et en conséquence de facilité la pratique de la marche au quotidien comme mode actif pour tous. Il est donc proposé de conserver la sanctuarisation du trottoir pour les piétons dans le cadre général.

En agglomération (entre panneau d’agglomération), dès qu’il existe des bandes ou pistes cyclables, les EDPM sont tenus de les utiliser. L’amende pour non respect de cette règle est de 35 euros. En leur absence, ils sont autorisés à utiliser la chaussée lorsque la vitesse est limitée à 50 km/h ou moins. Ils sont autorisés à circuler en aire piétonne, zone de rencontre et voie vertes, ainsi que sur les accotements revetus (donc les bandes de rive des chaussée à voie centrale banalisée en milieu urbain).

L’accès à la voie réservée des doubles sens cyclables est de droit dans les zones 30, zone de rencontre et aires piétonnes (toute voies limité à 30 km/h ou moins)

Hors agglomération, ils ne sont autorisés à circuler dans le cas général que sur les voies vertes et les pistes cyclables, par exemple un chemin de halage, ou une ancienne voie de chemin de fer qui relient deux villages. Le texte ne propose pas de les autoriser à circuler sur les bandes multifonctionnelles (accotement revetus en bord de route).

La signalisation de police pour les cyclistes et le marquage vélo seraient de fait étendus aux usagers d’EDPM, évitant la multiplication des signaux qui rend l’espace public peu lisible.

Pour cela, une modification de l’Instruction Interministérielle sur la Signalisation Routière et de l’arrêté de 1967 sur la signalisation sont nécessaires.

L’autorité en charge du pouvoir de police de pouvoir modifier les règles d’usage de l’espace public sur 2 points :

Par analogie avec les vélos en aires piétonnes, il sera possible d’autoriser la circulation des EDPM sur certains trottoirs à la vitesse du pas, sans occasionner de gêne pour les piétons. Derrière cette possibilité des cas particulier de trottoirs particulièrement larges dans des contextes particuliers trouveront une réponse.

Pour les routes à 80 km/h, il sera possible de proposer la circulation des EDPM si l’état, le profil et le trafic de la route le permettent. Seulement, l’usager devra porter impérativement le casque (amende à 135 euros) un gilet haute visibilité ou un équipement rétro-réfléchissant dont les caractéristiques sont fixées par arrêté, porter sur lui un dispositif d'éclairage complémentaire non éblouissant et non clignotant dont les caractéristiques seront fixées par arrêté, circuler, de jour comme de nuit, avec les feux de position de son engin allumés.

Cependant, qui dit déroger aux règles générales signifie l’obligation de signaler localement des dérogations, cela nécessitera de définir une signalisation adaptée aux EDPM (marquage et ou panneaux), un travail peu avancé au stade actuel. La norme sociale relativement aux EDPM est en train de se construire. La définition de règles ouvre la possibilité de communiquer, de contrôler et de sanctionner. Ces règles participent à l’appropriation d’une norme sociale partagée qui soit autre que l’application de la loi du plus fort.

Comme pour les vélos améliorer leur visibilité, un conducteur d'engin de déplacement personnel motorisé peut s'éloigner du bord droit de la chaussée lorsqu'une trajectoire matérialisée pour les cycles, signalisée le permet.

Afin de prévenir l’emportièrage, comme pour les vélos, sur les voies où la vitesse maximale autorisée n'excède pas 50 km/ h, un conducteur d'engin de déplacement personnel motorisé peut s'écarter des véhicules en stationnement sur le bord droit de la chaussée, d'une distance nécessaire à sa sécurité.

Pour ce qui concerne le stationnement, il est précisé qu’en aire piétonne le stationnement des EDPM n’est autorisé que sur les emplacements autorisés à cet effet. Une modification de l’instruction interministérielle sur la signalisation routière et de l’arrêté de 1967 sur la signalisation sont nécessaires pour définir le signal qui permettra d’identifier ces lieux de stationnement. De plus, il est précisé qu’en absence de place matérialisée, le stationnement est possible pour les EDPM dans les 5 m en amont d’un passage piéton.

Il n’est pas prévu de dispositif antivol pour les EDPM.

Auteur :

Benoît Hiron, Chef du groupe Sécurité des usagers et Déplacements – Cerema Territoires et ville

Pour en savoir plus sur la génèse de cette réglementation, voir Article publié dans TEC n°240

Couverture de la revue TEC Mobiité intelligente n° 240

 

Article publié sur Cerema Actualités - Lire la suite

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