Bâtiment responsable et Intelligence Artificielle

Rédigé par

Anne-Lise Deloron

8994 Dernière modification le 18/12/2018 - 09:00
Bâtiment responsable et Intelligence Artificielle

L’Intelligence Artificielle (IA) apparaît aujourd’hui comme un facteur-clé de la transformation du bâtiment dans une perspective de développement durable. Elle fait du bâtiment une plateforme de services qui peuvent favoriser l’adoption de comportements éco-responsables. Mais les innovations correspondantes ne sont pas sans risques. Sont-elles véritablement bénéfiques dans le secteur du bâtiment ? Réponse avec les réflexions du Groupe de Travail "Réflexion Bâtiment Responsable 2020- 2050" du Plan Bâtiment Durable. 

L’objectif de la présente note de réflexion est de poser des jalons en vue d’établir un cadre d’analyse de cette nouvelle technologie et, ainsi, d’offrir une contribution au débat public. Alors que le rapport Villani sur l’Intelligence Artificielle vient d’être remis au Gouvernement, cette note vient compléter les propositions du rapport Villani[1] et ouvrir de nouvelles pistes sur le volet spécifique de l’IA au service du bâtiment responsable[2].

La présente note, orientée « utilisateur », traite surtout de l’exploitation du bâtiment et n’aborde que de façon incidente sa conception et sa réalisation. Conception et exploitation sont certes liées et on ne peut concevoir un bâtiment sans prendre en compte dès l’amont les technologies qui y seront mises en œuvre. Mais les applications potentielles de l’IA au domaine de la conception sont spécifiques et méritent une approche en soi

L’Intelligence Artificielle bouleverse l’usage du bâtiment et de ses systèmes

Quelle que soit sa finalité (logement, équipement collectif, immeuble tertiaire ou industriel), le bâtiment d’aujourd’hui se présente comme un ensemble de haute technicité. D’ores et déjà, les TIC contribuent à une exploitation rationalisée et performante du bâtiment et de ses divers systèmes techniques, notamment dans les domaines de la gestion technique du bâtiment (GTB), la sécurité incendie, la protection, etc.

Les TIC contribuent à :

  • Recueillir des informations dans un bâtiment en cours d’exploitation (température, qualité de l’air, quantité de lumière, présence, usages, etc.)
  • Transmettre ces informations, les stocker, les traiter et les rapprocher d’autres données ;
  • Développer un service de suivi des consommations énergétiques
  • Assister à l’exploitation, automatiser certaines tâches, gérer les incidents, optimiser la gestion dynamique des systèmes techniques (chauffage, circuit aéraulique, gestion des ouvrants, éclairage…), des accès (portes, portillons…) et des équipements liés à la mobilité interne (ascenseur, escalators, trottoirs roulants…).

Le but est d’atteindre une autonomie pour certaines fonctions (par exemple, pas seulement repérer la fuite d’eau, mais couper l’alimentation) ce qui suppose que ce type de régulations puisse fonctionner même si la connectivité du bâtiment n’est plus assurée, par exemple en cas de la coupure internet4.

Les résultats sont :

  • Réduction de la consommation et des coûts énergétiques ;
  • Réduction des taux de pannes, de l’usure, des délais d'intervention ;
  • Diminution du nombre d’interventions de maintenance inutiles ou inefficaces ;
  • Augmentation de la disponibilité du matériel et des personnes, de la qualité de service et de la réactivité.

Ainsi, dans le domaine énergétique, les TIC sont d’un apport incontestable. Elles contribuent à l’efficacité énergétique de façon accessible, adaptable et pérenne, prenant en compte les comportements effectifs des occupants, tout en améliorant leur qualité de vie. Pour tous ces services rendus, l’IA joue un rôle important. Le plus souvent, l’IA fonctionne sur le mode de la régulation experte basée sur des modèles physiques. Un exemple élémentaire est fourni par un le thermostat, qui fonctionne selon une boucle de rétroaction et qui se substitue au réglage manuel auquel procéderait l’occupant. Aujourd’hui, l’IA permet le traitement des données recueillies, notamment par les objets connectés. Depuis les années 2010, l’IA s’est ouverte à l’apprentissage profond [deep learning] qui permet aux machines d’apprendre par elles-mêmes.

Avec l’Intelligence Artificielle, le bâtiment gagne un « cerveau ». 

Ce « cerveau » acquiert une compréhension des usages, peut les anticiper, proposer de nouveaux réglages, en intégrant de nombreuses données, ce qui ne serait pas possible à l’occupant et/ou au gestionnaire. Le bâtiment se comporte de façon plus dynamique vis-à-vis de ses occupants.

Les obstacles dans la mise en œuvre de ces innovations sont cependant non négligeables et ne seront surmontés que dans la durée:

  • D’un point de vue technique, il est nécessaire de faire interagir des équipements de nature hétérogène et qui ne sont pas nativement connectables ; il est donc important d’intégrer dans une vision globale les différentes technologies internes au bâtiment ;
  • D’un point de vue métier, il est nécessaire de concilier le rythme très élevé des innovations liées aux TIC et la refonte des schémas et procédures des entreprises du bâtiment ;
  • D’un point de vue utilisateur, la mise en œuvre de ces innovations doit se faire dans une optique de transparence (une complexité accrue peut rendre tout changement de prestataire difficile et induire un risque de captivité) et de longue durée (comment concilier des technologies numériques pouvant être obsolètes en deux-trois ans et un bâtiment conçu pour durer plusieurs dizaines d’années ?) ;
  • Du point de vue de la sécurité, enfin, le fonctionnement du bâtiment doit présenter une certaine autonomie pour garantir un fonctionnement sécurisé même en cas de coupure internet, ce qui pose notamment la question du lieu de stockage des données, à l’extérieur (cloud) ou à l’intérieur (autonomie numérique). 

[…] Parcourez la suite du rapport 

Eléments d’analyse du groupe de travail « Réflexion Bâtiment Responsable 2020 – 2050 » du Plan Bâtiment Durable, rédaction par Marc Desportes


[1]  Rapport « Donner un sens à l’Intelligence Artificielle – Pour une stratégie nationale et européenne », Cédric Villani, Mathématicien et Député de l’Essonne, Rapport consultable en ligne : https://fichiers.acteurspublics.com/redac/pdf/2018/2018-03-28_Rapport-Villani.pdf

[2] Rappelons que le rapport Villani retient quatre secteurs prioritaires : santé, écologie, transport-mobilité, défense-sécurité.

Crédit photo : Arnaud Bouissou - Terra

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