Matériaux bio-sourcés : La terre de chantier remplace le béton

Rédigé par

Jean-Philippe Pié

Journaliste

7295 Dernière modification le 26/11/2012 - 13:28

Fibres de chanvre, de lin, de laine... : les éco-matériaux atteignent peu à peu le stade de la maturité dans le secteur du bâtiment. Et le matériau le plus prometteur est peut-être... la terre, qui ne demande aucune culture ni transformation*. 

Une entreprise normande en est déjà au stade du transfert industriel, avec un procédé qui lui permet d'obtenir des résultats équivalents aux matériaux classiques, comme le béton ou la brique.  « On a repris le matériau de construction le plus ancien et on s'est demandé : comment en faire un matériau moderne, adapté à l'industrie du bâtiment » explique Alain Lefebvre, 57 ans, créateur de l'entreprise Cematerre, située à une dizaine de kilomètres du Havre.

Ce chef d'entreprise normand expérimenté – il a fondé en 1997 l'entreprise de génie civil Lefebre Industrie (30 salariés) avait cette idée en tête depuis une dizaine d'années : utiliser la terre présente sur un chantier pour en faire un matériau crédible. Son entreprise a donc mis au point un procédé aujourd'hui certifié par le CSTB qui consiste à associer terre, chaux, ciment et fibre de lin, malaxer le mélange sur place dans une centrale de malaxage et couler le produit dans les coffrages, exactement comme un béton. Le produit est composé à 85 % de terre.
 
Son premier gros atout est d'être adaptable à toutes les terres, à condition de bien doser la chaux. Cette chaux vive casse en effet les micro billes composant l'argile et en fait un produit stabilisé, capable de résister à l'érosion de l'eau et du vent. « On gomme les désavantages du pisé » précise Alain Lefebvre. 

Le deuxième avantage réside dans la simplicité d'exécution, par simple coulage. « L'utilisation traditionnelle de la terre pose un vrai problème de temps de main d'oeuve : six à sept heures de travail par mètre carré. C'est pour cela  qu'elle a été abandonnée. Notre terre se pose comme un béton, le temps est d'une heure au mètre carré » annonce Alain Lefebvre. Des poteaux de béton peuvent être quand même posés sur certaines zones du bâtiment soumises à forte pression. 

Enfin dernier aspect qui, comme le coulage, contribue à la maîtrise des coûts : la terre est gratuite et produite sur place (le sous-sol du bâtiment) ou dans les environs du chantier. 

La chaux ne coûte pas grand-chose non plus. « Nous n'avons aucun surcoût par rapport aux matériaux habituels ». 

Les résultats ? 

L'entreprise a terminé cette année son premier bâtiment, un  immeuble tertiaire de 600 mètres carrés, dans la commune de Gonfreville-l’Orcher (76). « Une première dans le monde ! » n'hésite pas à dire Alain Lefebvre, qui a fait breveté la méthode sur l'Europe entière. 

D'autres chantiers sont en cours. La société ne souhaite pas se positionner a priori sur les maisons individuelles mais sur des ouvrages plus importants.

 En parallèle, un programme de recherche de 4 ans a démarré en partenariat avec l’Université du Havre. Un chercheur du CNRS travaille sur l’amélioration du matériau et des capacités d’isolation thermique du Cematerre. 

L'association lyonnaise Craterre, composée d'architectes passionnés par le matériau terre, est  en contact étroit avec Cematerre, du fait de la facilité et de la robustesse du procédé.

 

Source Jean-Philippe Pié / Ecobat Infos

 

Lire à ce sujet « Construire en terre », un ouvrage essentiel sur cette méthode de construction. Téléchargeable ici : : http://craterre.org/diffusion:ouvrages-telechargeables/download/id/228000cfbc70686aa4d0785b3281c03c/file/publicationConstruireenterre.pdf

 Legende photo : Le bâtiment de Gonfreville-l’Orcher est équipé d’une cinquantaine de capteurs dont les données sont transmises en temps réel au LOMC (Laboratoire Ondes et Milieux Complexes) de l’Université du Havre, qui suit l’évolution du comportement de ce « prototype » sur 10 ans.

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