Le Bâtiment Bas Carbone est-il le nouveau BBC? Retour sur Passion Bâtiment

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NOVA BUILD

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2629 Dernière modification le 06/12/2016 - 09:48
Le Bâtiment Bas Carbone est-il le nouveau BBC? Retour sur Passion Bâtiment

La Loi de transition énergétique pour la croissance verte du 17 août 2015 ambitionne un mode de développement respectueux de l’environnement et une société «bas carbone». Les enjeux pour les bâtiments sont considérables, en tant que principal consommateur d’énergie et de ressources et producteur de gaz à effet de serre.L’ambition pour le bâtiment de demain est de concilier des exigences portant sur ses caractéristiques énergétiques et les émissions de gaz à effet de serre sur l’ensemble de son cycle de vie : il sera à la fois à énergie positive et bas carbone.Il devra prendre toute sa part dans un modèle de développement local et d’économie circulaire appelant à une consommation sobre et responsable des ressources naturelles, à la promotion du recyclage et à la prévention des déchets de construction

Ces nouvelles ambitions allant bien-au-delà des exigences de performance énergétique telles qu’elles figuraient dans les différentes RT, entraîneront pour les professionnels du bâtiment un changement de pratique considérable.C’est la raison pour laquelle les organisateurs de Passion Bâtiment ont choisi le thème du bâtiment bas carbone pour réunir une centaine de participants à la FFB de Loire-Atlantique le 10 novembre 2016.

Vers des bâtiments bas carbone et à énergie positif en 2020 ? Enjeux et contexte réglementaire

Après une ouverture du colloque par Jean-Pierre CHATEAU, Secrétaire Général de la Fédération Française du Bâtiment des Pays de la Loire, Anne-Sophie PERRISSIN-FABERT, directrice de l’association HQE-France GBC retrace le contexte du bâtiment durable.

Pour Anne-Sophie PERRISSIN-FABERT « Les engagements politiques actuels obligent la profession à s'engager dans le développement durable, si rien n’est fait, si le scénario « business as usual » se maintient, alors nous aurons en 30 ans une augmentation de la température moyenne de 5 degrés. Les choix que feront les acteurs du bâtiment auront une responsabilité dans ce résultat » En effet, rappelons-le, la construction des bâtiments neufs est responsable de 60% des émissions de CO2, et de 40% dans leur exploitation.

Le bâtiment fait l’objet d'une attention forte sur le sujet du développement durable. Dans le scénario de -2° tel qu’il est retenu par la COP21, le bâtiment doit baisser de 50% ses consommations avant 2030. Beaucoup a déjà été fait, beaucoup reste à faire. Le bâtiment a déjà réduit son empreinte carbone, l'enjeu est désormais dans l'énergie grise.

Afin d’enclencher une démarche vertueuse, l’Etat a lancé le 17 novembre un nouveau label Energie Carbone.

Le nouveau label ENERGIE-CARBONE

Pour Anne-Sophie PERRISSIN-FABERT : « Il ne faut pas perdre de temps, on doit monter dans le train tout de suite. Ne pas se poser de question, la méthode est la bonne! Ce n'est pas énergie OU carbone mais énergie ET carbone! On change de paradigme : c'est un tout, systémique, on doit tout prendre en compte. Les 2 curseurs doivent être pris en compte (énergie et carbone). Cumuler les critères Énergie & Carbone ne sera pas simple, c'est pour cela qu'il faut démarrer des expérimentations. »

Benoit ROCHER, Chargé de mission Bâtiment Durable, DREAL Pays de la Loire, présente le nouveau label d’Etat qui aura 2 types d’indicateurs : énergie et carbone.

La vocation du futur label est de préparer la future réglementation applicable en 2018. 

D’où la volonté à réaliser des bâtiments exemplaires par un appel à expérimentation. Pour participer à l’expérimentation il faut suivre la méthode de calculs du référentiel énergie-carbone, procéder à une autoévaluation ou se faire certifier par un label (le Ministère laisse le choix ouvert) et procéder à un retour d'expérience.

Pour en savoir plus sur la démarche ENERGIE CARBONE.

Pour Bertrand HANNEDOUCHE, Direction des Affaires Techniques de la FFB, il semble assez risqué d'imposer, dès 2018, les changements aux acteurs concernés. Il souhaite qu’on n’aille pas trop vite, afin de  ne pas oublier certains acteurs, et ne pas laisser de côté les acteurs par exemple de la maîtrise d'ouvrage au niveau économique.

Pourquoi le Bâtiment Bas Carbone va-t-il devenir une référence ?

Pour Hélène GENIN, Déléguée générale de l’Association BBCA qui était également présente au colloque Passion Bâtiment, le secteur du bâtiment est important dans la contribution aux réductions de GES. Il y a urgence à diminuer l'impact carbone du bâtiment car le logement est le 1er émetteur.

Le défi de BBCA est de diviser par 2 les émissions de CO² pour la construction neuve. Le label BBCA est complet et porte sur tout le cycle de vie du bâtiment. En revanche, ne sont pas pris en compte les déplacements des usagers car BBCA fonctionne comme une « empreinte carbone » et non pas un « bilan carbone » qui aurait intégré aussi ces éléments. Derrière BBCA, il y a une logique de sobriété et d'optimisation pour ne pas gaspiller. La meilleure économie de matériaux est celle que l'on n'utilise pas.

Le label BBCA est entré en vigueur en mars 2016. Plus de 80 référents Label BBCA ont été formés depuis Mars 2016. Les premiers lauréats présentent une baisse de 25% des émissions carbone.

La vision est de chercher une convergence avec les objectifs de l'Etat. Selon Hélène GENIN :  « nous sommes les pionniers qui allons défricher le terrain. La construction bas-carbone entraîne un changement de paradigme dans la conception : sobriété, chasse au gaspi, etc. ».

Bâtiments bas carbone, retours d'expérience

Sous forme d’illustration du propos précédent, Guillaume DESMAREST, Chef de groupe Travaux, Entreprise Brézillon et Christophe BONNIN, co-gérant des Charpentiers de l’Atlantique, présentent le projet de la rue des Ardennes à Paris 19eme. 1 an d'étude a été nécessaire avant le lancement des travaux. Le chantier se situe sur un espace difficile d'accès. Les voies d'accès sont en sens unique, l’espace disponible est très réduit, des familles avec beaucoup d'enfants habitent tout autour du site.

« Nous ne connaissions pas le label BBCA, nous sommes partis sur des réflexions communes pour répondre au mieux aux exigences du programme, et nous avons constaté l’adéquation avec les recommandations du label BBCA » précise Guillaume DESMAREST.

Le label BBCA a été demandé et accordé après la livraison du bâtiment.

Ce projet recourt au bois en structure, mais il est à remarquer que BBCA ne prescrit pas forcément du bois même si ce matériau a des atouts pour un bilan carbone.  «Tous les matériaux et matériels doivent faire leur révolution bas carbone! » indique Hélène GENIN. Des industriels se rapprochent actuellement de BBCA dans cette perspective.

Jean Claude CHARLES, pour PODELHIA, présente un  autre projet. Il s’agit de la réalisation de leur siège social qui est en cours de labellisation BBCA. La démarche BBCA a été commencée dès l’APS en mixte bois-béton. Jean-Claude CHARLES précise: « il s’agit d’un engagement volontaire de Podeliha vers une diminution de l'empreinte carbone est de sa responsabilité comme bailleur social ». Pour le  bailleur social, cette expérience fructueuse les a amené à réfléchir différemment.

Construire et penser autrement

Jean-Claude CHARLES ajoute : « Contruire et penser différemment c'est un devoir pour un bailleur social ». Il se réjouit que l’appel à expérimentation lancé par l’Etat amène à faire ensemble la réglementation. Podeliha va lancer une réflexion pour un suivi des consommations sur 2 ans pour ensuite pouvoir dupliquer le projet.

Toutefois, Jean-Claude CHARLES fait part de sa crainte de laisser les petites entreprises sur le bas-côté, du fait notamment des exigences en termes d’investissement, de formation, etc.

Le grand témoin du colloque, Anne-Sophie Perrissin-FABERT pense que ce n’est pas contradictoire. Elle se réjouit que la nouvelle réglementation soit très ambitieuse. Mais elle ajoute : « Est ce qu'on va emmener tout le monde dans cette nouvelle ambition ? C’est comme pour le sport. Cela peut être un défi que tout le monde fasse du sport, mais certains jouent en 1ère division et d’autres font une activité plus simple mais régulière. L’important c’est que tout le monde s’y mette et  puisse s'entraîner! ».  Elle ajoute : "Il faut savoir être ambitieux pour tout le monde, pour massifier la construction durable, pour qu’elle concerne à termes 80% des bâtiments neufs, c'est notre responsabilité collective".

Diminuer l’énergie grise dans les bâtiments

Sophie LAROCHE, d’EVEA, bureau d’étude environnemental, fait part d’une étude qu’elle a réalisée pour le compte de l’ADEME, sur l’analyse comparée de différents matériaux et leur impact carbone sous la forme d’analyse de cycle de vie (ACV). L'analyse de cycle de vie permet de tester l'impact de différents matériaux et de procéder à des choix en toute connaissance de cause.

EVEA constate que le choix d'un mode constructif est lié à un ouvrage spécifique, et l'analyse de cycle de vie n'exclut à priori aucun choix. L'approche multicritères de l’ACV, allant au-delà de l'empreinte carbone, permet de ne pas déplacer une pollution et de conserver une approche globale, ce qui n’est pas toujours possible avec l’empreinte carbone.

Pour autant, l'Analyse de cycle de vie peine à trouver sa place, du fait de la disponibilité des intervenants, des enveloppes budgétaires limitées,  ou des choix constructifs déjà figés qui rendent guère possible des alternatives au moment de la réalisation de l’analyse.

Les ACV peinent à s'imposer

Les études ACV restent complexes et difficiles à analyser. L’évaluation de l’impact en termes de gain n'est pas toujours évidente et on obtient parfois des résultats qui peuvent questionner. Le 1er réflexe est d’interroger la base de données, il y a parfois des incohérences.

Par exemple, les FDES n'intègrent pas la provenance des matériaux, et fonctionnent par moyenne.  Il existe des configurateurs qui permettent d'affiner les données afin notamment de favoriser des démarches d’économie de proximité, mais ils ne sont pas toujours utilisés. De plus, la partie usage est importante en termes de consommation de carbone et n’est pas toujours facile à appréhender.

Anne-Sophie Perrissin-Fabert en tant que grand témoin réagit en soulignant pour elle l’importance de la démarche. Elle reconnait que ce n’est pas parfait, « les conventions de mesure sont discutables sur des données discutables mais le  consensus est là pour dire qu'on peut y aller et s'améliorer en marchant ». Elle ajoute : "Faut-il attendre que tout soit parfait pour avancer sur l'impact carbone? Il fallait partir dès maintenant. Cela permet de progresser". L’analyse de cycle de vie est un nouvel outil qui permet de voir autrement d’autres choses, « un peu comme quand on porte des lunettes pour la première fois » précise-t-elle.

A retenir que l’analyse de cycle de vie est un bon outil d’aide à la décision. Il permet de mettre l’accent sur 3 facteurs : la quantité (ce qui permet d’aller vers la sobriété en réduisant les quantités), l'impact environnemental (en mettant l’accent notamment sur les polluants) et la durée de vie (en faisant apparaitre les éléments sur obsolescence)

Le réemploi des matériaux de construction

Une étude nationale sur le réemploi a été réalisée en 2015 par l’Ademe. Dominique BIRRIEN, ingénieur à l’ADEME vient la présenter. Cette étude contient la définition du réemploi, de la réutilisation et du recyclage.

Peu de textes réglementaires prennent en compte spécifiquement le remploi des matériaux et des produits de construction. Les règles de test et de contrôle ne sont pas abordées tout en ne les interdisant pas.

De fait, ce sont des pratiques peu développées. Les opérations sont motivées par la volonté du porteur de projet ou du client. On constate que la qualification des produits du réemploi n'a pas été un frein. En revanche, les solutions du réemploi ne sont pas, ou peu compétitives par rapport aux matériaux neufs. Il faut donc une volonté de différenciation Environnementale de l'ouvrage.

Une question se pose désormais : faudra-il à termes instaurer une obligation de réemploi ? C’est un long chemin. Tout commence dans ce domaine, tout est à faire. Il faut mettre en place les cadres législatifs. Il faut s'assurer que l'usage du produit réutilisé est le même que le produit neuf.

Et si le bâtiment devenait producteur de ressources ? L’économie circulaire appliquée au bâtiment.

Sébastien PRUD’HOMME, Chargé d'affaires, AREA CANOPEE, présente en complément un retour d’expériences de la démarche Cradle2Cradle en se demandant en introduction « et si le bâtiment devenait un jour producteur de ressources? ».

Loin de l’économie linéaire et différent du développement durable visant à réduire les impacts, AREA CANOPEE  se propose d’évoluer vers une économie circulaire à impact positif pour le bâtiment. Le principal mérite est d’arrêter de culpabiliser et d’ouvrir le champ des possibles.

Il y a 2 cycles dans l’économie circulaire :

  • un cycle biologique (matière biodégradable et produits de consommation)
  • un cycle technique (flux de matériaux, produits d’usage)

Il faut appréhender en amont la fin d'usage des produits, le cycle biologique pour les produits biodégradables ou le cycle technique des produits réutilisables.

En prolongement, Eric ALLODI, Directeur associé et co-fondateur d’ EPEA indique que pour lui, un bâtiment est une banque de matériaux. Les matières survivent au bâtiment, elles prennent de la valeur tout au long de la durée de vie du bâtiment. Il précise : « Le choix de matériaux doit être pensé dès le départ pour qu'ils soient une ressource forte à la fin de vie Le bâtiment peut-être un centre de bénéfices dès la conception ».

L’approche de l’économie circulaire appliquée au bâtiment consiste à ne plus chercher à  créer des bâtiments dont on doit diminuer l'impact négatif, mais de créer des bâtiments à impact positif. Dans le bâtiment positif, il n'y a pas de déchet mais des ressources, cela suppose qu'on collabore avec d'autres acteurs. Dans une économie positive, il n'y a pas de création de valeur seule, il faut coopérer et s'appuyer sur la diversité.

Eric ALLODI l’affirme : « Ce sont nos intentions positives qui font les bâtiments positifs. Il y a des choix à faire, cela revient à connaitre les matériaux de l’intérieur, il faut s'intéresser à la chimie des matériaux. Concevoir un bâtiment positif est plus complexe mais plus enthousiasmant. Il faut être conscient des choix, apprendre, comprendre, partager, échanger. »

Dans cette perspective, le BIM a toute sa place car il permet notamment de recenser tous les matériaux en vue de faciliter la démontabilité future des bâtiments.

L'approche Craddle to Craddle en vue d'une construction positive est facilitée par une démarche participative de type PCI. Eric ALLODI présente rapidement l’exemple du PARK2020 aux Pays Bas dont la réalisation repose sur le concept de l’économie circulaire. En France, 5 bâtiments sont en cours de certification « C2C The Registry ». A suivre, donc.

L’expérimentation pour tous !

En conclusion, Anne-Sophie PERRISSIN-FABERT appelle chacun des acteurs de la construction présent au colloque de s’engager vers l'expérimentation énergie-carbone, que ce soit avec ou sans label, pour préparer la future réglementation.

Et pour terminer, le mot de la fin lui revient : « Alors ? Le bâtiment bas carbone est-il le nouveau BBC ? Oui et non. Oui, car le mouvement enclenché est semblable à celui qui avait prévalu au lancement du BBC et qui a abouti à la RT 2012. Non, car il ne faut pas oublier l’énergie, il ne s’agit pas que du carbone, mais aussi de l’impact énergétique ».


La 12e édition de PASSION BATIMENT était organisée le 10 novembre 2016 à la FFB de Loire-Atlantique par les partenaires suivants : ATLANBOIS, l'ADEME, la FFB, EXPONANTES et NOVABUILD. 

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