Le marché français du désamiantage et du déplombage

Rédigé par

Pierre Véran

17521 Dernière modification le 31/07/2020 - 11:21
Le marché français du désamiantage et du déplombage

Où en sont aujourd’hui les travaux de désamiantage et de déplombage en France ? Quelles sont les grandes tendances du marché ? Quels en sont les principaux acteurs ? Grâce à leur expertise, certaines entreprises spécialisées gagnent la confiance des majors du BTP.

 

« Plus de 20 ans après l’interdiction de l’amiante, la filière du désamiantage profite encore d’un contexte très favorable », soulignait le cabinet d’études sectorielles Xerfi-Precepta dans une étude publiée en juin 2019. Même si la crise due à l’épidémie de Covid-19 vient aujourd’hui bouleverser la donne, affectant durement le secteur du bâtiment, les fondamentaux devraient à moyen terme rester les mêmes.

 

Le marché bénéficie de la volonté des collectivités territoriales de réhabiliter les friches urbaines, ce qui implique le plus souvent la réalisation de travaux de désamiantage et de déplombage. Soutenue par la demande de foncier des promoteurs et des investisseurs pour la construction de logements ou de locaux industriels, l’activité est également stimulée par le dynamisme de la rénovation urbaine et les investissements des propriétaires pour améliorer les performances énergétiques des bâtiments. Elle profite aussi de nouveaux débouchés dans des secteurs comme le ferroviaire et le naval.

 

Un marché porteur, proche de la maturité

 

La plupart des bâtiments construits avant 1997, date de l’interdiction du matériau en France, contiennent de l’amiante. On estime ainsi à plus de 50 milliards d’euros la somme nécessaire pour désamianter les trois millions de HLM contaminés en France. Dans ce contexte, la profession estime que le marché devrait se stabiliser autour d’un milliard d’euros au cours des dix prochaines années.

 

Une enquête conduite en 2017 par la Direction de l’animation de la recherche, des études et des statistiques (Dares) et la Direction générale du travail (DGT) a estimé à 25 000 le nombre de chantiers de désamiantage en 2015. Selon cette étude, 80 % des chantiers concernent des immeubles bâtis et 20 % des immeubles de grande hauteur ou des établissements recevant du public. L’amiante-ciment, impliqué dans 80 % des chantiers, constitue le premier matériau traité ; les plâtres, flocage et peintures étant concernés dans près de 23 % des chantiers. L’extérieur des bâtiments (couverture, bardages, façades) et l’intérieur (sols, murs, plafonds, ouvrants, canalisations) représentent chacun la moitié des chantiers.

 

Dans ce contexte porteur, le chiffre d’affaires des spécialistes des travaux de désamiantage a progressé de 4,8 % par an entre 2015 et 2018, tandis que celui des professionnels de l’ingénierie et du diagnostic a crû de 3,9 % par an, selon l’étude Xerfi-Precepta. « Mais le ralentissement de la conjoncture dans le bâtiment pèsera sur l’activité des désamianteurs, », estimait déjà Damien Nesme, chargé d’études chez Xerfi et auteur de l’étude, avant la crise sanitaire et économique. Au-delà de ce choc, après avoir connu quelques belles années, la filière amiante verrait donc s’ouvrir « une période plus incertaine avec un ralentissement de la croissance », signe que « le marché français du désamiantage approche désormais de la phase de maturité » tout en conservant un gisement et un potentiel certain.

 

 

 

 

Un contexte de forte concurrence entre divers acteurs

 

La réglementation, qui évolue régulièrement dans un sens de plus en plus contraignant, impose des prestations de plus en plus complexes et donc plus rémunératrices. Mais la multiplication des normes entraîne aussi des dépenses supplémentaires de certification, de protection et de formation. Une hausse des coûts que les acteurs ont du mal à répercuter sur leurs clients, dans un contexte de forte concurrence. Selon les estimations de Xerfi, leur taux d’excédent brut d’exploitation a ainsi perdu près de 4,5 points depuis 2011 pour s’établir à 6,5 % en 2018.

 

L’heure est donc à la réduction des coûts. Celle-ci passe par l’innovation, l’utilisation de techniques de désamiantage plus économiques et notamment de robots-désamianteurs. Le développement des outils numériques permet également de simplifier le diagnostic sur site et d’optimiser la gestion des prestations et des données collectées. Les acteurs du marché tentent également d’augmenter leurs capacités d’intervention en développant des centres de traitement.

 

Le fort potentiel de l’activité a séduit de nombreux nouveaux entrants. À tel point que le nombre de désamianteurs aurait été multiplié par quatre au cours des cinq dernières années. Selon Xerfi, la filière française du désamiantage rassemblerait aujourd’hui plus d’un millier d’acteurs aux profils très variés, au-delà des spécialistes du secteur. Les grands groupes du BTP (Bouygues, Vinci, Eiffage) contractent une majeure partie de ces travaux sans nécessairement les exécuter. Les leaders des services environnementaux (Suez, Veolia) comptent aussi parmi les acteurs visibles, en se positionnant sur plusieurs maillons de la chaîne (ingénierie, travaux, traitement) sans toutefois être des spécialistes. Sur ce marché très disputé, évoluent aussi, les groupes d’entretien-amélioration des sites, les acteurs de la déconstruction et les leaders du diagnostic et des analyses.

 

Les spécialistes tirent leur épingle du jeu

 

Par exemple, Bouygues Bâtiment Ile-de-France, major du bâtiment sur le marché francilien, pilote de nombreux chantiers intégrant des opérations de désamiantage réalisées par des spécialistes, en particulier via sa direction Rénovation Privée,positionnée sur des projets de rénovation tertiaires et résidentiels, qui exerce notamment ses compétences dans les grands hôtels et les tours de La Défense. « Nous sommes face à des contraintes liées au territoire, à la réglementation et aux normes, mais ce n’est pas ce qui rend difficile le projet. Ce qui est compliqué ce sont les bâtiments qui ont traversé les âges, c’est de s’adapter à l’existant », explique Alain Tayar, son directeur général adjoint. « Ce qui se cache derrière un mur ou sous une moquette, nous ne le découvrons qu’une fois la phase de travaux entamée et c’est là que réside le vrai défi ».

 

Pour le relever, les majors du BTP et autres grands groupes font donc le plus souvent confiance à des spécialistes, dotés des certifications, de l’expérience, des moyens techniques et humains et de la capacité d’adaptation et d’innovation nécessaires pour mener à bien ces opérations complexes et délicates, dans le strict respect de la réglementation et des contraintes de sécurité.

 

C’est le cas par exemple de DI Environnement, précurseur du retrait de l’amiante, du plomb et des autres polluants, un métier que cette entreprise familiale basée historiquement dans la Drôme exerce depuis 25 ans. Positionnée sur les plus grands chantiers de désamiantage français, cette société a la particularité d’avoir intégré au maximum son métier : conception et fabrications de ses propres matériels, process métier dédiés, école interne pour former le personnel, solutions innovantes ; DI Environnement est le spécialiste de référence en la matière selon son directeur général, Hugo Rosati. Il explique être un « pure-player de la dépollution » grâce à des « équipes compétentes et formées pour faire face à de multiples risques : amiante, plomb, fibres céramiques réfractaires, PCB, hydrocarbures et autres produits classés Cancérigène, Mutagène et Reprotoxiques (CMR) ».

Avec 450 collaborateurs dont 400 opérateurs formés, notamment, au retrait de l’amiante et du plomb, l’entreprise est clairement le leader de son marché, même comparativement aux groupes précités pour lesquels elle travaille de manière récurrente. Leader même au-delà du marché français, sur lequel elle est présente avec de nombreuses implantations, puisque DI Environnement est également présente dans d’autres pays et réalise des opérations partout dans le monde pour des clients de l’hexagone ou internationaux.

 

En misant sur ce savoir-faire de spécialiste, il semble que l’entreprise a fait un choix d’avenir : elle ouvrira bientôt une usine de démantèlement de véhicules terrestres et ferroviaire dans l’Est de la France, la plus moderne et le plus importante en la matière, et se positionne maintenant sur le démantèlement des centrales nucléaire.

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