Le Danemark, pays de l'architecture avant-gardiste et innovante

Rédigé par

Stéphanie Obadia

Directrice de la rédaction

1106 Dernière modification le 16/01/2024 - 11:05
Le Danemark, pays de l'architecture avant-gardiste et innovante

Berceau du concept « design pour améliorer la vie » (The Index Project), Copenhague mêle avec audace pépites architecturales contemporaines, bâtiments et palais historiques. Lieux hybrides et mixité en ligne de mire.

Le Danemark se distingue par des architectes de renom, comme Arne Jacobsen, Vilhem Dahlerup, Finn Juhl, présents sur la scène mondiale : Australie, Islande, Groenland... Ce n’est donc pas pour rien que l’Année internationale de l’Architecture s’est tenue en 2023 à Copenhague. La ville regorge de bâtiments modernes et avant-gardistes, de piscines flottantes, de ponts destinés aux vélos, piétons et voitures. La capitale est d’ailleurs une ville à taille humaine dominée par des bâtiments de quatre à six étages plutôt que des gratte-ciel en verre et en acier. Tout un jeu avec la lumière, l’eau, les espaces ouverts. Les exemples sont nombreux comme le Blox, un immeuble imposant façon Lego – un ancien parking – où il est possible de lire, boire un café, faire du sport, travailler dans des bureaux partagés ou même faire du toboggan avant de tomber sur les collections du Centre d’architecture danois. Ou encore l’extension de la bibliothèque Royale, baptisée le Diamant Noir pour ses murs en marbre foncé qui reflètent mer et ciel, et les fameuses tours Cactus où tous les appartements sont dotés d’un balcon pointu pour maximiser l’apport de la lumière.

À plus grande échelle, Nordhavn, un ancien quartier du port réhabilité de 250 hectares qui abrite logements, commerces et bureaux. Dans ce quartier, 20 % des bâtiments ont été réhabilités – des vieux entrepôts en brique rouge – le reste étant des bâtiments neufs, majoritairement en béton et préfabriqués comme presque partout aujourd’hui au Danemark. « Le Lego c’est danois, l’assemblage, nous connaissons », confirme le guide. Certains le qualifient d’ailleurs de « laboratoire d’urbanisme » puisque tout est repensé : la connexion aux transports (métro, bateaux, vélos) pour favoriser les mobilités douces, la connexion au réseau de chaleur urbain, les piscines urbaines, la récupération des eaux de pluie, des espaces partagés comme ce parking dont la terrasse sert d’aire de jeux et de promenade, la végétalisation… Les logements sont tous traversants. Pour autant pas de bois, de biosourcé, ni de matériaux bas carbone pour ces bâtiments. Cela ne fait pas partie des habitudes danoises, et ce, alors que l’ambition de Copenhague est d’être neutre en CO2 en 2025. Si aujourd’hui, ce quartier abrite 2 000 habitants, 40 000 sont prévus à terme. Autre quartier, celui d’Ørestad, pensé pour mettre en œuvre les dix-sept objectifs de développement durable de l’ONU, tels que la multiplication d’espaces communs conviviaux, la réutilisation et le recyclage de matériaux locaux favorisés pour la construction des cinq immeubles composant l’ensemble.

La chasse aux économies d’énergie ouverte

Là encore, réduire les émissions de CO2 des bâtiments passe par l’efficacité énergétique : l’une des priorités du gouvernement. Des solutions d’économie d’énergie dans les bâtiments sont mises en œuvre dans les logements, les bureaux et les institutions publiques nouvellement construits et rénovés à travers le pays. Cela passe donc par une enveloppe de bâtiment étanche avec des installations techniques économes en énergie, par la montée en puissance des bâtiments intelligents permettant la mesure, l’analyse et le contrôle de l’énergie ou par des sources d’énergie renouvelable. Les hôtels de Copenhague en sont une illustration : un tiers des chambres – environ 8 500 – est désormais refroidi par des systèmes de climatisation innovants alimentés par l’eau de mer.

Vers des bâtiments bas carbone ?

La décarbonation de l’environnement bâti ne peut cependant pas se réduire au seul prisme de l’énergie. Elle doit également passer par une approche globale sur l’ensemble du cycle de vie des bâtiments y compris dans le choix des matériaux et composants de construction. Et effectivement, le modèle danois a ses limites et semble assez en retard. Peu de projets sont réalisés en bois et biosourcés, hormis des surélévations, extensions et quelques initiatives comme celles de Living Places, un concept développé par Velux. Les process de construction sont très traditionnels : du béton en structure, de l’isolant en laine de roche, de grandes baies vitrées pour laisser passer la lumière et un mode de construction industrialisé : la préfabrication est de mise au Danemark. C’est le cas par exemple de l’école privée française Prins Henrik qui accueillera 560 élèves à la rentrée : structure béton, grandes surfaces vitrées qui s’opacifient en fonction du soleil… Des efforts et un changement de mentalité sont donc à mener et certains acteurs s'en sont d'ailleurs déjà emparés. Des études danoises récentes montrent que les émissions des bâtiments peuvent être divisées par deux ou même réduites d’environ 75 % par rapport à la législation danoise actuelle, simplement en suivant les meilleures stratégies de conception et en utilisant les matériaux actuellement disponibles. Pour les bâtiments neufs, l’évaluation de l’impact climatique avec des outils d’ACV, associée à des engagements ambitieux, est d’une importance cruciale. Raison pour laquelle le pays a mis en place depuis en janvier 2023 dans le Code du bâtiment un seuil carbone de 12 kgCO2/m²/an, pour tous les bâtiments de plus de 1 000 m² (ce qui correspond en France à 600 kgCO2/m² pour une durée de vie de 50 ans). Il existe également une démarche volontaire de faibles émissions avec une limite de 8 kgCO2/m²/an. La limite pour le bâtiment est basée sur l’ensemble de son cycle de vie : les produits pour la construction du bâtiment, la consommation d’énergie pour l’exploitation et les produits de remplacement sont inclus. De nouveaux seuils plus exigeants seront imposés en 2025, 2027 et 2029. Pour les bâtiments de moins de 1 000 m², il n’y a pas encore de seuil imposé mais chaque bâtiment doit faire l’objet d’un calcul d’impact carbone, basé sur la norme CEN EN15978:2012. Les modules approvisionnement en matières premières, transports, remplacement, consommation d’énergie opérationnelle, traitement des déchets et élimination sont obligatoires. 

Enfin, le Danemark souhaite également mettre l’accent sur la rénovation des habitations avec pour mot d’ordre : rénover plutôt que démolir. Des mesures incitatives ont d’ailleurs été lancées par l’État depuis 1993, notamment pour la rénovation des ensembles de logement vétustes des années 1960, qu’ils soient privés ou sociaux. La guerre en Ukraine a aussi fait ressurgir le besoin de réduire les consommations énergétiques. Dont celles des bâtiments, sachant qu’au Danemark, un tiers de l’énergie consommée provient du chauffage. En effet, les chiffres de l’AIE montrent que l’exploitation des bâtiments représente 30 % de la consommation finale mondiale d’énergie en 2021 (dont 10 % pour la production des matériaux de construction et des processus de construction). Un partenariat public-privé a été établi au 
Danemark avec des représentants de quatorze secteurs de la communauté des affaires danoise. Le secteur danois de 
la construction a proposé soixante-trois recommandations pour réduire ses émissions afin d’atteindre l’objectif  climatique national d’ici 2030. La mise en œuvre de ces propositions pourrait entraîner une réduction annuelle nette de 5,8 tonnes d’émissions de CO2 par an d’ici 2030.

Former pour décarboner

« Le pays est en croissance de 3,6 %. La plupart des secteurs de l’économie se portent bien comme les technologies de l’informatique et de la communication, de l’industrie pharmaceutique, des énergies renouvelables et de la recherche et du développement, explique Claire Camdessus, cheffe du Service économique Ambassade de France. D’autres secteurs sont à fort potentiel comme la construction écologique. Néanmoins, les besoins de main-d’œuvre, notamment non qualifiée, sont importants ». De nombreux centres de formation existent pourtant, comme le Roskilde Technical College (VET) qui forme chaque année 11 000 étudiants dans trente-quatre filières différentes en continuou en alternance, pour des candidats de 16 à 60 ans. Il est question d’initier les étudiants à la construction mais également au durable comme les énergies renouvelables (solaire, PV, récupération de chaleur…). Distinguée en 2020 par les Nations Unies, l’école propose 34 filières de formation différentes allant de l’enseignement secondaire au Bachelor. La mobilité est fortement encouragée. Dans une démarche tournée vers l’international, l’organisme de formation encourage ses sections d’apprentis à s’ouvrir au monde, de découvrir et d’apprendre de nouvelles pratiques. Chaque année, pas moins de 150 étudiants sont ainsi envoyés en mobilité européenne, dans le cadre du programme Erasmus. L’établissement 
joue également un rôle d’accueil en recevant des apprentis venus d’autres horizons. Ainsi, des apprentis issus du BP 
Métallier du BTP CFA du Maine-et-Loire ont eu l’occasion de vivre une expérience formatrice au sein de cette institution. Face à la pénurie de recrutement dans ce secteur au Danemark, l’enjeu majeur réside dans la proposition d’une formation qui réponde au mieux aux attentes des jeunes en matière de salaires, de cadre de travail et de bien-être professionnel.

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