La gouvernance de la donnée au cœur de la révolution de l’IA

Rédigé par

Emmanuel François

825 Dernière modification le 05/04/2024 - 11:28
La gouvernance de la donnée au cœur de la révolution de l’IA

L’adoption massive de l’IA et son impact sur l’usage de la donnée interrogent, par la quantité colossale des données requises et la capacité de la machine à interpréter, transformer et reproduire des données synthétiques.

L’IA va t-elle révolutionner le monde ? Si l’IA a désormais envahi nos vies quotidiennes, nous ne cessons encore de découvrir l’ampleur de son impact sur notre façon de travailler, de vivre et d’interagir avec, à la clé, enthousiasme mêlé de craintes tant cette mutation est rapide et profonde notamment depuis l’arrivée de l’IA générative.

L’interrogation quant à l’usage des données nécessaires à l’alimentation des algorithmes se fait tant sur le plan éthique, juridique qu’économique. En effet, des questions fondamentales, telles que la place de l’Humain dans le processus de décision, la préservation des libertés individuelles ou le respect de la propriété intellectuelle, demeurent et nécessitent des clarifications au risque d’évoluer vers une société déshumanisée, gouvernée par des machines !

C’est pour tenter de répondre à ce préambule que la Data Governance Alliance for Smarter Citizens (DG4SC) s’est essayée, il y a près de 2 ans, à repenser une charte fondatrice de nos valeurs, La Déclaration des Droits de l’Homme, à l’ère numérique.

Cette réécriture modeste et ambitieuse souligne, en trois principes, que la donnée est indissociable de l’Être Humain, comme produit de son activité (consubstantialité) ; que tout processus automatisé doit être sous l’égide de l’Être Humain (subjectivité) et que les modèles de gouvernance de la donnée se doivent d’être à la fois des plus ajustés et distribués (subsidiarité).

La donnée indissociable de l’Être Humain ? En voici une illustration. De fait, avec le développement de l’IA, la frontière entre données personnelles et non personnelles s’estompe car il devient de plus en plus aisé de désanonymiser une donnée personnelle par le jeu de croisement des données du fait même de l’IA. Certains n’hésitant pas à avancer qu’avec l’IA la donnée personnelle n’existe plus ! Ce sont donc nos modèles de pensée des 50 dernières années (RGPD de 1978), axés uniquement sur la donnée personnelle, qui sont à reconsidérer.

C’est à cet effet, que la DG4SC a créé la charte Data 4 U, à l’adresse des entreprises, des citoyens et des collectivités territoriales, pour favoriser l’émergence d’une économie de la donnée tout en assurant une meilleure maîtrise pour ces parties de leurs données, dans la logique notamment du Data Act, texte européen novateur à ce titre. Ainsi, maîtriser ses données pour ces acteurs se fera sur un socle de 3 piliers que sont le consentement, le contrôle et la contrepartie.

Ainsi, pour mener à bien les grands chantiers du 21ème siècle, notamment celui de l’environnement et de la lutte contre le réchauffement climatique, il est primordial d’embarquer toutes les parties prenantes dans un modèle coopératif et responsabilisant. Cela passe nécessairement par un modèle de gouvernance des données capable de prendre en compte la contribution de chaque acteur et d’assurer une contrepartie en retour suivant un mode de décision collégiale.

Certes pour répondre à ces grands défis, nous sommes confrontés à des équations excessivement complexes que seul un humain ne pourra résoudre, d’où l’importance de l’IA mais seule l’IA ne suffit pas. Il faut l’associer à un système de traçabilité des données de type blockchain permettant justement d’évoluer vers de nouveaux modèles de valorisation automatique des contributions, par exemple par smart contract. A titre d’exemple, dans le cadre de boucles locales d’énergie, un usager sera rétribué s’il accepte de décaler la recharge de son véhicule en cas de pénurie ou de tarifs élevés et inversement de recharger son véhicule en cas de surplus d’énergie disponible avec des prix de rachats dissuasifs, donc des contreparties tangibles pour toutes les parties prenantes. L’établissement des clés de répartition permettra d’opérer ces smart contract mais l’automatisation ne sera pas découplée d’une décision humaine (« subjectivité ») et idéalement collégiale au plus près des usages (« subsidiarité »).

Cela signifie de repenser les modèles actuels très centralisés et de déployer à l’échelle des territoires une véritable infrastructure numérique à même de gérer les données des parties prenantes de manière résiliente. La mise à disposition de ces données doit ainsi faire l’objet de systèmes de consentement et de contrôle repensés et efficients conformément aux recommandations de la charte Data 4 U qui vise à redonner aux parties prenantes confiance quant à la possibilité de maîtriser ses données. La gouvernance des données se fera ainsi sous l’égide d’un tiers de confiance désigné collégialement par l’ensemble des parties prenantes, ce qui n’exclut pas en partie l’automatisation de la confiance par les technologies, IA et blockchain notamment.

La question de la donnée n’a donc jamais été aussi centrale dans l’économie mais aussi la société plus largement. Pour autant, pour une vaste majorité, le combat de la donnée serait perdu car nous avons abdiqué par facilitation (le double clique pour donner notre consentement) et par la désillusion de voir nos données totalement vulnérables et hackées lors de cyber-attaques qui se multiplient inexorablement.

A la DG4SC, nous pensons tout au contraire qu’il faut plus que jamais réarmer notre pensée, être force de proposition sur les nouveaux modèles économiques et juridiques, réapproprier et maîtriser nos données, refonder nos valeurs afin que tous aient une clairvoyance sur les enjeux pour mieux agir.

C’est ainsi seulement que l’IA pourra non seulement révolutionner le monde mais également le sauver.

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