La formation professionnelle en Suisse, un modèle à considérer

Rédigé par

Amandine Martinet - Construction21

Journaliste

1915 Dernière modification le 24/10/2023 - 12:48
La formation professionnelle en Suisse, un modèle à considérer

Retour sur des regards croisés France-Suisse échangés à l’occasion de RenoDays à Paris, le 13 septembre dernier. Face aux enjeux grandissants que connaît le secteur de la construction, une bonne formation des futurs professionnels semble incontournable. Pour ce faire, pourquoi ne pas s’inspirer de nos voisins ? C’est l’avis du CCCA-BTP, qui organise régulièrement des learning expéditions autour du monde avec de jeunes apprentis. L’une d’entre elles, réalisée au printemps dernier, s’est déroulée à Sion dans la HES-SO Valais-Wallis, en Suisse. Enseignements à suivre. 

 

Évènement : Salon RenoDays, le 13 septembre 2023 à Porte de Versailles (Paris)

Table ronde : Pourquoi l’approche territoriale des besoins en compétences est indispensable pour répondre aux enjeux de la rénovation énergétique ?

Intervenants :

  • Marjolaine Meynier-Millefert, présidente de l’Alliance HQE-GBC et députée Renaissance de l’Isère 
  • Franck Le Nuellec, Directeur du Marketing et l'Innovation stratégique au CCCA-BTP
  • Dominique Naert, Directeur du Mastère Spécialisé® Executive Immobilier et Bâtiment Durables à l’École des Ponts ParisTech
  • Gaëtan Cherix, directeur de la Haute Ecole d'Ingénierie (HEI) de la HES-SO Valais Wallis (Suisse)

Le constat de départ est le suivant : au regard des objectifs chiffrés de réhabilitations des logements en France affichés par le gouvernement – 200 000 rénovations globales par an dès 2024 –, les besoins en main d’œuvre dans le secteur du BTP seront massifs dans les années à venir. Un très récent rapport de France Stratégie, publié le 20 septembre 2023, estime ainsi qu’il faudra créer 170 000 à 250 000 emplois supplémentaires d’ici 2030 dans la rénovation énergétique des bâtiments.

Et puis, ce n’est pas qu’une question de chiffre. Une montée en compétences est également requise pour passer de gestes de réhabilitation simples (un ou deux travaux isolés) à des opérations globales et performantes, lesquelles permettent un gain plus conséquent en termes d’efficacité énergétique. Aussi, comme l’indique Marjolaine Meynier-Millefert lors du meet-up à RenoDays, un professionnel doit désormais avoir « une vision plus complète des enjeux énergétiques et environnementaux, et pas seulement juste bien faire son métier ». Franck Le Nuellec complète ce propos en affirmant qu’il est nécessaire aujourd’hui de « distinguer le côté expertise technique et la dimension compétence socio-comportementale » pour bien saisir tous les tenants et aboutissants d’une rénovation globale. 

Il faut donc former, et bien former, pour relever le défi ! Et cette tâche se doit d’être collective. Or, aujourd’hui, des points de blocage persistent encore pour y parvenir pleinement. Dominique Naert souligne notamment le manque d’attractivité des métiers du bâtiment en France, pays marqué plus généralement par une dévalorisation des professions manuelles. Ce qui, précisément, n’est pas le cas en Suisse ! 

Mais alors, pourquoi cela fonctionne mieux chez nos voisins ? Gaëtan Cherix explique que contrairement à la France, il y existe beaucoup de souplesse et de passerelles entre les formations professionnalisantes et les hautes études en Suisse. C’est-à-dire que toutes les voies – professionnelles y compris – permettent d’aller jusqu’à un bachelor ou un master. Seules comptent les aptitudes et compétences des étudiants !

Par ailleurs, en Suisse, les usages, les technologies et les enjeux environnementaux changent d'un territoire à l'autre. Plus généralement, dans ce pays, l’entreprise est très impliquée dans le parcours de formation des jeunes apprentis. Un élément important qui le démontre : un professionnel obtient un CFC (Certificat Fédéral de Capacité) dans le même domaine que celui du jeune qu’il accueille à la fin du cursus de ce dernier. Enfin, on note l’existence de « cours inter-entreprises » au cours de la formation professionnelle, qui impliquent que les jeunes doivent à un moment donné travailler pour une autre entreprise que la leur. Cette particularité permet d’apporter de la transversalité au cours du programme de formation. 

Le résultat est là : comme l’indique Gaëtan Cherix, en Suisse, 76 000 contrats d’entreprise vont entrer dans la voie professionnelle en 2023.

Un métier, ce ne sont pas que des compétences, c’est aussi une culture, une éducation, une façon de voir le monde...

Comment change-t-on donc les choses en France en s’inspirant de ce modèle ? Pour Marjolaine Maynier-Millefert, une réforme du lycée professionnel est nécessaire, ainsi qu’une transformation plus globale des mentalités vis-à-vis des formations professionnalisantes. Cette transition est, selon la députée, déjà en train de s’opérer, les voies professionnalisantes et les cursus de type alternance et apprentissage remportant de plus en plus de succès chez les jeunes français. Il s’agit désormais d’accompagner et pérenniser ce mouvement ! L’une des clés est également d’être réaliste sur les débouchés et besoin des élèves. En d’autres termes, « se rapprocher du réel » et faire en sorte qu’il y ait plus d’adéquation entre monde professionnel et les besoins des étudiant.  

Pour poursuivre la réflexion soulevée lors de cette table ronde, Franck Le Nuellec l’affirme : la solution, c’est « d’avoir une formation au plus près des besoins des entreprises et des territoires » et d’intégrer davantage lesdites entreprises dans le processus d’apprentissage des jeunes. L’aspect local est ainsi très important : les apprentis embauchés à l’issue de leur cursus professionnalisant le sont en grande majorité dans une entreprise proche de chez eux, dans un rayon de plusieurs dizaines de kilomètres tout au plus.
C’est donc principalement avec un meilleur ancrage territorial qu’il sera possible de redonner ses lettres de noblesse au secteur du BTP, mais aussi à la formation en apprentissage en France. 

Tous ces éléments abondent dans le sens de la vision globale de Dominique Naert, qui le rappelle lors de ce meet-up : un métier, ce ne sont pas que des compétences, c’est aussi une culture, une éducation, une façon de voir le monde et échanger entre maître d’apprentissage et apprenti. Aussi, des actions restent à mener pour faire évoluer le système de formation professionnelle en France !

Pour en savoir plus, tous les enseignements tirés de la LEx du CCCA-BTP en Suisse sont à retrouver dans un livre blanc à paraître en octobre 2023. 

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