Editorial de Laurent ROSSEZ | Ce temps qui nous échappe

Rédigé par

NOVA BUILD

L'écoconstruction est notre avenir

1646 Dernière modification le 05/10/2018 - 09:50
Editorial de Laurent ROSSEZ | Ce temps qui nous échappe

Le paradoxe des temps qui nous échappent…

Les temps matériel et météorologique risquent de nous échapper.

Notre société n’arrête pas d’accélérer la cadence. Les transitions en cours, qu’elles soient sociétales, environnementales ou digitales, et la diffusion de plus en plus rapide des nouveautés technologiques, sont des lames de fond qui nous obligent à accentuer le rythme des transformations au sein de nos entreprises.

Parallèlement, nous sommes sous la menace des dérégulations financières. Certains analystes comme JP MORGAN prédisant une crise financière probable à l’horizon 2020/2022 du fait, entre autre, de l’endettement croissant des Etats et de l’inadéquation entre les fonds propres des grands groupes au regard de leurs emprunts.

L’urgence climatique ajoute une dose de stress car le temps qui reste devant nous pour agir et inverser le cours des choses, est compté. Les études récentes montrent d’ailleurs que les émissions mondiales de CO2, après un plateau de 3 ans, sont reparties à la hausse en 2017, ruinant les espoirs en termes de stabilisation et faisant craindre une hausse moyenne des températures de plus de 2°C dans plusieurs villes dès 2020 (données de l’Urban Climate Change Research - Univ. de Colombia : Berlin +2,1°C, Vienne +2,2°C, Moscou +2,6°C) !

Tout semble vouloir nous dire qu’il faut agir vite, avec le sentiment que les problématiques ne se jouent pas à notre niveau. Et à trop vouloir se précipiter nous pourrions passer à côté des sujets sur lesquels nous pouvons réellement apporter des solutions. D’où le paradoxe, et un sentiment de « compression du présent » anxiogène, qui pousse au multitasking permanent, comme travailler durant le temps d’un transport en train, plutôt que de mûrir sa réflexion ou s’enrichir en échangeant des idées avec autrui.

Plus les choix à faire sont stratégiques, plus la vitesse est mauvaise conseillère

La vitesse est aujourd’hui un impératif qui a pour but de faire gagner du temps de conception, de transport, de mise en œuvre et de mise en service. Et nous en sommes collectivement complices car nous sommes pris dans ce jeu de l’accélération imposé par la logique économique actuelle.

Comme le disait l’urbaniste Paul VIRILIO, disparu le mois dernier, nous sommes désormais dans le culte de la vitesse, de l’instantanéité avec des temps de calcul machine toujours plus brefs et en décalage avec la durée qu'il nous faut pour raisonner.

Ce temps de l’immédiateté a un défaut majeur : il ne permet plus de réfléchir posément et efficacement face aux choix très engageants à opérer devant les défis majeurs de notre secteur comme la santé en ville, la préservation de l’environnement et des ressources ou encore les impacts carbone et en matière de déchets.

Nos bâtiments sont construits pour au minimum 50 ans et ils pourraient l’être encore pour bien plus longtemps si on se donnait pour objectif de toujours examiner la faisabilité d’une rénovation avant d’envisager la destruction. Les infrastructures sont planifiées, elles, pour encore plus longtemps : nos principales routes ont été dessinées il y a 2000 ans par les romains, le réseau du train a été conçu dans la première moitié du 19e siècle et les grands axes autoroutiers ont été tracés voilà presque 1 siècle.

Et on voit bien que les choix opérés par le passé sont impactant sur plusieurs générations, comme par exemple les barres HLM construites à la hussarde après-guerre et qui n’ont pas encore fini de générer des problématiques urbaines et sociales difficiles à soigner, ou encore des traversées autoroutières en plein cœur des agglomérations décidées dans les années 60 et qui ont créé des cicatrices que les villes concernées mettront encore quelques années à effacer.

Pourtant l’instantanéité règne toujours plus en maître dans nos quotidiens alors que nous devons réfléchir les ouvrages pour cent ans et plus.

On ne peut pas vraiment parler de concordance des temps dans nos professions, quand par exemple la promotion immobilière se positionne généralement sur une durée de 3 à 4 ans, le temps de faire l’opération et de vendre les lots ; les bailleurs sociaux et les gestionnaires sont eux sur un plus long terme, mais soumis aux évolutions de la société appelant à une mutation des biens immobiliers en moyenne tous les 7 ans ; les constructeurs ont des bons de commandes à 6 mois rendant difficile l’établissement d’une stratégie au-delà de 5 ans ; la durée des chantiers quant à elle varie de quelques heures pour les artisans à plusieurs années pour les projets les plus imposants ; les startups viennent nous challenger lèvent des fonds énormes en ayant pour objectif de décoller en moins de 2 ans, etc..

Face à l'urgence d'espérer, se donner le temps de réfléchir collectivement

C’est un nouveau contrat moral qui doit émerger entre les concepteurs avisés et la société mobilisée pour un intérêt général à inventer.

Face au rythme effréné du temps, normal que la prise de recul soit insuffisante pour permettre de faire évoluer nos modèles vers moins d’empreinte écologique. Compréhensible aussi qu’au moment de faire, « la main tremble » et demande du temps pour agir.

Il faut adapter la ville en partageant les propositions avec d'autres acteurs dans des démarches collectives et collaboratives. Il nous faut personnaliser beaucoup plus nos ouvrages en impliquant les citoyens en amont et en aval des projets. C’est en cela que face à l’urgence, le temps est nécessaire pour ne plus se tromper de voie.

Il faut favoriser l’éclosion de projets vertueux qui offrent les conditions pour s’épanouir mentalement et physiquement tout en produisant l’énergie, stockant le carbone, limitant les gaspis et apportant des innovations véritablement utiles aux gens.

Ces projets exemplaires doivent faire « école » vers une ville zéro carbone qui parait encore utopique mais qui est possible si des « zones réciproques » de compensation des émissions sont conçues en face de chaque projet émissif. Façon aussi de donner du sens et de limiter les recours qui paralysent trop souvent nos professions. Certaines villes comme Singapour sont partiellement sur cette voix avec des plantations massives d’espaces verts intra urbains.

Osons le temps de la réflexion

Donnons le temps à nos entreprises d’inventer les solutions alternatives.

Osons investir du temps avec NOVABUILD dans la veille, la recherche, la compréhension, la créativité pour utiliser à bon escient des outils qui ont fait leurs preuves dans d'autres secteurs que le nôtre.

Pour cela, il faut se donner le temps d'organiser au sein des entreprises de nouvelles méthodes plus engageantes pour amener la valeur. La compréhension, l’empathie et l’idéation partagées sont les préalables à « la ville positive » réellement favorable à l’épanouissement et écologiquement bénéfique.

Osons lâcher les ordinateurs et les smartphones pour organiser au sein de son entreprise pourquoi pas une sorte de « digital black day » pour une réflexion approfondie entre collaborateurs en invitant des experts de secteurs connexes pour échanger sur les enjeux majeurs et s’appuyer sur des résultats bénéfiques ou des preuves de concepts disponibles dans d'autres disciplines.

Osons affirmer par la voix de nos dirigeants notre positionnement face aux défis de la construction.

Face à l’urgence de changer nos modèles, « Quel est le projet que mon entreprise propose à la société et qui fait me lever tous les matins ? » : Voilà la vraie question !

Nous en sommes là et certains grands leaders l’ont compris et commencent à proposer des alternatives qui font sens, je pense à Emmanuel FABER par exemple le nouveau PdG de Danone.

Alors oui pour cela il faut du temps, mais il est urgent de le prendre, car les signes que nous envoient la planète nous démontrent chaque jour, de records en records de température, sécheresse ou pollution, que le temps n’est plus si loin où tout peut s’effondrer et où toutes les temporalités s’alignent pour une « remise à zéro ».

Mon engagement reste passionné et entier car nous savons à NOVABUILD les entreprises de notre filière, 20 000 en Pays de la Loire, capables de prendre du recul sur les sacro-saints résultats purement financiers annuels et d’inventer une nouvelle forme de partage des idées, de la valeur et d'optimisation sans dégradations vis-à-vis de notre milieu dans lequel nous vivons à crédit.

Nous avons besoin de l'engagement des leaders sur toute la chaîne de valeur. Comptez sur celui des membres de notre nouveau Bureau, pleinement engagés dans cette voie à mes côtés !

Laurent ROSSEZ,
Président de NOVABUILD

Article publié sur NOVABUILD
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