Dubaï : grandeur et misère d'un paradoxe vert

Rédigé par

Amandine Martinet - Construction21

Journaliste

2336 Dernière modification le 22/12/2023 - 14:45
Dubaï : grandeur et misère d'un paradoxe vert

Souvent décriée pour son côté superficiel et peu respectueux de l'environnement, Dubaï comprend pourtant quelques projets exemplaires écologiquement. Découvrez nos tops et nos flops du bâtiment dans la capitale des Émirats arabes unis. 

Arrivée sur le devant de la scène à la suite d'un spectaculaire développement — économique, démographique, médiatique et bien d'autres — dans les dernières décennies, Dubaï fait parler d'elle. À première vue, des airs futuristes, un paysage outrageusement urbain parsemé de gratte-ciel qui rivalisent d'extravagance. Rien, en somme, qui puisse faire de prime abord écho à l'impératif de transition écologique et énergétique qui saisit les villes du monde aujourd'hui. 

Et pourtant, c'est bien cette métropole émiratie qui a accueilli récemment la COP28, conférence internationale pour agir face au changement climatique. 

Lire aussi : Dubaï, une COP28 de transition ?

Pour mieux comprendre, zoom sur cet endroit où le meilleur et le pire se côtoient. 
 

De la folie carbonée...

Avez-vous déjà vu une piste de ski dans un centre commercial ? Bienvenue au Mall of the Emirates qui abrite depuis 2005 Ski Dubai, la plus grande piste de ski indoor au monde avec ses 400 mètres de longueur pour 80 mètres de large. Une idée bien originale que d'imaginer une zone réfrigérée à -4°C recouverte de neige dans une ville où les températures moyennes s'échelonnent de 24°C en hiver à 41°C au plus fort de l'été. 

La ville n'est pas à son coup d'essai dans cette étrange passion écocide pour les sports d'hiver : le projet Meydan One, non content de prévoir seulement un nouveau gratte-ciel de 711 mètres de haut, projette d'installer une station de ski encore plus « spectaculaire » que Ski Dubaï, avec une piste longue de 1,2 kilomètre. 

Il faut dire que la capitale des Émirats arabes unis a une fâcheuse tendance à vouloir inverser la logique du cours naturel des choses et brusquer ce que Dame nature a engendré. Un exemple supplémentaire réside dans le recours au dessalement de l'eau de mer, pratique fortement énergivore, pour fournir les ressources nécessaires à sa forte croissance. 

Côté bâtiment, c'est la démesure qui s'impose. On pense bien entendu à Burj Khalifa, la plus haute tour du monde, culminant à 828 mètres de haut avec ses 200 étages. Autre exemple, Burj al-Arab, l'hôtel de luxe dit « sept étoiles » par certains, mais surtout riche de ses extravagances : 111 500 mètres carrés, 56 étages et 321 mètres de haut, construits sur une île artificielle sur la mer du golfe Persique (des fondations formées de pas moins de 250 piles d'isolation en béton). Là encore, on tient un péché mignon à Dubaï : bâtir du faux sur l'eau. Aussi, on ne compte plus les nombreuses plages et autres îles artificielles sorties des seules mains de l'homme. Une illustration connue est celle de Palm Jumeirah en forme de palmier, ou encore le projet Palm Islands, trois archipels érigés le long de la côte. Une véritable colonisation des espaces marins qui a de quoi perturber sérieusement les écosystèmes en les étouffant sous une artificialisation galopante. 

...aux innovations vertueuses 

Le paradoxe est ici : si les exemples de projets néfastes pour l'environnement ne se comptent plus à Dubaï, la ville est par le même temps souvent distinguée pour ses efforts en matière d'écologie. Du 1ᵉʳ octobre 2021 au 31 mars 2022, la capitale émiratie a accueilli l’Exposition Universelle de 2020 en voulant s'axer sur des sujets liés à la durabilité. L'un des pavillons de l'Expo 2020, Terra, était ainsi totalement autonome énergétiquement grâce entre autre à la pose de 4 912 panneaux solaires et de 18 arbres tapissés de tuiles photovoltaïques. Une prouesse bioclimatique qui faisait également la part belle au recyclage des eaux usées et à la récupération de l’humidité de l’air. 

Autre exemple intéressant, Change initiative, élu bâtiment le plus écologique du monde en 2013 — gratifié de la certification LEED Platinum avec un score de 107 points sur 110 : cette chaîne de magasin à énergie positive commercialise des produits dédiés... aux économies d’énergie. La boucle (vertueuse) est bouclée. 

Que dire aussi de The Sustainable City, l'écoquartier emblématique de Dubaï livré en 2018 ? 46 hectares aux portes du centre-ville, interdits à la circulation automobile (non électrique) et ponctués de bâtiments à haute performance énergétique grâce à des matériaux isolants naturels et l'usage intensif de l'énergie solaire en toiture, entre autres. Noue de récupération des eaux de pluie, rangée d'arbres de 27 de large protectrice contre les fortes chaleurs, serres bioclimatiques fournissant la nourriture des habitants... Ici, beaucoup d'initiatives peuvent faire figure d'exemples réplicables dans d'autres métropoles.

Lire aussi : Sustainable city à Dubaï, oasis nette zéro énergie au milieu des gratte-ciel

Ceci n'est qu'un parcours non-exhaustif des antagonismes qui animent cette cité du Moyen-Orient sujette — à raison, donc — à de nombreux débats. Dans un contexte d'urgence climatique, il reste à espérer que l'effort écologique prenne rapidement le pas sur les projets carbonés pharaoniques. 

Partager :