Un toit blanc pour réduire les besoins de climatisation

Rédigé par

Pierre MURIE

1701 Dernière modification le 06/07/2023 - 00:00
Un toit blanc pour réduire les besoins de climatisation


Les températures élevées peuvent causer des inconforts, des problèmes de santé et une consommation d'énergie accrue. Face à ce défi, une solution innovante émerge : la peinture réflective. Ces revêtements spéciaux, conçus pour réfléchir la lumière plutôt que l'absorber, offrent un moyen prometteur de réduire les besoins de froid et améliorent le confort des bâtiments tertiaires. Le « cool roofing », une aubaine pour réduire la consommation d’énergie dans le cadre du nouveau décret tertiaire ?

Une technologie ancestrale

L'utilisation de peinture blanche pour réduire la température des bâtiments remonte à plusieurs siècles, trouvant ses origines dans des régions où les températures estivales sont particulièrement élevées. Efficace pour réduire l'absorption de chaleur, l'application de peinture blanche sur les murs extérieurs et les toits permet corollairement d'atténuer les effets des îlots de chaleur urbains.
Les premières références historiques remontent aux Romains qui utilisaient une peinture claire à base de chaux. Au fil du temps, cette technique s’est répandue dans le monde, comme en Grèce où les murs blancs des maisons sont à la fois esthétiques mais aussi efficaces pour conserver le frais à l’intérieur des bâtiments.

Un produit écologique

Certaines entreprises ont repris ce concept en alliant efficacité et écologie et commercialisent des peintures réfléchissantes à base de matériaux durables, offrant ainsi une solution doublement bénéfique pour la réduction des îlots de chaleur urbains.
C’est le cas de Cool Roof France, une entreprise bretonne qui a la particularité d'utiliser une matière première biosourcée, la poudre de coquilles d'huîtres. La peinture comporte trois couches qui assure une réverbération optimale des rayons du soleil en toiture. Le flux thermique est bloqué en amont, évitant à la toiture de s’échauffer et de dissiper cette chaleur à l’intérieur des locaux. La peinture thermo-réflective rafraîchit passivement le bâtiment en réfléchissant 90 % du rayonnement solaire et en réduisant les températures intérieures des bâtiments. Le coût fourni/posé est de 20 à 25 euros le m² et la durée de vie du produit est estimée à 20 ans.

Un procédé en lien avec les réglementations en vigueur

La peinture réflective participe à la réduction de consommation d’électricité. En effet, la technologie permet d’éviter le recours à la climatisation avec un gain en termes d’énergie effacée compris entre 15 et 20 kWh/m2.an. Dans une opération de rénovation, la mise en place d’un revêtement réflectif en toiture d’un bâtiment commercial bénéficie des aides financières liées à la fiche CEE BAT-EN-112. Très adaptée aux bâtiments tertiaires et aux toitures légères comme les centres commerciaux et les entrepôts, elle peut s’inscrire dans un plan d’actions de rénovation d’un bâtiment assujetti au Dispositif Eco Efficacité Tertiaire (DEET) également appelé « décret tertiaire ».

Cette solution passive et non génératrice de consommations supplémentaires constitue une alternative performante pour contrer le réchauffement climatique. Une étude est nécessaire pour optimiser le fonctionnement du système en fonction de la typologie des toits et en valider l’efficacité. Les bureaux d’études peuvent intégrer cette solution aux audits énergétiques dans le cadre des missions décret tertiaire.
Son empreinte carbone est également intéressante. Si le produit émet 4 kg CO2/msur 20 ans, il permet également d’économiser 2 kg CO2/m2/an en moyenne. Soit au total un potentiel de décarbonation de 36 kg CO2/m2 sur 20 ans.

Des résultats concrets

Magasin de bricolage

La peinture mise en place sur un magasin de bricolage de 5 000 m² en 2020 à Brive-la-Gaillarde (19), dans le sud-ouest de la France, a permis de réduire la température de 5,5°C à 7,5°C à l’intérieur du bâtiment. Ainsi, l’exploitant du bâtiment a réduit ses consommations de climatisation et afficher une baisse de la facture liée au rafraîchissement de 41%. Le confort des salariés et des visiteurs est aussi amélioré, avec 41 heures de température au-delà de 25°C (mais sans qu’elle n’excède 26°C) dans le magasin après la mise en place de la peinture, contre 383 heures en 2019. On a quasiment divisé par 10 le nombre d’heures de véritable inconfort.

Immeuble de bureaux

Ce bâtiment de 2014, situé à Ifs (14), chauffé au gaz et non climatisé, a de bonnes performances thermiques. Construits sur trois étages, les bureaux sont isolés par l’extérieur et disposent d’une forte inertie grâce à la structure en béton et une surface de vitrage modérée. 


Il est équipé d’une ventilation double flux avec un système de free cooling pour le rafraîchissement. Cette méthode consiste à refroidir un bâtiment par ventilation en utilisant l'air extérieur lorsque la température extérieure est inférieure à la température intérieure du bâtiment. Même si les procédés de construction du bâtiment protègent des variations de températures, un inconfort thermique a néanmoins été constaté pendant les épisodes de canicule. En discussion avec la maîtrise d’ouvrage, le bureau d’études a écarté la solution climatisation car le coût d’installation et la facture énergétique étaient trop importants. De plus, dans le cadre du décret tertiaire, il est compliqué d’ajouter un usage supplémentaire et ses consommations associées par rapport à une année de référence sans consommation de climatisation. L’atteinte des seuils du décret tertiaire s’avérerait très compliqué à atteindre.

Le revêtement bitumineux noir en toiture qui emmagasinait la chaleur a été recouvert de la peinture blanche réflective, ce qui a fortement diminué la température de surface. Les sondes mises en place montrent un écart de près de 30°C au niveau de la surface (20 à 30°C, contre 50 à 60°C avant travaux). Cela permet de rafraîchir les locaux par le free cooling et le cool roofing, sur une période plus longue, la décharge de chaleur accumulée par la membrane d’étanchéité de la toiture étant moins importante, voire quasi nulle.
La température estivale a baissé de 1 à 2°C, même avec une bonne isolation thermique de la toiture-terrasse. Le déphasage du bâtiment, avec les parois en béton, est par ailleurs beaucoup plus efficace et le confort thermique bien meilleur.

Un marché conséquent

En France, on recense plus de 50 millions de m² de surfaces commerciales. La majorité est revêtue d’une étanchéité sombre comme une toiture bitumineuse et dépense des millions d’euros pour climatiser des bâtiments en surchauffe. Certaines grandes enseignes atteignent des temps de retour entre 2 et 5 ans sur la mise en place d’une peinture réflective en toiture, en considérant également la prolongation de durée de vie. Il faut toutefois considérer que les consommations hivernales peuvent augmenter car les cool roof réfléchissent la chaleur du soleil toute l’année. Ces apports gratuits doivent être compensés par le système de chauffage. Ainsi, la puissance des générateurs de chauffage existant doit être suffisante pour assurer ces déperditions supplémentaires.

Ces solutions simples mais innovantes offrent un moyen concret d'améliorer le confort thermique des habitants et de réduire les températures urbaines. Alors que nous nous efforçons de construire des villes plus résilientes et durables, il est essentiel de prendre en compte les îlots de chaleur et d'explorer des solutions créatives comme cette technologie simple pour un avenir urbain plus frais et plus agréable pour tous.


Un article signé Pierre MURIE (GRDF-CEGIBAT, Responsable Efficacité Energétique)

 


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