Un bâti végétalisé pour accueillir la biodiversité

1975 Dernière modification le 13/10/2023 - 11:46
Un bâti végétalisé pour accueillir la biodiversité

Et si la renaturation passait aussi par le bâti ? Solution fondée sur la nature, la végétalisation des toitures et des façades participe à la biodiversité : flore, faune, sol, intégration à la trame verte.

Les services rendus ne s’arrêtent pas là : la végétalisation des toitures permet de lutter contre les îlots de chaleur, gérer les eaux pluviales, d'apporter conforts thermique et acoustique, de participer à la santé et au bien-être des usagers, de protéger le bâti. L’Adivet, association française des toitures et façades végétales, a publié au printemps un référentiel, le GreenRoofScore, pour évaluer leurs performances écosystémiques. 

Dans nos villes,  où il ne reste que peu ou plus d’espace au sol pour y (ré)intégrer la nature, dans un monde où l’érosion de la biodiversité est croissante et inquiétante, la végétalisation du bâti peut apporter une réponse intéressante. Une bonne nouvelle pour les urbains dont la proportion ne cesse d’augmenter :  d’ici 2050, près de 70 % de la population mondiale devrait vivre en ville. 

Parler de bâti végétalisé, c’est faire référence aux toitures et terrasses (plates ou à relativement faible pente) et aux façades qui accueillent des systèmes de végétalisation qui, d’un point de vue strictement bâtimentaire, constituent une protection – très efficace – de l’étanchéité ou du bardage. Pour les toits-terrasses, il s’agit d’un complexe comprenant drain, filtre, support de culture et végétaux, posé sur une étanchéité adaptée. Pour les façades, cela passe par des solutions « low tech », comme les plantes grimpantes, à un bardage rapporté végétalisé à l’aide de cassettes, bacs cultivés, membranes hydroponiques, etc.

Ces systèmes peuvent accueillir une véritable biodiversité, terme qui renvoie ici aussi bien à la flore (plantée et spontanée), la faune (y compris les insectes et les araignées !), les micro-organismes du sol (bactéries, champignons, etc.) et les interactions entre ces trois groupes vivants. Mais la biodiversité implique également les interactions des végétaux du bâti avec leur environnement – parcs, rues plantées d’arbres, etc. 

Présence massive des espèces spontanées

Côté flore, l’homme peut concevoir une toiture végétalisée biodiverse en travaillant sur la composition du substrat et de la palette végétale, en veillant par exemple à implanter en toiture ou en façade des végétaux locaux, en disposant de plusieurs strates ou en multipliant le nombre d’espèces. 

La toiture végétalisée a d’autres bénéfices, comme ceux d’offrir un espace que les espèces spontanées vont pouvoir massivement investir. Publiée en 2021, l’étude Grooves, qui portait sur une trentaine de toitures d’Île-de-France aux trois quarts récentes (entre 3 et 15 ans d’existence), a mesuré qu’environ 70 % des espèces floristiques présentes en toiture n’avaient pas été plantées, certaines étant des représentantes d’espèces rares ou menacées. Ces travaux de recherche font suite à ceux du Muséum national d’Histoire naturelle publiés en 2014, qui observaient la même tendance sur plus de cent toitures de la moitié Nord de la France, ou encore à une étude de Plante & Cité aux constats similaires. 

Des oiseaux aux micro-organismes, un lieu propice

Côté faune, les résultats sont aussi positifs. Lieux préservés, les toitures représentent des espaces favorables à l’accueil des oiseaux, chauves-souris et insectes, dont les pollinisateurs si utiles à la diversité de notre alimentation. Elles peuvent également abriter certains mollusques tels que les limaces et les escargots et certaines espèces de reptiles telles que le lézard de murailles, espèce protégée.

La Ligue de protection des oiseaux (LPO) souligne justement l’importance de la présence en ville de ces toitures ou façades végétalisées qui offrent aux oiseaux un lieu temporaire pour se poser ou s’établir. L’étude Grooves a également montré l’importance et la diversité des invertébrés en toiture : 611 espèces différentes ont été recensées.  

Au sein du support de culture des toitures végétalisées se trouve par ailleurs toute une population de micro-organismes, suffisamment diversifiés et nombreux pour que ce « techno-sol » soit fonctionnel, comme l’ont montré notamment des études menées par AgroParisTech. Les projets d’agriculture urbaine en toiture, de plus en plus nombreux, présentent d’ailleurs des techno-sols avec une belle diversité d’organismes qui garantit un bon fonctionnement de l’écosystème-sol et donc une bonne fertilité pour les cultures.

De multiples co-bénéfices

L’un des intérêts majeurs de la végétalisation du bâti est qu’elle s’étend à d’autres co-bénéfices, en présentant une solution réellement multifonctionnelle. Elle permet ainsi de lutter contre l’îlot de chaleur urbain grâce à l’évapotranspiration du complexe substrat +végétaux et à l’ombrage foliaire. Ces deux phénomènes permettent également d’apporter un supplément de confort thermique aux usagers du bâtiment, pour les pièces contiguës à la façade ou sous le toit-terrasse. 

Le complexe drainage + substrat + végétaux permet de gérer les eaux pluviales, notamment lors d’épisodes pluvieux intenses, le système de végétalisation jouant le rôle d’éponge en différant et atténuant la restitution des eaux résiduelles en voirie : une bonne réponse à l’exigence de gestion de l’eau à la parcelle. 

Par ses caractéristiques physiques, la végétalisation du bâti offre une meilleure isolation acoustique du bâti, tout particulièrement sensible pour les toitures construites en métal. 

Enfin, grâce à ses services en termes thermique, acoustique et de biodiversité, la captation par les végétaux des métaux lourds et des COV ou au simple fait d’apporter de la nature au regard des urbains et de leur en permettre l’accès (biophilie), la végétalisation du bâti est favorable à la santé et au bien-être. Si cette nature peut être entretenue par les occupants du bâtiment, elle peut en outre être un medium pour développer le lien social. 

Le GreenRoofScore, ou comment évaluer les performances écosystémiques du bâti végétalisé
Afin d’accompagner les porteurs de projet, du maître d’ouvrage à l’installateur en passant par le maître d’œuvre et le fournisseur, mais aussi pour la collectivité territoriale qui souhaite fixer un cadre à ces pratiques, l’Adivet a publié au printemps 2023 le GreenRoofScore, un outil simple pour évaluer un projet de toit-terrasse végétal, au travers de quatre grands services écosystémiques :la lutte contre l’îlot de chaleur urbain, la gestion de l’eau, la biodiversité et la santé et bien-être.
Pour chacune de ces thématiques, le GreenRoofScore définit un certain nombre de critères permettant d’évaluer les projets. Les résultats sont ventilés pour chacun des thèmes et un niveau est attribué. Au premier palier, le projet apporte une bonne réponse à telle ou telle problématique. Au second, il marque une ambition notoire ; au troisième, un projet remarquable et au quatrième, un projet exemplaire. L’outil porte une visée pédagogique en articulant certains indicateurs avec des recommandations.

Concernant la biodiversité, les indicateurs portent sur : 
- Un CBS (coefficient de biotope par surface) dédié aux toits-terrasses, le CBS-TTV, qui combine épaisseur de substrat, type de végétation et nombre de strates végétales ;
- Le substrat : variation de nature et d’épaisseur, et teneur en matière organique ;
- La diversité des plantes ;
- Les dispositifs mis en place pour accueillir la faune.

À noter que le cas de « brownroof » ou « wildroof », ces toits végétalisés dont le substrat est laissé nu afin que la flore s’y installe à 100 % spontanément, a été apprécié dans le GreenRoofScore.

 

En résumé, quelles seraient les pistes pour qu’un bâtiment végétalisé soit favorable à la biodiversité ? Plusieurs paramètres sont à étudier : dresser un état des lieux pour savoir d’où l’on part, se fixer des objectifs précis en termes de biodiversité, miser sur une certaine épaisseur de substrat si la structure du bâtiment le permet (entre 15 et 30 cm, avec des variations d’épaisseurs pour créer des habitats diversifiés) ainsi que sur sa composition afin de pouvoir installer – et laisser s’installer – une palette végétale variée et présentant plusieurs strates (mousses et couvre-sols, herbacées, arbustives), favoriser et/ou ajouter des habitats pour la faune (bois mort, briques creuses, gravières, sable, nichoirs, etc.). 

Ainsi, le bâti peut-il participer à la renaturation, accueillir une réelle biodiversité en ville et, si le lien peut être fait avec d’autres espaces naturels, s’intégrer à la trame verte. De quoi inspirer toute la chaîne de décision, des donneurs d’ordre et architectes aux constructeurs et exploitants de ces écosystèmes urbains !


Un article signé Frédéric Madre, président de l’Adivet, co-fondateur de Topager, chercheur associé au Cesco-MNHN et Sophie Rousset-Rouvière, déléguée générale de l’Adivet

 


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