Rénovation thermique : l’avenir appartient au passif !

Rédigé par

Vladimir Luzhbin-Asseev

Responsable technique

1661 Dernière modification le 05/07/2023 - 00:00
Rénovation thermique : l’avenir appartient au passif !

Le Conseil national de la transition écologique a validé une trajectoire de référence à +4°C en France métropolitaine pour le Plan national d'adaptation au changement climatique (PNAC). Face à ce constat, le contrôle de la surchauffe des bâtiments et le maintien de logements habitables sans recours à des systèmes consommateurs d'énergie sont parmi les principaux enjeux des années à venir. 

Avec l'augmentation inéluctable des températures et la fréquence des épisodes caniculaires liés au changement climatique, il est impératif d'agir dès à présent sur la thermique d'été et de réduire au plus vite les risques d'inhabilité des Français dans leur propre logement ou au travail. 

Dans cette optique, le confort d’été, malgré son nom, est plus qu’une question de confort, il s’agit du futur champ de bataille des économies d’énergie. Il peut devenir un véritable fardeau si le scénario américain de la « climatisation galopante » devait se reproduire.

On voit que de l'autre côté de l'Atlantique, la non prise en compte du confort d'été dans les bâtiments a conduit à un équipement de la quasi-totalité du parc résidentiel en climatiseurs fixes ou d'appoint. En effet, le premier réflexe est trop souvent de se porter sur les solutions de refroidissement actif (climatisation), alors qu'elles devraient rester une solution de dernier recours. 

Selon l'ADEME, en France, la part des ménages équipés d'un système de climatisation est passée de 14% à 25% entre 2016 et 2020, ce qui représente un poste de consommation d'énergie de plus en plus important et en fort développement. La consommation associée au refroidissement des bâtiments s’élevait en 2020 à 4,9 TWh dans le secteur résidentiel et à 10,6 TWh pour le secteur tertiaire, toujours selon l'ADEME. Le scénario américain est encore évitable en France, mais il faut agir vite.

Quelles solutions pour le confort d'été dans les politiques actuelles ? 

Si le recours à des systèmes de rafraîchissement actif est un besoin légitime auquel il est important de répondre, celui-ci doit être fait en utilisant des technologies performantes, de manière raisonnée et en combinaison avec les mesures passives, non consommatrices d'énergie, qui permettent d’en limiter l’impact énergétique. La consommation liée au refroidissement en sera ainsi réduite au strict nécessaire.

Dans le panel de solutions passives qui permettraient de limiter la hausse de la température intérieure des bâtiments nous retrouvons, entre autres, les solutions suivantes : 

  • Installer des protections solaires motorisées ou automatisées permet de limiter la hausse de la température intérieure de 2°C à 5°C en été. Quant au pilotage automatique des protections solaires, il est loin d’être un gadget de confort : il permet une gestion optimale de ces équipements en fonction de la saison des températures et du rayonnement solaire, y compris en l’absence d’occupants.
  • Améliorer l’inertie thermique des bâtiments
    L'inertie thermique correspond à la capacité des matériaux des murs, toitures et isolants à absorber la chaleur ou le froid, puis à restituer le flux thermique en phase de déphasage. 
  • Automatiser l’ouverture des fenêtres
    Comme les volets et les stores, l’ouverture des ouvrants peut être automatisée afin de rafraîchir son habitation au moment où les températures extérieures sont les plus fraîches, en soirée ou la nuit.
  • Végétaliser les bâtiments
    Voir fleurir les toitures et façades végétalisées participe au confort d’été. Ils agissent comme des barrières protectrices pour le bâtiment, en limitant le stockage de la chaleur le jour. Cette solution favorise également la biodiversité et améliore la qualité de l’air intérieur mais nécessite toutefois un entretien et un arrosage à prévoir dans l’exploitation du bâtiment idéalement en l’associant à un stockage d’eau de pluie adapté. 

Exemple de gains réalisables grâce aux protections solaire sur l'indicateur de consommation d'énergie primaire dans un logement collectif avec niveau de rénovation BBC, avec en référence des volets manuels :

Quelle place pour le confort d'été dans les travaux d'amélioration énergétique ? 

Les solutions sont connues mais quid de leur prise en compte dans les politiques de rénovation énergétique ? Force est de constater que le confort d'été est négligé lors des travaux de rénovation thermique, car la plupart des efforts sont concentrés sur les économies de chauffage. Et pour cause, ce sont ces travaux-là qui permettent d'avoir un impact direct et perceptible sur les factures d'énergie. Mais il convient d’explorer toutes les sources d’économie.

Les différents dispositifs d'aide à la rénovation énergétique confirment ce biais en faveur des consommations de chauffage. Les protections solaires sont éligibles à MaPrimeRénov' et aux Certificats d'économies d'énergie (CEE) uniquement dans les DROM. Les autres solutions passives, quant à elles, sont totalement absentes de ces dispositifs. 

Un premier geste timide pour une meilleure prise en compte du confort d'été dans le résidentiel a été réalisé au niveau du DPE qui offre désormais un état des lieux dans ce domaine et propose quelques améliorations possibles. Cependant, le volet confort d'été du DPE reste purement informatif et n'influence pas l'étiquette du logement sauf en cas de présence de climatisation. 

En absence d'une obligation règlementaire de prendre en compte le confort d'été dans la rénovation et sans dispositifs incitatifs sous forme d'aides à la rénovation, les travaux d'amélioration du confort d'été sont condamnés à rester relégués au second plan. 

L'impasse  

Une des raisons pour laquelle les travaux d'amélioration du confort d'été sont si peu valorisés réside dans l'absence de prise en compte d'indicateur de performance pertinent. Prenons le cas des CEE. Les économies réalisées sur de l'énergie qui aurait été consommée en puissance par un futur climatiseur ne sont pas valorisables en l'état dans le cadre du dispositif. En effet, la situation de référence imposée par l'Article R221-16 du Code de l'Énergie exclue la possibilité de considérer de potentielles économies réalisées sur l'installation d'une solution passive qui évite d'utiliser – ou limite l'utilisation – d'un autre type de solution, répondant au même besoin mais de manière plus énergivore. 

En l'état, cela signifie que l'on ne peut utiliser le dispositif des CEE pour les solutions passives que sur les bâtiments déjà climatisés. Cela exclut donc la majorité des logements qui sont dépourvus de solutions de climatisation fixe alors même qu'une large part d'entre eux subiront dans un avenir proche des problèmes d'inconfort thermique qui pourraient être réduits ou évités.

Pour les autres dispositifs d'aide à la rénovation énergétique, la logique est semblable. Une dépense d'énergie doit d'abord avoir lieu avant qu'une économie puisse se faire, ce qui va l'encontre de toute logique préventive.   

Que faire ? 

Pour remédier à ce paradoxe, il est important que les autorités et les institutions financières changent de paradigme et accordent une attention particulière à la question du confort d'été dans les politiques de rénovation énergétique. En premier lieu, une modification des dispositifs existants (MaPrimeRénov’, Certificats d’économie d’énergie, Eco-PTZ, TVA réduite) est nécessaire afin de prendre en compte les gains potentiels liés à la non-utilisation de systèmes de refroidissement actifs énergivores. Les simulations thermiques dynamiques permettent de chiffrer les économies réalisables de cette façon. 

Au-delà de l'aspect financier, l'inclusion des différentes solutions passives dans les dispositifs d'aide serait avant tout un signe de reconnaissance et un gage d'assurance de la part des pouvoirs publics. Car aujourd'hui, au-delà des questions de financement, celle de la légitimité se pose également : comment faire valoir ces solutions auprès des utilisateurs si elles ne sont pas éligibles aux aides ? 

Dans un second temps, il serait également nécessaire d'amener la réflexion au-delà des questions énergétiques et sur le terrain du confort thermique. La méthode des degrés-heures d'inconfort de la RE 2020, permet aujourd'hui d'avoir un indicateur fiable de la surchauffe des bâtiments. La même approche doit être adoptée pour l'existant afin de mieux cibler les bâtiments inconfortables et prescrire les travaux nécessaires. Les premiers outils comme RITE, développé par le Cerema, permettent déjà de transposer la méthode des DH sur les bâtiments existants.  Il faut encourager le développement de ces outils. 

Finalement, il appartient également aux entreprises du bâtiment qui sont en première ligne de conseiller leurs clients sur le confort d'été et notamment les solutions passives. Les travaux proposés doivent adopter une approche globale sur le confort, qui intègre à la fois le confort thermique hivernal et estival, mais aussi acoustique, visuel, la qualité de l’air, ergonomique, etc. Pour qu’une telle approche soit adoptée, la formation et la qualification des professionnels du bâtiment doivent accorder une attention particulière à ces sujets. Dans cette optique, le module dédié au confort d’été dans le MOOC Bâtiment durable sur les rénovations performantes est une évolution positive.  

À l’heure où les politiques publiques de rénovation énergétique en France s’orientent vers des rénovations globales, il est indispensable d’intégrer la notion de confort d’été dans les objectifs de performance d’une rénovation globale, sans pour autant exclure la possibilité de gestes ciblés. 

Conclusion

Le confort thermique d'été des bâtiments sera le combat de demain, à la fois sur les aspects énergétiques, mais également de souffrance thermique engendrée par la surchauffe. Le parc des bâtiments existants devra s'adapter au changement climatique. La seule question qui se pose est quelle sera la voie choisie ? 

Outre les mesures proposées, un travail pédagogique important doit être mis en œuvre. Ainsi, il est essentiel de sensibiliser les occupants aux problèmes causés par la généralisation de la climatisation, tels que les enjeux énergétiques, économiques (souvent lissés par les factures mensualisées) et les îlots de chaleur urbains en sortie de bloc de climatisation. Il serait également pertinent d'accompagner les installateurs de climatisation vers des solutions de conception passive des bâtiments en été ou vers l'utilisation de techniques de rafraîchissement moins énergivores.

 

Un article co-signé Hervé Lamy et Vladimir Luzhbin-asseev, FFB Actibaie


Article suivant : Les matériaux « écosourcés » : une réelle contribution au confort d’été ?, Claire Roussey (Wigwam Conseil) 


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