Rénovation et confort été : la nécessité d’une approche systémique

4862 Dernière modification le 05/07/2023 - 00:00
 Rénovation et confort été : la nécessité d’une approche systémique

L’acte de rénovation est souvent impulsé pour gagner en performance énergétique, mais aussi en confort, notamment en hiver. Pour autant, le confort d’été ne doit pas être négligé. Si elle permet de s’adapter au mieux aux effets du réchauffement climatique, la rénovation thermique est également un levier de réduction des émissions de gaz à effet de serre, en vue d’un habitat écologiquement plus vertueux. Dès lors, comment définir une réelle stratégie de rénovation favorisant la sobriété énergétique et à faible impact environnemental ?

L’évolution de l’exposition des logements à des conditions climatiques susceptibles d’impacter le confort des usagers à horizon 2050

Le réchauffement climatique en cours conduit à l’augmentation du nombre de logements exposés à des conditions climatiques susceptibles d’impacter le confort des habitants. Dans le cadre d’une étude mandatée par le syndicat IGNES, les bureaux d’études POUGET Consultants et Energies Demain ont quantifié et caractérisé l’exposition des logements français à différents indicateurs climatiques.

Méthode 

Pour ce faire, le groupement a croisé les données issues de projections climatiques basées sur le scénario RCP2.6 de la base DRIASlesfutursduclimat avec celles de la base de logements ENERTER®. Cette méthode a permis de quantifier le nombre et la part des logements exposés par département, ainsi que leurs caractéristiques architecturales pour : 
•    4 horizons temporels moyennés sur 21 ans  

  • 2020, données entre 2010 et 2030
  • 2030, données entre 2020 et 2040
  • 2040, données entre 2030 et 2050
  • 2050, données entre 2040 et 2060

•    4 indicateurs climatiques :

  • Le nombre de jours chauds pour lesquels la température extérieure dépasse 25°C
  • Le nombre de jours très chauds pour lesquels la température extérieure dépasse 35°C
  • Le nombre de jours de vague de chaleur (température maximale quotidienne supérieure de 5°C à la normale de référence sur une période d’au moins 5 jours)
  • Le nombre de jours pour lesquels la température ne descend pas en dessous de 20°C (nuits tropicales)

Résultats 

À l’exception de l’exposition à des jours où la température dépasse les 35°C, qui reste volatile aux horizons étudiés, l’analyse des données produites montre une exposition croissante des logements en lien avec l’augmentation du nombre de jours durant lesquels les conditions climatiques extérieures sont propices à une dégradation du confort thermique dans les bâtiments non ou mal adaptés. Les régions les plus exposées sont et resteront celles du Sud de la France. Cependant, certaines régions très rarement sujettes à l’accumulation de jours chauds seront, elles aussi, de plus en plus exposées. C’est le cas du Centre-Val-de-Loire, de la Bourgogne-Franche-Comté, de l’Île-de-France et de l’Est. Les logements situés dans ces territoires sont historiquement moins adaptés à ces conditions torrides et seront donc plus vulnérables.
Dans cette étude, un travail également mené à partir des 43 îlots de chaleur cartographiés par le CNRM dans le cadre du projet MapUCE, a permis de déterminer qu’au moins 12,8 millions de logements sont actuellement concernés par un phénomène d’îlot de chaleur. Ce phénomène de fine échelle est mal appréhendé par les modèles climatiques et serait sous-estimé dans les projections utilisées. L’exposition aux vagues de chaleur et surtout aux nuits tropicales pourrait donc être plus importante pour ces logements.
Dans ces conditions, il est essentiel d’embarquer l’adaptation des logements aux risques de surchauffe via notamment les solutions passives de protections solaires. 

Faire preuve de sobriété et favoriser la performance environnementale effective : les préconisations de NOBATEK/INEF4 et Cercle Promodul/INEF4

Le bâti ancien, qui est capable de maintenir un bon niveau de fraicheur en été, se caractérise par des surfaces vitrées très limitées, une inertie forte, un renouvellement d’air constant et important (étanchéité à l’air médiocre), et bien souvent un contact direct avec le sol.

L’évolution des techniques constructives change fortement la donne et met à mal certains concepts. Par exemple, les efforts réalisés pour améliorer l’étanchéité à l’air et l’isolation des bâtiments (effet thermos) font que la chaleur ne peut plus s’échapper « facilement » par tous les défauts d’étanchéité et de résistance thermique qui caractérisent bien souvent le bâti ancien. À cela s’ajoute souvent le manque d’inertie (isolation par l’intérieur, cloisonnement léger…) qui entrave la capacité des bâtiments à limiter l’élévation des températures intérieures.

Il en résulte que les vieilles recettes ne sont pas forcément applicables, en l’état, à de la construction récente, neuve ou rénovée.

Il est nécessaire aujourd’hui de fortement favoriser l’intégration de techniques de rafraîchissement dites « passives » permettant de tendre vers une meilleure résilience et durabilité des bâtiments. 
Le rafraichissement passif c’est : 

  • Limiter l’impact environnemental via l’usage de solutions moins consommatrices en énergie (effet neutre ou maîtrisé sur l’environnement) ;
  • Préserver le confort d’été des habitants via la recherche d’une température d’équilibre.

En effet, le recours à des systèmes dits « actifs » ne doit pas être une seule et unique réponse à l’amélioration du confort d’été : c’est un non-sens d’un point de vue environnemental, car très énergivores. Pour rester cohérent avec les objectifs de réduction des gaz à effet de serre, se tourner vers des systèmes de rafraichissement passifs permet en outre de réduire autant que possible les besoins énergétiques des bâtiments en retardant le recours à des systèmes actifs. 


L’amélioration du confort d’été du parc existant devrait donc respecter ces règles fondamentales et les adapter au contexte de la construction actuelle :

  • Avoir une gestion raisonnée des apports solaires : Être sobre en surface vitrée et offrir une protection au rayonnement solaire efficace et adaptable. Cela passe par la mise en place de protections solaires mobiles extérieures (idéalement de type brise-soleil à lames orientables et rétractables (BSO) pour favoriser la ventilation naturelle, y compris nocturne,
  • Valoriser l’inertie : Profiter de l’inertie de l’existant en isolant par l’extérieur et en évitant les doublages sur les murs massiques intérieurs. Envisager l’apport d’inertie à moindre coût carbone quand cela est techniquement possible (terre crue, béton de réemploi, béton végétal projeté…),
  • Ventiler : Être en capacité de ventiler efficacement pour décharger thermiquement les locaux, en particulier la nuit. Cela peut passer par la mise à profit de la ventilation mécanique ou par le recours à la ventilation naturelle,
  • Être créatif et envisager d’autres moyens : Limiter l’énergie transmise via les toitures (teinte claire des toits, combles perdus/espace tampon), l’effet îlot de chaleur par la végétalisation, ou encore l’imperméabilisation ; s’ouvrir à d’autres techniques éprouvées pour leur efficacité en climat chaud (ex. : installation systématique de brasseurs d’air dans les espaces de vie comme en zone tropicale). 

Il découle de cette approche des bénéfices financiers qui peuvent alimenter le cercle vertueux du confort d’été. En effet, la limitation des surfaces vitrées sur un projet en permet une meilleure maitrise, tout en impactant significativement la baisse le budget de l’opération. Le reliquat pourrait être alloué à la gestion efficace des apports solaires (BSO et cie) et le recours à des procédés constructifs adaptés, par exemple.

Comme souvent, c’est la sobriété qui permet de favoriser la performance environnementale effective.

Adopter une approche de rafraîchissement combinée 

Il convient d’adopter une approche systémique combinant plusieurs techniques de rafraichissement pour une meilleure efficacité. Pour la plupart, elles ne pourront contrer les effets de l’augmentation des températures si elles sont utilisées seules. 
Ces éléments sont à prendre en compte :

  • L’environnement direct d’un bâtiment (climat, végétalisation, emploi de l’eau, ambiance minérale, parois réfléchissantes, organisation de l’espace urbain, etc.) ;
  • La structure du bâtiment (orientation, pièces traversantes avec des ouvertures en opposition, choix des matériaux, protection solaires et isolation efficace, etc.) ;
  • Les systèmes technologiques existants (ventilation mécanique ou naturelle, gestion automatisée ou non des fermetures, puits géothermiques, etc.).

Enfin, au-delà de ces aspects, le facteur humain est important. L’accompagnement de l’occupant, ainsi que sa formation aux bonnes pratiques, seront des facteurs clés et viendront accentuer l’effort de la performance du bâtiment. Sans quoi les améliorations apportées ne seront pas totalement efficaces.
C’est une combinaison intelligente des deux composantes, techniques et évolution des comportements, qui permettra de tendre vers le confort recherché, tout en participant à une plus grande résilience du bâtiment face aux problématiques de réchauffement climatique.

Faire évoluer les pratiques et les usages 

Néanmoins, les bonnes pratiques et le bon sens sont parfois négligés au profit d’autres préoccupations légitimes et compréhensibles (esthétiques, économiques, adiabatiques en région humide…), mais délétères pour le confort des usagers lors des périodes chaudes.

En effet, le confort des usagers, leur ressenti et leur tolérance à la chaleur ne pourra pas passer que par l’implémentation ou l’amélioration de solutions passives ou peu énergivores. Le changement climatique, et ses conséquences pour la vie dans nos bâtiments, induit nécessairement une évolution des usages et de nos standards de confort. Là aussi, il convient de s’inspirer des modes de vie en climat méditerranéen ou même en zones tropicales : adapter les horaires d’activité, faire du sport en début ou fin de journée, accepter des températures intérieures raisonnées…, à l’instar de nos voisins espagnols par exemple.

Comme souvent sur les questions de confort et de ressenti des usagers, la solution est plurielle et combine nécessairement la technique - aussi sobre soit-elle - et une implication active des habitants.
La variété des solutions associées à une évolution des usages assure la durabilité et la vivabilité de nos habitats d’aujourd’hui et de demain.

 

Un article co-signé Cercle promodul / INEF4, Jérémie Guilliorit (Nobatek/INEF4) et Julien Parc (Pouget Consultants)

 

Pour aller plus loin :

L’outil numérique « RESPIRE : Recommandations Et Solutions Pour l’Inconfort et le Rafraichissement l’Eté » pour passer à l’action !
La stratégie de rénovation énergétique est donc essentielle pour garantir un résultat performant et de qualité. La stratégie proposée dans cet article présente les grandes lignes pour intégrer les bons gestes garantissant un bon confort estival.
Il est toutefois parfois difficile de savoir comment faire évoluer le bâtiment et son environnement pour identifier éléments qualitatifs et quantitatifs pouvant affecter le confort d’été en secteur résidentiel. Les paramètres sont sensibles et l’organisation des travaux relève d’experts. 
En outre, afin de vulgariser la compréhension des phénomènes en jeu et des solutions qui peuvent s’appliquer à chaque situation, Cercle Promodul/INEF4 a mis au point un outil de saisie simplifiée « RESPIRE » accessible à tous et disponible ici.
Cet outil numérique de simulation permet de faire une analyse générale au niveau du bâtiment (puis d’une pièce de son choix) pour représenter le niveau d’inconfort été dans les bâtiments rénovés ou neufs. Une fois le résultat donné, l’outil oriente vers des actions à mener pour améliorer le confort d’été en favorisant les solutions de rafraîchissement passif pour n’avoir recours à la climatisation que dans les cas les plus extrêmes.

Retrouvez sur le LAB Cercle Promodul / INEF4 plusieurs ressources en lien avec le confort été : 


Article suivant : Rénovation thermique : l’avenir appartient au passif !, Hervé Lamy et Vladimir Luzhbin-Asseev (FFB Actibaie) 


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