Rénovation confort d’été : pratiques ancrées et proactivité !

2134 Dernière modification le 13/07/2023 - 10:07
Rénovation confort d’été : pratiques ancrées et proactivité !

À l‘heure d’une prise de conscience partagée des effets de plus en plus marqués du réchauffement climatique, le confort d’été s’impose aux concepteurs du bâti comme un sujet majeur dans le neuf et dans l’existant.

Pour la rénovation de l’existant, enjeu central dans l’amélioration environnementale du secteur de la construction, la prise en compte des conditions de confort  ̶  du confort d’été en particulier  ̶  et de leur amélioration concerne potentiellement des millions de m², dans l’existant ancien mais surtout dans l’existant « moderne » des cinquante dernières années.

Les bonnes pratiques de prise en compte du confort d’été en rénovation   

La question du confort d’été n’a pas de réponse universelle. Elle s’intègre dans un ensemble de paramètres à ajuster pour trouver un équilibre acceptable avec le confort d’hiver, les économies d’énergie, l’impact environnemental, le coût de la rénovation, etc. À cela s’ajoutent les contraintes et les atouts du bâti à rénover : mitoyenneté, orientation, masques, ou valeur patrimoniale à préserver. Nous pouvons néanmoins identifier quelques réflexes et bonnes pratiques.

En termes de lutte contre la chaleur, la stratégie peut se résumer en 3 points : s’en protéger, l’évacuer et éviter les apports internes.

Pour se protéger de la chaleur, l’isolation reste un geste très efficace. Elle réduit les transferts de chaleur de l’extérieur vers l’intérieur. Mais l’isolation limite également l’évacuation de cette chaleur de l’intérieur vers l’extérieur (ce qui est appréciable en hiver). L’isolation doit donc obligatoirement être accompagnée des bons gestes à l’usage pour ne pas laisser la chaleur pénétrer dans le bâtiment (fermer les volets quand on en a), mais aussi intégrer en conception les impératifs de ventilation et les problématiques d’humidité souvent présentes dans le bâti ancien (tous les isolants ne se valent pas en rénovation). 

Les ouvertures sont des éléments à soigner particulièrement au risque de voir nos fenêtres agir comme des radiateurs de plusieurs centaines de watts en plein été. Au sud, les protections horizontales bien dimensionnées (casquettes, débords de toit, pergolas) empêchent les rayonnements solaires directs en été, tout en permettant les apports solaires en hiver avec la course du soleil plus basse. À l’ouest, les protections solaires verticales éviteront l’exposition au rayonnement solaire en fin de journée. Les fenêtres de toit sont généralement des éléments qui dégradent le confort d’été car elles sont rarement protégées de manière efficace contre l’ensoleillement zénithal.

La distribution des volumes intérieurs joue également un rôle important dans le confort des pièces de vie. Les espaces tampons contribuent à maintenir l’écart de température entre l’intérieur et l’extérieur. La toiture, par exemple, est la surface la plus exposée au rayonnement solaire : les combles perdus ventilés sont des espaces tampons qui favorisent le confort thermique. Des placards, un atelier, une cage d’escaliers à l’ouest, constituent également des espaces tampons appréciables, au même titre qu’un espace créé entre des volets fermés et la fenêtre, d’autant plus efficace que cet espace est important. Par exemple, des volets battants seront plus éloignés de la fenêtre que des volets roulants et sont une solution efficace qui nécessite la sensibilisation de l’usager.

Enfin, la végétation est un allié précieux pour protéger nos bâtiments de la chaleur. Elle réduit immédiatement le rayonnement solaire direct et limite ainsi au fil des heures le stockage de la chaleur dans les parois ombragées par les feuillages. Par ailleurs, l’humidité qui se trouve à la surface des végétaux s’évaporent en consommant de la chaleur. Ce phénomène d’évapotranspiration rafraichit l’air ambiant : une raison de plus pour laisser l’eau s’infiltrer dans les sols au bénéfice de la végétation !

Évacuation de la chaleur : l’inertie intérieure et la surventilation nocturne sont deux éléments complémentaires et efficaces

L’inertie au sein du bâtiment permet, le jour, d’absorber une partie de la chaleur et de réduire les pics de température. Notons que sur les murs lourds, l’isolation thermique par l’extérieur (ITE) est préférable pour maintenir l’inertie à l’intérieur du bâtiment. La chaleur stockée par inertie la journée doit être évacuée lorsque la température extérieure baisse, en particulier la nuit. La sur-ventilation nocturne est à favoriser par la distribution des pièces (espaces et appartements traversants), la disposition des ouvertures et le choix des menuiseries. 

Les bâtis anciens bénéficient souvent d’une forte inertie et d’une conception bioclimatique. Les matériaux hygroscopiques comme la terre contribuent au confort d’été. Car en plus d’apporter une forte inertie au bâtiment, l’évaporation de l’humidité contenue dans ces matériaux (leur séchage) consomme de l’énergie, donc de la chaleur, et rafraîchit l’ambiance.

La réduction des apports internes est le 3e axe de la stratégie de lutte contre les surchauffes. Les bâtiments sont aujourd’hui équipés de quantité d’appareils et équipements qui dégagent de la chaleur : ballons et circuits d’eau chaude, chaudières, congélateurs, etc. Il est préférable de positionner ces appareils dans un espace tampon et de s’assurer de calorifuger les circuits d’ECS, notamment lorsqu’ils fonctionnent en boucle. Nous alertons également sur la faible isolation standard des ballons d’eau chaude.

Une surisolation de ces équipements permet à la fois un meilleur contrôle de ses consommations et une maîtrise du confort d’été. Notons également un point de vigilance sur la multiplication des petits appareils électriques et de leurs transformateurs qui sont autant de sources de chaleur. Par ailleurs, les pertes d’énergie d’un appareil électroménager peu performant sont in fine dissipées sous forme de chaleur. Les occupants eux-mêmes sont aussi des sources de chaleur : la puissance thermique libérée par un corps humain dans les conditions de vie courante au repos est de l'ordre de 100 W.

N’oublions pas les consommations de froid !

L’Observatoire des Caractéristiques de la Rénovation Énergétique (OCRE) est un outil d’Envirobat Occitanie qui rassemble une série d’indicateurs pour mesurer les tendances de la rénovation en région. La campagne de l’OCRE a analysé en 2021 200 dossiers de rénovation de logements privés. Ce rapport illustre particulièrement bien le défaut de prise en compte des consommations de froid. En effet, 82 % des dossiers analysés ont installé un nouveau système de chauffage, dont près de la moitié concerne des pompes à chaleur air/air. Or seulement 16 % des dossiers ayant installé une PAC air/air comptabilisent des consommations de climatisation. Dans ce cas, les gains énergétiques projetés sont largement surestimés car ils se focalisent uniquement sur les consommations liées au chauffage.

Nous préconisons que des consommations de climatisation soient systématiquement comptabilisées dans les consommations énergétiques des DPE et audits énergétiques dès lors qu’une PAC air/air réversible est installée. Cette préconisation est d’autant plus nécessaire que les pics de chaleur deviennent plus élevés, plus longs et plus fréquents. Dans une optique d’adaptation au changement climatique, il nous faut avoir une vraie prise de conscience des consommations liées au refroidissement, ce qui implique a minima de na pas les occulter ! En été, comme en hiver, l’énergie la moins chère et la moins polluante reste celle que l’on ne consomme pas.

Adaptation au changement climatique : s’appuyer sur la simulation thermique dynamique (STD) 

Pour aller plus loin dans la lutte contre la surchauffe, parallèlement à la prise en compte de bonnes pratiques en termes d’aménagement et de rénovation selon les caractéristiques de l’habitat, d’autres outils comme la simulation thermique dynamique (STD) permettent de renforcer, affiner et d’anticiper les actions en faveur d’un meilleur confort d’été.  

STD : qu’est-ce que c’est ? à quoi ça sert ?

La simulation thermique dynamique (STD) consiste en une modélisation numérique du comportement thermique du bâtiment (neuf ou existant), en confort d’hiver comme en confort d’été, en fonction de ses caractéristiques architecturales et spatiales (forme, nature de l’enveloppe, baies, protections solaires, inertie…), de ses équipements, de son implantation géographique et de son exposition (conditions météo applicables et ensoleillement = évaluation des apports externes), de ses conditions d’usage et d’occupation (scénario d’occupation = évaluation des apports internes).

C’est un outil de conception permettant de comparer entre eux des choix techniques ou architecturaux et de vérifier les performances attendues en termes de confort thermique.
Cela nécessite bien entendu de caractériser correctement les paramètres du bâtiment et de choisir des scénarios d’occupation réalistes et suffisamment « élargis » pour laisser une marge de manœuvre en termes d’évolutivité du programme : attention à ne pas « oublier » de prendre en compte la période estivale sous prétexte que les élèves de l’école sont absents (il faut penser aussi au fonctionnement du centre aéré) ou que les salariés des bureaux sont en vacances (ils ne partent pas tous en même temps). 
Mais, avant tout, il convient de choisir des hypothèses climatiques réalistes pour les dizaines d’années de fonctionnement du bâtiment.

Anticiper le futur proche : le choix du fichier météo de référence

En neuf comme en rénovation, le choix du ou des fichiers météo de référence est absolument crucial pour s’assurer du caractère réaliste des résultats de l’étude.
Dans un contexte de climat en évolution rapide, marqué par une nette tendance au réchauffement, l’enjeu consiste aujourd’hui à anticiper les conditions qui s’appliqueront au bâtiment étudié dans les 25 à 50 prochaines années, voire plus. 

Étudier le comportement d’un bâtiment sur la base du climat passé, souvent évalué d’après les moyennes de températures anciennes (les 10 dernières années, mais parfois encore plus loin), c’est en fait surévaluer les besoins de chauffage et sous-évaluer l’inconfort d’été futur. Cela conduit par exemple à négliger d’installer des protections solaires extérieures efficaces sur toutes les façades exposées ou de prévoir le moyen de décharger efficacement, grâce à la sur-ventilation nocturne par exemple, toute l’énergie thermique accumulée en journée.

La difficulté, c’est donc à la fois à choisir la « bonne » moyenne de températures connue (la plus récente évidemment), et la « bonne » hypothèse de réchauffement sur la « bonne » fourchette de temps (ce qui n’est pas simple).

Une conception plus responsable

Plusieurs solutions sont possibles, plus ou moins sophistiquées : des packs météo futurs intégrant des scénarios dégradés sont ainsi disponibles chez certains éditeurs de logiciels STD ; il est également possible de créer des fichiers prédictifs adaptés au contexte local du projet. Parmi les solutions simples, on pourra par exemple se baser sur l’année la plus chaude connue du site du projet pour la période estivale, envisagée donc représentative de la moyenne future.

L’essentiel est bien de considérer la STD comme un outil de travail destiné à influer sur la conception et le choix de dispositifs architecturaux et techniques les mieux adaptés, et non comme un outil de validation d’un résultat ou d’un projet prédéfini, ce qui est souvent le cas aujourd’hui. Cela passe par la réalisation systématique de variantes destinées à tester/apprécier différentes solutions (architecturales, spatiales, systèmes…), mais surtout une prise de conscience de l’importance du sujet « confort d’été » et de la nécessité d’anticiper correctement les conditions estivales futures (été plus longs et plus chauds un peu partout en France) en phase étude, pour aboutir à une évaluation réaliste et un projet bien « acclimaté ».


Un article signé Matthieu Devos (Envirobat Occitanie-Chef de projet Rénovation Durable) et François Perot (Ekopolis-Chef de projets Bâtiment durable)


Article suivant : Adaptation des bâtiments aux canicules futures : le projet de recherche "Resiliance" , Eduardo Serodio, Bruno Peuportier et Stéphane Thiers (IZUBA Energies)


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