Paris modélise et développe le multi-usage de ses équipements publics

2474 Dernière modification le 02/06/2023 - 00:00
Paris modélise et développe le multi-usage de ses équipements publics

La ville capitale, dont la ressource foncière est l’une des plus contraintes d’Europe, optimise l’occupation de ses locaux publics en les ouvrant à d’autres usages. Compte rendu très concret d’une démarche qui peut servir de modèle à d’autres collectivités.

La Ville de Paris adopte une nouvelle approche de son patrimoine, dans laquelle les équipements ne sont plus réservés à une fonctionnalité unique, mais peuvent accueillir d’autres utilisations. C’est ce qu’on appelle le multi-usage : une démarche d’optimisation des locaux, qui vise à multiplier et mutualiser leur occupation entre plusieurs utilisateurs, au plus près des besoins des citoyens.
En plus de son intérêt économique, le multi-usage peut constituer une ressource pour la démarche de la ville du quart d’heure et un point d’appui pour la territorialisation de l’action municipale parisienne, en permettant l’accueil ponctuel, dans les équipements et leurs espaces extérieurs, de permanences des services publics et de partenaires de la Ville qui offrent un service d’intérêt général. Paris dispose en effet d’un vaste tissu d’associations qui ne trouvent pas forcément de locaux pour mettre en œuvre leurs activités en faveur des Parisiens. Le développement du multi-usage est une solution parfaitement adaptée à cette situation.
Pour le développer, le Secrétariat général de la Ville a lancé une expérimentation, en collaboration étroite avec la mairie du 14ᵉ arrondissement, territoire pilote pour la mise en œuvre du multi-usage, dans le cadre d’une nouvelle approche territorialisée de l’immobilier.

Pré-identifier les types de locaux adaptés au multi-usage

Nous sommes partis, au niveau du Secrétariat général, de l’idée que le multi-usage peut se développer dans tous les équipements et locaux qui présentent les caractéristiques suivantes : 

  • Ils sont aptes à recevoir du public, aussi bien en termes d’aménagement, de sécurité, que d’accessibilité aux personnes à mobilité réduite ;
  • Ils offrent des créneaux horaires disponibles en dehors de leurs temps d’utilisation habituelle ;
  • Enfin, leur occupation ou leur utilisation par des tiers est juridiquement possible et bien encadrée.

La première étape était de repérer l’ensemble des équipements, locaux et salles particulièrement adaptés à une utilisation en multi-usage, notamment parce qu’ils sont déjà conçus pour accueillir le public, mais aussi parce que certains le pratiquent déjà.
Nous avons ainsi retenu :

  • Les salles gérées par la mairie d’arrondissement et la maison de la vie associative et citoyenne, déjà largement ouvertes aux utilisateurs tiers par un système de réservation, qu’il s’agisse de salles des fêtes ou de salles de réunion ;
  • Le patrimoine scolaire géré par la Ville, c’est-à-dire les écoles élémentaires, les collèges propriétés de la Ville, leurs espaces extérieurs et leurs équipements sportifs intégrés ;
  • Les équipements sportifs et les équipements destinés à la jeunesse (comme les centres d’animation Paris Anim’) ;
  • Les espaces extérieurs des crèches (les espaces intérieurs étant peu adaptés et déconseillés pour d’autres usages) ;
  • Les équipements culturels, en premier lieu les conservatoires ;
  • Les parcs et jardins ;
  • Enfin tout local disponible appartenant au patrimoine de la collectivité et dont l’usage n’est pas encore déterminé. On y trouve une part de patrimoine dit « intercalaire » ou encore du patrimoine hérité par dons et legs dont la configuration se prête difficilement à des usages de service public.

Mener l’analyse fonctionnelle des usages existant et de possibilités de multi-usage

La deuxième étape était d’analyser, dans les faits et sur le terrain, l’utilisation existante de ces locaux pour déterminer leur potentiel de multi-usage.

Si l’utilisation de certains équipements était déjà bien mesurée, parce que les possibilités de réservation existent depuis longtemps pour ce qui est des salles municipales du type salle des fêtes, des salles de conservatoire et plus encore des équipements sportifs, c’est dans le patrimoine scolaire que les marges de développement du multi-usage nous sont apparues les plus importantes. En effet, toutes les salles d’un équipement scolaire, qu’il s’agisse de salles de classes, des salles de sport ou de réunion, ne sont pas utilisées en permanence toute la journée. Par ailleurs, l’horaire de fin des cours permet une utilisation en début de soirée, possibilité déjà utilisée par les célèbres cours municipaux pour adultes ou « cours du soir ». Enfin, certaines salles, au gré de la vie d’un établissement, peuvent ne pas être utilisées.

Pour établir le schéma directeur du multi-usage en patrimoine scolaire, nous avons effectué, avec la Direction des affaires scolaires et ses services déconcentrés dans le 14ᵉ arrondissement, l’analyse fonctionnelle de chaque établissement au regard de l’occupation normalement prévue pour le nombre d’élèves et de personnels présents, mais aussi le multi-usage existant, comme l’occupation de salles par les cours du soir. L’objectif était de dénombrer les salles utilisables à temps plein pour du multi-usage. Ainsi, dans le seul 14ème arrondissement, un potentiel de 17 salles a été identifié.

Une démarche similaire a été réalisée par la mairie d’arrondissement pour faire l’inventaire de ses locaux disponibles, dans les salles dites municipales, bien sûr, mais aussi dans un vivier insoupçonné comme celui des salles de réunion et de cours de certains équipements sportifs. Les directions opérationnelles de la Ville ont également établi, au regard de l’emploi du temps d’occupation de leurs équipements, leur potentiel de multi-usage, en particulier dans les salles de conservatoire qui ne seraient pas occupées à plein temps.

Préparer les conditions logistiques de l’accueil en multi-usage

Une fois bien identifiés les créneaux horaires libres dans les espaces disponibles, il faut s’assurer que les conditions d’accueil des locaux soient conformes à la réglementation ERP et aux règles de sécurité incendie, ce qui est généralement le cas dans les établissements qui accueillent déjà du public.

Deux questions très concrètes doivent être réglées si l’on veut assurer l’accueil en multi-usage. D’abord, celle du gardiennage. En effet, il faut prévoir, dans les établissements qui en bénéficient, que les personnels gardiens assurent des heures supplémentaires si les activités accueillies en multi-usage débordent de leurs horaires habituels. Ensuite, il faut régler la question des modalités d’ouverture et de fermeture, en d’autres termes la question des clés ! Vaut-il mieux une clé matérielle ? Pas de clé si le gardiennage existant se charge de l’ouverture et de la fermeture ? Ou bien une clé numérique, sous forme de code d’accès ou de carte magnétique, ce qui impose qu’un tel mécanisme soit installé sur la porte principale et celle de la salle proprement dite ? Autant de choix à faire en fonction des particularités de chaque lieu, mais aussi des possibilités budgétaires de chaque collectivité.

Veiller au cadre juridique et budgétaire du multi-usage

Pour qu’un établissement puisse accueillir d’autres activités que celles pour lesquelles il est prévu, menées par des personnes qui ne sont pas du personnel municipal, il convient d’encadrer cet accueil par des décisions de l’assemblée délibérante de la collectivité. Il en est de même pour la fixation des tarifs d’occupation, nécessaire en raison des coûts supplémentaires induits par l’utilisation d’un équipement par des tiers (électricité, fluides, chauffage, ou encore, on l’a vu, gardiennage), mais aussi parce que la collectivité offre à des tiers, une prestation d’hébergement qui pourrait être assurée par le marché.

De ce fait, la municipalité doit délibérer sur l’élargissement du multi-usage aux équipements pour lesquels il n’est pas encore prévu, sur les tarifs d’occupation lorsqu’ils n’existent pas (en général, dans les écoles) et sur les conditions de la gratuité (par exemple à des associations œuvrant dans le domaine social ou de l’aide d’urgence).

La collectivité doit toujours vérifier la législation et la réglementation propres à certains types d’établissements. Ainsi, pour le scolaire, la liste des activités tierces qui peuvent être hébergées dans un établissement est précisée de manière restrictive dans le code de l’éducation. De même, certains principes d’usage doivent être respectés, comme le fait d’éviter que les utilisateurs tiers ne croisent pas les élèves dans une école (principe des circulations séparées).

L’hébergement d’activités tierces en multi-usage, enfin, doit être strictement encadré par une convention d’occupation du domaine public ou une autorisation d’occupation temporaire signée entre la collectivité et l’association concernée. Cette convention précise les droits et obligations de l’occupant, qui doit être assuré à cet effet, et peut également indiquer les modalités d’usage (la question des ouvertures et fermetures de l’accès, du nettoyage, ou de l’utilisation du matériel présent).

À Paris, un guide du multi-usage doit être bientôt publié pour faire état de toutes ces conditions de réussite.

La gestion quotidienne du multi-usage

Afin de faciliter l’accueil en multi-usage, la collectivité peut mettre en place un guichet unique de demande et de réservation de salles. Pour reprendre l’exemple du 14ᵉ arrondissement de Paris, c’est la Maison de la vie associative et citoyenne (MVAC) qui gère les demandes et l’attribution des créneaux.

La mairie d’arrondissement a également constitué un catalogue des salles disponibles dans tous les types d’équipements, qui présente pour chacune une fiche indiquant son adresse, la surface disponible, une description des locaux et leur spécificité, les types d’activités recommandées, le nombre d’occupants maximum, les créneaux réservables, le tarif. Ce catalogue est destiné à être publié sur le site de la mairie d’arrondissement.

 

Un article rédigé par Jean-François Meira, Ville de Paris


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