« Nous visons les 300 hectares végétalisés à Paris en 2040 »

Rédigé par

Anne-Sophie Tardy - Construction21

Responsable de l'éditorial

1936 Dernière modification le 20/10/2023 - 15:00
« Nous visons les 300 hectares végétalisés à Paris en 2040 »

Christophe Najdovski, maire-adjoint à la Ville de Paris en charge de la biodiversité, tire le bilan du plan Biodiversité 2018-2024 de la capitale et des projets en cours et à venir, entre grand parc arboré au nord et nichoirs à moineaux dans quatre arrondissements.


C’est quoi, la biodiversité à Paris ?
Ce sont tous les êtres vivants qui nous entourent, des animaux liminaires, tels que les pigeons, les cygnes et autres espèces qui vivent près des humains, aux animaux domestiques, en passant par les animaux sauvages, à l’image des renards au cimetière du Père-Lachaise. Nous avons publié un atlas de la nature en 2020 recensant toute la faune et la flore à Paris. Plus de 2 800 espèces ont été observées dans la capitale, dont 154 espèces d’oiseaux. Les fameuses trames bleue et verte de Paris, représentant 16 % du territoire de la capitale et comprenant les bois de Vincennes et de Boulogne, sont également un véritable refuge pour la biodiversité. Pour une ville minérale comme Paris, c’est assez significatif. Le bâti est également un support de biodiversité, surtout pour les espèces cavicoles, comme le moineau, qui vont y nicher. Le secteur de l’immobilier a aussi un rôle à jouer dans la préservation de la biodiversité.

Qu’en est-il justement de la cohabitation entre les grands projets de rénovation du bâti et la préservation de la biodiversité urbaine ?
Il faut éveiller les consciences sur le fait que la transformation du bâti doit impérativement être réfléchie en fonction des enjeux climatiques mais également de préservation de la biodiversité. Ce n’est pas encore le cas partout. Pour que la biodiversité ne soit pas mise de côté, la Ville de Paris a signé un pacte avec une cinquantaine d’acteurs de l’immobilier, parmi lesquels nos bailleurs sociaux et des aménageurs privés tels qu’Icade, Altarea et Périal. Chaque année, nous nous retrouvons pour présenter les différentes actions déployées par chacun et partager les bonnes pratiques.

Le futur PLU bioclimatique, dont l’entrée en vigueur est prévue en 2025, permettra également la mise en place de l’urbascore. L’objectif est d’évaluer les externalités positives apportées par des projets de construction dans lesquels la végétalisation est valorisée, la pleine terre est conservée. Nous-mêmes avons mis en place un autre outil d’autoévaluation de la qualité écologique d’un projet, le biodivscore, pour les opérations de rénovation ou de construction non soumises à étude d’impact. L’objectif est de réaliser un état initial et un état projeté. Sur la base du nutriscore, nous notons le projet de A à E en fonction de son impact sur la biodiversité parisienne. Si la note est trop mauvaise, nous demandons à revoir la copie. Il n’y a pas d’obligation, mais une forte incitation.

Vous avez réalisé un guide des essences d’arbres à Paris. Comment peut-il accompagner la filière ?
Ce guide permet de montrer à la fois les qualités des essences en termes de résilience et de résistance par rapport à l’évolution du climat et de classer leur intérêt en matière de biodiversité. Toutes les essences ne cochent pas forcément les deux cases. L’objectif est surtout de pouvoir planter le bon arbre au bon endroit, en fonction des problématiques locales. On ne plante pas de la même manière des arbres d’alignement et des arbres dans des îlots d’immeubles. Aujourd’hui, une trentaine d’espèces déjà présentes à Paris ont été analysées. Nous souhaitons y recenser à terme 180 essences, y compris des essences qui ne sont pas encore plantées à Paris afin de diversifier notre patrimoine arboré pour nous adapter au climat futur. Un arbre planté en 2030 sera toujours là en 2100. Il devra encaisser les potentiels +4°C qu’on nous annonce à cet horizon. Nous savons notamment désormais que le hêtre n’est plus à planter à Paris. Du fait de son besoin important en eau, il dépérit à chaque canicule. Ce guide a véritablement vocation à être partagé le plus possible. Il est d’ailleurs en opendata sur le site de la Ville de Paris.

Nous réalisons également un suivi de plus de 100 000 arbres plantés dans les rues de Paris grâce à des cartes d’identité personnelles, afin de surveiller leur bonne santé. L’atelier parisien d’urbanisme réalise également des cartographies parisiennes, notamment thermiques, pour identifier les îlots de chaleur urbains et ainsi orienter la décision publique afin de cibler les secteurs prioritaires pour rafraîchir la ville.

A partir de 150 m², tout projet de bâti devra consacrer minimum 30 % à la pleine terre


Le plan biodiversité 2018-2024 arrive à échéance. Quels enseignements en tirez-vous ?
L’un des marqueurs forts pour la biodiversité à Paris est notre engagement contre l’utilisation des produits phytosanitaires. Nous l’avions déjà pris lors du plan 2009-2015. Aujourd’hui, les conséquences sont visibles, en témoignent les renards du cimetière du Père-Lachaise ou les quelque 4 000 chauves-souris dans l’un des tunnels de la petite ceinture. Nous essayons également de faire revenir le moineau en ville. Avec la Ligue de Protection pour les Oiseaux, nous avons distribué des nichoirs dans plusieurs « quartiers moineaux » partout à Paris, reconstitué des habitats, planté des haies ou encore installé des hôtels à insectes. C’est une démarche très participative, incluant les habitants qui peuvent installer les nichoirs sur leur balcon, mais aussi les écoles et les gymnases.

Je voudrais insister sur l’importance de retrouver des haies dans l’espace public. Pas sur les trottoirs, mais dans des espaces verts ou au sein de copropriétés. Cela pourrait être une action que nous porterons lors du plan biodiversité 2024-2030. Nous lançons d’ailleurs une grande consultation cet automne et jusqu’en début d’année prochaine. Et puis, la biodiversité ne s’arrête pas au périphérique. Nous travaillons avec la Métropole du Grand Paris pour réaliser un grand parc arboré le long de la petite ceinture dans le XXe arrondissement. Le Bois de Charonne a d’ailleurs été lauréat de l’appel à projets Nature 2050. Nous avons racheté 1,5 hectare à la SNCF pour connecter un jardin existant à la petite ceinture et ainsi créer un parc de plus de 3,5 hectares, avec plus de 2 000 arbres plantés.

À l’heure où se durcit la tension de l’immobilier, comment trouver le juste équilibre entre besoin de logements et développement du végétal ?
Le PLU bioclimatique de la Ville de Paris acte un changement de paradigme pour prioriser la rénovation sur la construction. Paris est déjà une ville extrêmement dense. Pour répondre aux besoins de logements, il faudra reconstruire la ville sur la ville. Pour pallier les phénomènes de dômes de chaleur lors des épisodes caniculaires, la végétalisation prend tout son sens. Nous constatons souvent une hausse des températures de 7 à 10 °C par rapport à l’extérieur de la ville lors des vagues de chaleur. C’est donc primordial de garder une ville habitable, vivable. La priorité sera alors donnée au végétal. A partir de 150 m², tout projet de bâti devra consacrer minimum 30 % à la pleine terre. Et ce pourcentage augmente de manière exponentielle jusqu’à atteindre 65 % pour les grands projets de construction. La végétalisation des toits de Paris est également soutenue par la ville. Au printemps dernier, nous avons mis en place une aide financière destinée aux copropriétés, coproasis, pour le financement des études et travaux pour végétaliser les toits et débitumer les cours d’immeubles. Les copros peuvent percevoir jusqu’à 80 % du montant total des travaux, avec un plafond de 30 000 euros. 
Aujourd’hui, Paris compte 8,6 m² d’espaces végétalisés par habitant, incluant les deux grands bois en périphérie. L’OMS préconise d’atteindre 10,4m² par habitant. Nous y sommes presque. Notre objectif à nous sera d’atteindre 300 hectares végétalisés en 2040.
 

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