Mobilité et climat : vous avez dit urgence ?

1080 Dernière modification le 17/08/2023 - 00:00
Mobilité et climat : vous avez dit urgence ?


L’analyse des émissions de CO2 des transports des années 2000 faisait apparaître une inversion de tendance au milieu de cette décennie. Dix ans plus tard, une autre inversion est apparue, avec des indicateurs mal orientés pour atteindre la trajectoire de baisse des émissions nécessaire à l’atteinte de la neutralité carbone en 2050. Un article issu de l'ouvrage du Cerema sur la mobilité quotidienne dans les années 2010 à 2020.


Cet article est extrait de l'ouvrage collectif du Cerema "Mobilités du quotidien : comprendre les années 2010-2020 pour mieux appréhender demain" qui présente une série d'analyses sur des sujets-clés de la mobilité des années 2010 à 2020.

 
La pression sur les transports et la route s'accentue alors que les indicateurs sont au rouge 

La baisse des émissions du secteur des transports initiée en 2005 s’est poursuivie jusqu’en 2009 avec une chute brutale en 2008 liée à la crise des subprimes (– 6,5 Mt eqCO2 pour atteindre 136,3 Mt en 2009, contre 143,4 Mt en 2000 et 147,9 Mt en 2004, cf. Figure 14). Depuis cette année-là, des périodes de hausse et de baisse se sont alternées, signe d’un secteur pas encore totalement engagé sur une trajectoire de baisse des émissions, même si la baisse significative observée en 2018 est encourageante (136,8 Mt, soit – 1,6 % par rapport à 2017 et – 1,7 % par rapport à 2010).

Pendant la décennie 2010-2020, le secteur des transports fait partie de ceux dont la baisse des émissions est la plus faible. Une conséquence est que le poids des transports dans les émissions totales de gaz à effet de serre est passé de 27,2 % en 2010 à 30,7 % en 2018 (il était de 22,7 % en 1990), accentuant la pression sur ce secteur et la route puisqu’elle contribue à hauteur de 94 % dans ces émissions (chiffre à peu près constant depuis 1990).

Dans le même temps, certains indicateurs se sont dégradés. Après une période de relative stabilité entre 2004 et 2014, la circulation des voitures particulières a progressé à nouveau pour atteindre près de 30 milliards de véh.km supplémentaires en 2018 par rapport à 2010 (sur un total de près de 429 milliards en 2018, source : CCTN 2019). Même constat pour les parcs de véhicules, la motorisation des ménages continue de progresser passant de 495 véhicules pour 1 000 personnes en 2010 à 505 en 2018.

Cette progression ainsi que celle de la population (près de 3 % entre 2010 et 2018) ont porté le parc de véhicules en France à 32,7 millions en 2018, soit 1,5 million de plus qu’en 2010. Les effets sur les émissions de cette circulation sont difficilement contenus par les caractéristiques du parc de véhicules. L’âge moyen du parc continue de progresser, passant de 8 ans en 2010 à 9,1 ans en 2018 (il était de 7,3 ans en 2000, source : CCFA).

Si les consommations unitaires des véhicules immatriculés en France sont passées de 6,8 l pour 100 km en 2010 à 6,33 l en 2018 (elles étaient de 8,2 l en 1990 et 7,46 l en 2000), les émissions des voitures neuves ne baissent plus depuis 2016 et sont même sur une tendance haussière. Deux causes majeures à cette situation sont le renouveau de l’essence (même s’ils représentent encore 60 % du parc en 2018, la part des véhicules diesel est à la baisse depuis le début des années 2010) et la part croissante des SUV.

Les véhicules tous terrains/chemins (qui comprennent les SUV) représentent ainsi près de 39 % des voitures neuves en 2019 (source : Ademe). Quant à elles, les motorisations alternatives (électricité, hybride) représentent un peu plus de 6 % des immatriculations en 2018 et un peu moins de 2 % du parc (source : CCFA). Même si l’évolution des émissions du transport routier est variable selon les polluants, les progrès technologiques et le renouvellement du parc ont permis de faire baisser sensiblement les émissions d’un certain nombre de polluants comme les NOx (– 60 % entre 1990 et 2017), les PM10 (– 57 % sur la même période), les PM2.5 (– 64 %, source : CCTN 2018). Malgré ces baisses, la qualité de l’air s’améliore dans des proportions moindres, compte tenu des processus complexes qui interviennent dans l’atmosphère.

Une mobilité qui stagne mais des volumes de déplacements qui augmentent

Les premiers résultats de l’enquête Mobilité des personnes 2018-2019 montre une stabilité de la mobilité un jour de semaine (3,05 déplacements par personne et par jour contre 3,1 en 2008) et une progression le week-end (2,6 contre 2,3 le samedi, 2 contre 1,4 le dimanche). Elle montre également un recul de la part modale de la voiture (63 % pour 64,8 % en 2008), une progression de la marche (23,5 % pour 22,3 %) et des transports collectifs (9,1 % pour 8,3 %), et une stabilité du vélo (2,7 %).

 

Cependant, porté par la progression démographique et l’allongement des distances parcourues, le transport intérieur de voyageurs a progressé de 4,7 % entre 2012 et 2019 (en voyageurs kilomètres). Si les véhicules particuliers et les transports collectifs ont eu une évolution analogue, le transport aérien intérieur a lui progressé de plus de 15 % (source : CCTN 2020).

Dans le même temps, le transport intérieur terrestre de marchandises a progressé de près de 5 % (en tonnes-kilomètres). La part modale du transport routier en représente près de 90 %. Elle est restée relativement stable au cours de la décennie (88,8 % en 2010, 89,1 % en 2018), tout comme celle du transport ferroviaire (8,8 % en 2010, 9 % en 2018).

Une équation qui reste à résoudre

La décennie précédente s’était achevée sur l’adoption en 2008 du paquet énergie-climat par l’Union européenne qui avait l’objectif "3x20" en 2020. Il s’agissait également d’atteindre le facteur 4 en 2050 (division par quatre des émissions par rapport à celles de 1990). Face à l’urgence climatique, les objectifs se sont durcis. Il s’agit désormais d’atteindre la neutralité carbone en 2050. La stratégie nationale bas-carbone (SNBC) définit le cap pour atteindre cet objectif avec un intermédiaire, celui de réduire d’au moins 40 % les émissions de GES en 2030 par rapport à 1990.

Le deuxième budget carbone (période 2019-2023) pour les transports est ainsi de 128 MtCO2eq en moyenne annuelle puis de 112 pour le troisième (2024-2028) (source : SNBC). Les émissions ont été en moyenne d’environ 138 MtCO2 eq sur la période du premier budget (2015-2018) (source : CCTN 2019). La baisse doit donc être d’environ 7 % entre le premier budget et le deuxième puis d’environ 12 % entre les deux suivants. L’observation des résultats du projet Carbon Monitor41 montre une baisse des émissions de CO2 des transports terrestres de l’ordre de 10 % en 2020 par rapport à 2019 (sur la période janvier-décembre, voir Figure 15).

Ces résultats donnent une idée des enjeux qui attendent le monde des transports pour la décennie 2020-2030. Comment rester sur cette trajectoire sans crise sanitaire et périodes de confinement associées ?

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