La ville de Lodève sous le scope santé-aménagement

Rédigé par

La rédaction C21

1285 Dernière modification le 02/01/2024 - 14:51
La ville de Lodève sous le scope santé-aménagement

Comment allier santé, aménagement, inégalités sociales et résilience du territoire ? Pour y répondre, le Cerema a mené en partenariat avec la ville de Lodève (34) une étude systémique novatrice en santé-aménagement du territoire afin d’améliorer le bien-être et la santé de ses habitants tout considérant l’impact du changement climatique. 

Lodève, une petite commune de 7 400 habitants située à 45 kilomètres de Montpellier, aux portes des paysages calcaires du Larzac méridional, semble offrir un cadre de vie idyllique, éloigné des nuisances environnementales des grandes métropoles. Pourtant, derrière la carte postale, la ville est confrontée à des défis importants en matière de santé-environnement. Logements anciens, îlots de chaleur ou encore isolement du territoire constituent des préoccupations majeures impactant la santé des Lodévois. En outre, la ville enregistre des taux de maladies liées à la santé mentale, des maladies cardiovasculaires et d’obésité bien supérieurs au reste du département.

Face à ce constat, le Cerema et le Pays Cœur d'Hérault, avec le soutien de l’ARS Occitanie, ont lancé une étude dans le cadre du contrat local de santé afin d’analyser la ville de Lodève sous le prisme de la santé-aménagement, afin de comprendre comment l’aménagement de la ville influence la santé des Lodévois et favorise les inégalités sociales de santé (ISS) du territoire. Elle vise également à étudier l’impact croissant du changement climatique sur l’écosystème urbain, ainsi que sur l’aggravation des disparités sociales et de santé qui pourraient en découler. 
L’étude se voulant globale, elle a été menée en étroite collaboration avec des professionnels de santé, élus, techniciens, associations, citoyens et aménageurs du territoire. Au total, plus de 20 organismes ont été associés à la démarche et plus de 70 personnes y ont participé.

Une enquête englobant entretiens, sondages et analyse de données issues de plus de 42 indicateurs socio-économiques

L’objectif de l’enquête est de cerner et localiser les groupes de populations exposés aux ISS et d’acquérir une compréhension plus approfondie de la manière dont l’aménagement du territoire influe sur les modes de vie, susceptibles de conduire à des problèmes de santé. L’étude a ainsi montré que la combinaison de plusieurs paramètres concourt à favoriser les ISS : 

Le centre étant classé quartier prioritaire de la ville (QPV), une part importante de sa population est dite défavorisée et en grande précarité financière. Le niveau d'éducation y est également plus faible et le taux de chômage et de familles monoparentales plus élevé que sur le reste du territoire. Cette défaveur sociale conduit, selon le rapport des inégalités sociales de santé en Occitanie, à des comportements plus à risque pour la santé.

Le centre-ville, ceinturé par des infrastructures routières, est séparé de sa périphérie, et l’ensemble du territoire, accessible principalement par l’autoroute, se trouve relativement isolé pour les ménages non véhiculés. Ce double isolement du centre rend la pratique des mobilités actives difficile et complique l’accès aux services. Dans le centre, le prix de l’offre alimentaire est élevé et les nombreux fast-food s’imposent comme la principale option de restauration. L’offre commerciale est limitée et la présence de locaux vacants reflète une activité économique peu développée. 

Avec le départ à la retraite de nombreux médecins et la fermeture de services hospitaliers, l’accès aux soins est également particulièrement ardu pour les habitants du centre-ville. Avec une proportion élevée de ménages sans voitures ou en grande précarité financière, de nombreux habitants de Lodève se retrouvent ainsi isolés sans aucune alternative pour se déplacer et accéder à une gamme de services différente de celle du centre-ville. Ainsi, l’isolement géographique et la pauvreté des services disponibles entraînent, pour les ménages déjà défavorisés, des comportements et des habitudes de vie préjudiciables pour la santé. 

- Enfin, le centre-ville étant vieillissant, de nombreux logements sont insalubres, mal isolés ou de tailles non adaptées aux besoins de la population qui y vit. Ces appartements, des passoires thermiques et phoniques, sont majoritairement habités par des personnes en situation de précarité. En plus de peser sur le budget des ménages, les moisissures et l’absence de confort thermique ont pour effet d'impacter directement les pathologies de santé en lien avec la santé mentale, les maladies respiratoires ou cardiaques.


Afin de déterminer si l’aménagement contribue à exposer davantage des groupes sujets aux ISS et à favoriser le développement de maladies chroniques, le tissu urbain du centre-ville a été étudié par le Cerema au travers de onze thématiques de santé-environnement : l’eau, l’air, le bruit, l’alimentation, la mobilité, la proximité, l’espace public, la sécurité, l’alimentation, l’habitat et les îlots de fraîcheur. L’objectif est d’évaluer l’incidence de chaque thématique sur la santé des habitants et notamment sur les personnes sujettes aux inégalités sociales de santé du territoire identifiées par l’enquête sociologique. 

En complément des données collectées, une « balade sensible » a également été mise en œuvre par le Cerema pour identifier les aménagements de la ville favorables ou défavorables à la santé. Pour cela, élus, techniciens, citoyens et professionnels de santé ont pu, sur un itinéraire donné, analyser l’écosystème urbain par le prisme des thématiques santé-environnement, avec l’appui d’une caméra thermique, d’un sonomètre et d’un drone. Grâce à cette démarche, les acteurs du territoire ont notamment pu voir le potentiel de certaines places à améliorer significativement la santé de la population en y apportant quelques modifications. 

L’analyse du tissu urbain au travers des onze thématiques a révélé que la population déjà défavorisée vivait un aménagement du centre-ville qui exacerbe les ISS. 
D’une part, la prédominance de la voiture en plein cœur de ville expose davantage la population qui y vit à une mauvaise qualité de l’air et à des nuisances sonores significatives. D’autre part, la présence importante de la voiture favorise l’insécurité en entravant la circulation des cyclistes et des piétons. L'ensemble de ces désagréments favorise les pathologies de santé en lien avec la sédentarité, l’obésité mais aggrave également les maladies cardiovasculaires. 

De son côté, l'espace public conçu pour les besoins de la voiture, est propice aux îlots de chaleur. Il y a peu d’espaces végétalisés, les places ombragées sont utilisées comme places de parking tandis que le bitume combiné aux matériaux des voitures renvoie une sensation de forte chaleur. Avec douze fois plus de jours « très chauds » attendus sur le territoire selon les projections climatiques en 2050, c’est l’ensemble du centre-ville qui risque à l’avenir d’être impraticable en période estivale.

Mais encore, en délaissant les places occupées par les voitures, les Lodévois se retrouvent sans lieux de vie pour échanger ou se sociabiliser. Ajouté à cela des façades d’immeubles dégradées, c’est l’ensemble de l’espace public qui peut exercer un impact négatif sur la santé mentale de la population. 

Enfin, le territoire se montre particulièrement vulnérable aux conséquences du changement climatique. L’aménagement de la ville accentue le risque de ruissellement torrentiel, les réseaux d’assainissement sont sous-dimensionnés et en raison de la sécheresse, la ressource locale en eau ne suffit plus à répondre aux besoins de la population. Cette vulnérabilité augmente l’anxiété des habitants et menace à long terme leur bien-être. 

Face à cet état des lieux, la ville de Lodève et ses partenaires se sont réunis lors d’ateliers conduits par le Cerema pour proposer des solutions pour agir en santé-aménagement et réduire les ISS.  Une partie du jeu « Santé-Cité », développé par le Cerema, a été proposée. À visée pédagogique, l’objectif de l’atelier est de permettre à des personnes de milieux différents de s’approprier la thématique santé-aménagement. Par une approche systémique, le jeu favorise également l’interdisciplinarité et permet de manier des outils pour agir de façon globale sur la santé de la population. L’idée étant que le sujet puisse à la fin de l'étude être porté de manière autonome par les acteurs de Lodève. 

Un atelier de « design thinking » mené par le Cerema a également été mis en place.  À partir des données et résultats de l’étude, l’objectif était de maximiser les échanges interdisciplinaires et favoriser la créativité et la production d’idées. 

Un diagnostic levier d’actions systémiques 

L'ensemble de ces travaux a conduit à l'élaboration de 14 fiches d'action visant à réduire les ISS, à agir sur l'ensemble des déterminants de la santé et à renforcer la résilience du territoire face au changement climatique. Parmi ces propositions, on retrouve des initiatives globales permettant d’agir de manière systémique comme la création d'une zone piétonne conviviale au cœur de Lodève, l'exploitation de caves inoccupées en centre-ville pour créer des refuges lors des fortes chaleurs, ou la transformation d'une rue du centre-ville en une « rue-jardin ». L’ensemble de ces actions permet notamment de diminuer l’îlot de chaleur, favorise le lien social et la proximité et incite la population à se déplacer en mobilités actives. En outre, ces actions permettront de réduire les pathologies en lien avec la sédentarité, la santé mentale et les maladies cardiovasculaires.  

Des actions spécifiques à chaque thématique ont également été proposées afin d’agir avec plus de précisions sur les ISS. On y retrouve des actions de sensibilisation et d’accompagnement mais aussi des initiatives comme la réutilisation du compost de la population pour une production locale agricole en échange d’avantages tarifaires sur les aliments produits : en jouant sur les thématiques des déchets, de l’alimentation et de la proximité, l’action permet de favoriser le lien social, augmente la résilience du territoire, favorise l’accès à une alimentation saine abordable et participe à réduire les problèmes de malnutrition et de santé mentale de la population. 

À noter que la ville, consciente des enjeux de son territoire, avait déjà engagé de nombreuses actions visant à améliorer son centre-ville. L’approche systémique en santé-aménagement développée ici a permis d’avoir une vision plus globale sur les éléments favorisant le bien-être et de connecter les différentes actions entre elles. Les résultats de cette étude pourront également servir de bases d'informations pour l'ensemble des futurs projets de la commune. 

Pour vous aussi mener une étude en santé-aménagement sur votre territoire, le Cerema a créé une boîte à outils en santé-aménagement disponible gratuitement  

Un article signé Theo Sigiscar, responsable d'études - Appui à la transition des territoires, volet santé-environnement, Christophe Sabot, chef de la mission Appui aux territoires,
Pierre Laine, responsable d’études Appui aux territoires, et Anne Talha, responsable d’études Appui aux territoires - Cerema Occitanie


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