[EDITO] Biodiversité urbaine : "Le vivant est en crise"

1403 Dernière modification le 09/10/2023 - 11:40
[EDITO] Biodiversité urbaine :


Une nouvelle espèce disparait toutes les vingt minutes. Les populations d'espèces qui ne sont pas menacées (ou pas encore) chutent drastiquement : -80 % sur les trois dernières décennies pour les insectes en Europe, notamment, et -25 % pour les populations d’oiseaux sur les quarante dernières années.

Les activités humaines sont directement et indirectement responsables de ce phénomène, et le secteur du bâtiment y contribue largement. Sur le territoire parisien, 73 % des moineaux auraient disparu entre 2003 et 2016,chiffre la LPO, en raison notamment des ravalements des façades ou encore de la rénovation des logements anciens qui hébergent parfois de larges colonies. La ville, en tant qu’écosystème façonné par et pour l’espèce humaine, concentre largement ces impacts et sera en première ligne des conséquences subies. Et elles sont multiples : augmentation des risques liés au changement climatique (îlots de chaleur par exemple), inondations, stress psychologique causé par la perte de l’expérience de nature, dégradation de la qualité de vie, risque sanitaire lié à l’accroissement du nombre de zoonoses, etc. 

L’exclusion de la nature en ville, qui résulte de politiques urbaines motivées au départ par des préoccupations hygiénistes puis l’empilement d’infrastructures « grises », doit aujourd’hui être inversée pour assurer la vivabilité des villes. 

A l’heure où de nombreuses collectivités déploient des plans « nature en ville », « arbre » ou « biodiversité », il est important de souligner que la nature n’est pas une solution miracle. Dans un contexte de changements globaux (prolifération d’espèces à caractère invasif, changement climatique, dérèglement des cycles de l’eau, etc.), il est indispensable de veiller à ce que les actions s’appuyant sur le vivant tiennent compte des avancées de la recherche en la matière. Diversité des essences, choix d’espèces adaptées au changement climatique et aux conditions urbaines, niveau de services environnementaux attendus..., sont indispensables pour assurer la fonctionnalité des espaces recréés dans le temps. 

Au moins trois dimensions sont à considérer dans les projets :

  • La biodiversité en tant que telle, avec des espaces les plus fonctionnels possibles d’un point de vue écologique, clé pour la résilience comme pour la préservation du vivant pour lui-même
  • Les services rendus, notamment pour l’adaptation au changement climatique (infiltration et stockage des eaux pluviales, ilots de fraicheur), qui prennent la forme de « Solutions fondées sur la nature » (SFN), également nommées « infrastructures vertes »
  • Les volets social et sociétal, avec le développement de nouvelles expériences de nature, au bénéfice du bien-être, et donc de la santé et du lien social

Ces dimensions sont à conjuguer dans les projets, qui sont un compromis par nature imparfait. 

La sensibilisation puis la montée en compétences de l’ensemble de la filière est indispensable. C’est tout un écosystème d’acteurs des relations entre le vivant et la ville qui est mobilisé : écologues, hydrologues, pédologues, paysagistes-concepteurs, entreprises du paysage, associations de protection de la nature et toute la filière immobilier – investisseurs, foncières, promoteurs, property et facility managers, grands utilisateurs – et, évidemment, les citoyens-usagers. Faire connaître les impacts de cet effondrement sur nos sociétés, faire comprendre que la résolution de la crise climatique est indissociable de celui de cet effondrement, l’ampleur du défi à relever et les leviers pour y parvenir, croiser les approches et les disciplines avec humilité, c’est tout l’objectif de ce dossier. Les éclairages qui y seront apportés au cours des prochaines semaines, quant à la compréhension de la biodiversité urbaine, des services apportés par la présence de nature en ville, des différentes formes qu’elle peut revêtir ainsi que d’exemples de bonnes pratiques mises en place, permettront d’inspirer les professionnels du secteur et d’insuffler de nouvelles initiatives. 

Dépassons l’opposition nature-culture et unissons nos forces, pour définir de nouvelles manières « d’habiter la nature ». Bonne lecture !

Un édito co-signé par :

Delphine Mourot, Responsable de programme, Biodiversité - Biodiversity impulsion group (BIG), Observatoire de l’immobilier durable (OID)

Loïs Moulas, Directeur général de l’Observatoire de l’immobilier durable (OID)

Pierre Darmet, Les Jardins de Gally, Vice-Président du Conseil international biodiversité et immobilier (CIBI), parrain de BIG

 

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