Chronotopie, temps et lieu au service de l'aménagement

Rédigé par

Naïma BRAZI

Chargée de Mission Anima

4862 Dernière modification le 02/06/2023 - 11:41
Chronotopie, temps et lieu au service de l'aménagement

La chronotopie des aménagements peut représenter un véritable levier de dynamique territoriale. En fonction des temporalités, des espaces, du multi-usage ou du potentiel de réversibilité, cette démarche a prouvé, au travers de multiples expériences, sa capacité à œuvrer pour la préservation des ressources, l’optimisation et le ré-enchantement des lieux et bien sûr, à impulser les rencontres et la convivialité.  

Ville & Aménagement Durable (VAD), réseau de professionnels du bâtiment et de l’aménagement durable en Auvergne-Rhône-Alpes, regroupe 420 structures adhérentes où tous les métiers sont représentés, pour ensemble s’informer, se former, débattre et construire de nouveaux standards. 
Notre force, des professionnels au service des professionnels, avec des adhérents moteurs de l’activité grâce à leur expérience au service du réseau. Soit, chaque année, plus de 2 000 professionnels mobilisés.  
En effet, les adhérents s’impliquent dans une dizaine d’actions collectives. Parmi elles, la Communauté Aménagement des Territoires mène des réflexions sur les « nouveaux » modes d’aménagement des territoires, dans une logique de frugalité, de prise en compte du vivant et de réciprocité territoriale. En 2014, elle lance un cycle sur les dynamiques territoriales, qui l’amène en 2019 à approfondir le sujet de la chronotopie dans les aménagements.

Chronotopie, un mot qui interpelle, puis qui fait sens ! 

Un espace chronotopique permet d’accueillir différents usages en fonction des temporalités. L’exemple le plus probant est la place du village qui s’adapte pour accueillir : le marché hebdomadaire, le stationnement, le banquet/la fête du village, les vœux du maire, la déambulation et les temps de jeu et de pause pour certains usagers, etc. 
À travers une série de petits-déjeuners débats dans des lieux inspirants, nous avons pu échanger autour d’initiatives chronotopiques, discuter des conditions de réussite et identifier les points de vigilance. La matière ainsi collectée a contribué à la publication d’un Book d’initiatives qui sera enrichi au fil du temps. 
Et les expériences sont multiples tant sur les temporalités, les typologies d’aménagement, les porteurs et les gouvernances mises en place. Toutes partagent l’ambition de préserver l’environnement, d’être support d’expérimentation et de dynamiques territoriales, d’être les lieux du changement, de la convivialité, de lien social et de bien-être.

 

 

Des expériences inspirantes à découvrir

Parmi les précurseurs, la Ville de Lyon avec les terrasses estivales. Ici la chronotopie est saisonnière et récurrente, et se traduit par la mutation d’emplacements de stationnement automobile en terrasses. Cette occupation temporaire (précaire) de l’espace public est permise de mai à octobre à certains exploitants (bars, restaurants) qui s’engagent à respecter certaines règles, notamment sur l’implantation, l’esthétique, la sécurité et l’usage de ces terrasses. Ainsi, le changement de fonction contribue à l’animation de la ville, offre un vrai coup de pouce aux exploitants et change le regard que nous pouvons porter sur les rues. Ce dispositif est accompagné d’une concertation élargie (exploitants, habitants, usagers) et d’un contrôle rigoureux des installations par les services de la ville. 

Pour la commune de Trévoux, le projet d’intensifier les usages s’est porté sur un groupe scolaire et sa cantine en construction. Dans le cadre de la concertation menée autour de l’aménagement de cet EcoQuartier®, les Trévoltiens ont fait part d’un autre besoin : une salle pour accueillir des habitants, des associations, etc. Ainsi, dès les phases amont, la cantine du groupe scolaire a été envisagée comme un lieu multi-usage. Les aménagements extérieurs et intérieurs ont été réalisés pour permettre le changement d’usage et d’usagers (accès, installation, mobilier, équipement). 

Sur Meys, c’est la rue de l’école qui permet, quotidiennement et au besoin (fête communale par exemple), d’apaiser et de prolonger l’espace piéton. Le choix s’est porté sur un dispositif « léger » (barrière à manœuvre manuelle) et flexible afin d’être testé, adapté et pérennisé en tenant compte des retours d’usages. Dans ce contexte, la chronotopie implique une forte mobilisation des agents communaux pour manœuvrer les barrières plusieurs fois par jour et par semaine. Mais, pour une grande majorité des usagers, cet élargissement de l’espace piéton est plus qu’apprécié. 

Sur une friche industrielle, dans l'attente d’un projet de transformation urbaine, la métropole de Lyon a choisi l’occupation temporaire pour (ré)activer ce lieu. En attendant, et pour 6 ans, les Ateliers Briand s’épanouissent. Le lieu a vocation à soutenir le développement d’activités économiques, artistiques et solidaires en proposant des espaces atypiques, adaptés et à des tarifs attractifs. La gestion et l’animation du site sont confiées à Intermède, tiers-facilitateur professionnel, et la communauté ne cesse de grandir et de se diversifier depuis l’ouverture. 

On assiste également au retour des halles communales. Un peu oubliés, ces lieux de vie pouvant accueillir la majorité des événements portés par la collectivité, les associations et les habitants, reviennent en force dans les commandes publiques et semblent retrouver toute leur place dans le prolongement de la place du village. En y intégrant quelques équipements et aménagements modulables (cimaises, tables, chaises, estrade, protections solaire et vent), ces halles contribuent au vivre-ensemble et donc à l’attractivité d’une commune. 

La chronotopie peut également être envisagée sur le temps long avec la réversibilité. On peut citer l’exemple du parking silo de Ferney-Voltaire, qui prévoit la réversibilité de 3 niveaux en bureaux. L’hypothèse est que dans un certain temps, les besoins en stationnement automobile diminuent fortement (au profit d’autres mobilités), et, plutôt que d’être délaissés, ces espaces trouvent un autre usage grâce au potentiel de réversibilité. La réversibilité d’une infrastructure implique de dimensionner l’ouvrage, ses équipements/installations pour 2 types d’usages…, ce qui n’est pas toujours simple ! 
Parmi les principaux enseignements, on note : 

  • Faire « pour » et donc « avec » l’humain ;  
  • Définir un cadre commun pour limiter les conflits d’usages ;  
  • Utiliser l’agilité, l’adaptation pour pérenniser l’aménagement ;  
  • Intégrer cette réflexion dès la phase de programmation pour donner une impulsion ;
  • Ne pas oublier ceux qui vivent les « délaissés urbains » (sans-abris par exemple) dans cette intensification spatiale et temporelle des m². 

Alors oui, faisons de la chronotopie une solution pour lutter contre l’étalement urbain mais surtout pour préserver nos ressources, profiter des espaces à tout moment, ré-enchanter les lieux et les liens entre vivants.

Un article signé Naïma Brazi, Ville & Aménagement Durable

 


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