À la rentrée, un objectif : décarboner !

Rédigé par

Amandine Martinet - Construction21

Journaliste

2154 Dernière modification le 04/09/2023 - 10:30
À la rentrée, un objectif : décarboner !

Lundi 4 septembre 2023, premier jour de classe pour des millions d’élèves en France. Et si cette année, dans les écoles, collèges et lycées, au parfum de rentrée se mêlait un vent de sobriété ? État des lieux, enjeux et perspectives : zoom sur la nécessaire réhabilitation énergétique et écologique des établissements scolaires sur le territoire français. 
 

Un déficit de performances à combler 

En France, on compte 48 950 écoles, 6 950 collèges et 3 750 lycées [chiffres du ministère de l’Education Nationale datant de 2021] accueillant quelques 13 millions d’élèves chaque année. Ce parc de bâtiments publics conséquent représente autant d’opportunités de décarbonation, car il faut le souligner, nombre de ces structures sont loin de briller en la matière. 

Beaucoup d’écoles sont même répertoriées comme passoires thermiques, ces fameux édifices classés F et G au DPE, trop froids l’hiver et trop chauds l’été, avec autant de dépenses énergétiques et de dommages pour l’environnement. Simple vitrage, éclairage vieillissant et énergivore, mauvaise isolation thermique, ventilation défaillante – voire inexistante… Fin 2022, des images du lycée Voillaume à Aulnay-sous-Bois (93), à la limite de l’insalubrité, avaient fait le tour des médias et indigné l’opinion publique. 

Bâtiments datés d’époques où les préoccupations climatiques étaient anecdotiques – souvent antérieures aux années 1970 –, le besoin de les réhabiliter n’est plus à prouver. Pour donner une indication plus précise, la consommation unitaire des bâtiments scolaires en France est en moyenne de 135 kWh d’énergie finale par mètres carrés et par an. À titre de comparaison, un bâti de classe A au DPE présente une consommation inférieure à 50 kWh/m²/an. 

Peu étonnant donc que ces établissements représentent plus d’un tiers de la consommation énergétique d’une commune, d’après un rapport gouvernemental en date de 2020 [source ADEME]. Il s’agit même du type de structures le plus énergivore que l’on peut y trouver, devant les équipements sportifs et les bâtiments socioculturels. Et pourtant, aujourd’hui, on estime que seuls 10% à 15% du parc de bâtiments éducatifs sont rénovés. Aussi, selon l’Observatoire des bâtiments basse consommation, seuls 14% de ces bâtis répondent aux normes basse consommation, qui seront pourtant requises pour tous les édifices d’ici à 2040. Le travail à mener reste donc colossal. 
 

Des besoins inhérents au confort des jeunes

Ce n’est un secret pour personne, les établissements scolaires ont cela de spécifique qu’ils ciblent un public nécessitant – tout particulièrement – de bonnes conditions d’accueil. D’une part, par son jeune âge, et d’autre part, par l’activité d’apprentissage qu’il y mène. Pensons notamment aux salles d’examens, visées en priorité par le rapport gouvernemental de 2020. Ici, le sujet du confort d’été prime,  au regard des canicules que connait le pays à fréquence soutenue et d’intensité croissante – et les épreuves scolaires se déroulant généralement en période estivale. 

La qualité de l’air intérieur est elle aussi mise sur le devant de la scène lorsqu’il s’agit d’une école, d’un collège ou d’un lycée. Depuis le 1er janvier 2023,  un dispositif de surveillance réglementaire de la QAI est obligatoire pour les établissements d’enseignement (comprenant notamment une évaluation annuelle des moyens d’aération des bâtiments, mais aussi une campagne de mesures des polluants réglementés). Autre enjeu de santé dont il est moins souvent question, mais qui a lui aussi toute son importance : la qualité de l’air extérieur. À l’école de la Victoire, dans le 9e arrondissement de Paris, la société Aérophile a installé un système permettant de dépolluer l’air aspiré de plus de 95% de ses particules fines. Le dispositif est cependant toujours en phase de test : il sera intéressant de faire un bilan de son efficacité réelle ou non à la fin de l’expérimentation, en avril 2024. 

Lire aussi : Santé, confort, économies : la qualité d'air intérieur a le vent en poupe

Plusieurs études ont démontré que les établissements scolaires en eux-mêmes ont un fort impact sur les résultats scolaires des élèves. Une enquête de l’Observatoire de la Qualité de l’Air Intérieur en date de 2018 a ainsi affirmé qu’un « lien existe entre qualité de l’air intérieur et santé, bien-être, absentéisme et apprentissage. » Aussi, un environnement performant en termes de confort thermique et de qualité de l’air est un réel facteur de réussite. Mais attention aussi à ne pas dépenser plus d’énergie qu’il n’en faudrait en essayant de résoudre cette problématique !  
 

Accompagner les collectivités vers la sobriété

Le 9 mai 2023, le gouvernement (en coopération avec la Banque des Territoires) annonce un plan de réhabilitation des établissements scolaires, EduRenov, s’appuyant sur une enveloppe de 2 milliards d’euros et 50 millions d’euros de crédit d’ingénierie d’ici à 2027. Objectif : rénover 10 000 écoles avant cette échéance.  Ce projet colossal s’intègre dans une volonté générale de rénover les bâtiments publics sur le territoire français, le « chantier du siècle » selon Christophe Béchu, ministre de la Transition écologique et de la Cohésion des territoires. Rien que ça ! 

Mais sera-ce suffisant ? 2 milliards d’euros répartis pour 10 000 écoles représentent seulement 200 000 euros par établissement en moyenne, une somme non adaptée à des travaux d’envergure [voir l’exemple de l’école de Giganc-la-Nerthe, en fin d’article]. Le rapport gouvernemental de 2020 sur la rénovation énergétique des bâtiments scolaires affirme que pas moins de 40 milliards d’euros devront être investis avec cette finalité avant 2030 pour atteindre un objectif de -40 % de consommation d’énergie (ce qui correspond aux objectifs du décret tertiaire). Même son de cloche chez Dominique Faure, ministre déléguée chargée des collectivités territoriales et de la ruralité, qui estime à 52 milliards d’euros sur dix ans le besoin en financement pour la rénovation énergétique des écoles, collèges et lycées. 

Plus que sur une massification des financements, l’Etat mise sur l’accompagnement – particulièrement pour les petites et moyennes villes, généralement moins au fait des défis de décarbonation et armées pour les relever –, au travers de plusieurs programmes déjà existants. Prenons pour exemple ACTEE+, (Action des Collectivités Territoriales pour l’Efficacité Energétique) qui offre aux collectivités nécessiteuses des outils et conseils pour mener à bien leur projet de rénovation énergétique. Le concours CUBE.S, issu du même programme, met chaque année en compétition les collectivités en récompensant celles qui auront fourni le plus d’efforts pour décarboner leurs établissements scolaires… sans y mener de travaux. Ce sont donc les actions de sobriété énergétique qui sont ici prises en compte, et le concours nourrit de belles ambitions en ce sens : environ 400 établissements scolaires sont attendus dans le programme ACTEE+. 
 

Deux mots d’ordre : s’informer et anticiper !

Mathias Quarteron, chef de projet « Bâti scolaire » au sein d’ACTEE, identifie un levier à mobiliser en priorité pour aller vers la décarbonation des écoles : « bien connaître son patrimoine », ce qui permet par la même occasion de « connaître les coûts de l’inaction », c’est-à-dire « estimer les coûts d’une rénovation par rapport aux dépenses énergétiques annuelles d’un bâtiment, et quelles économies il est possible de réaliser en engageant des travaux et/ou actions de sobriété ». C’est notamment là qu’intervient ACTEE auprès des collectivités, en jouant un rôle de conseil et en menant des études précises en amont des différents projets. Ce rôle d’accompagnement se fait par ailleurs désormais à moindre frais, comme l’indique Tristan Saramon, œuvrant lui aussi dans le programme ACTEE : « 80% de cette phase conseil en amont est désormais financé pour le patrimoine scolaire, il n’y a donc presque plus de reste à charge pour les communes ». 

Une formation accrue des élus locaux à ces différents enjeux est également possible via les Certificats d’Economies d’Energie – initiative encouragée également par un récent rapport sénatorial en date du 28 juin 2023. Par extension, l’éducation des élèves aux sujets ayant attrait à la transition écologique est elle aussi encouragée. 

De nouvelles pistes sont soulevées dans ledit document. Parmi elles, le fait de réduire le reste à charge plafonné des collectivités engageant de lourds travaux de rénovation énergétique dans leurs écoles, de 20% à 10%. Autre idée contenue dans le rapport, la création d’un guichet offrant aux maires des interlocuteurs privilégiés pour les accompagner dans leur projet de réhabilitation. Cependant, ces différentes propositions ne devraient pas être traduites dans une proposition de loi avant 2024. 

Et puis, quid du développement des énergies renouvelables dans les établissements scolaires ? À ce jour, le mode de chauffage de ce type de bâtiments font la part belle au gaz, pour une infime part d’EnR (moins de 1% des établissements). Là encore, un travail de sensibilisation et des financements dédiés devront être alloués aux collectivités pour que la transition s’opère. 

Un autre chantier de taille réside dans la désimperméabilisation des cours d’école. Des espaces de vie pour les élèves qui se résument encore aujourd’hui trop souvent à des blocs de bitume exempts de biodiversité. Objectif ? Redonner une place à la nature pour créer des îlots de fraîcheur nécessaires à une bonne adaptation au changement climatique.

Concrètement, les actions d’aménagement menées dans les espaces extérieurs des établissements scolaires sont multiples : plantation d’arbres, pelouses et autres végétaux, création de jardins potagers qui peuvent être participatifs, instauration de zones ombragées via des pergolas, voilages, mais aussi récupération des eaux pluviales et autres systèmes de stockage et gestion de l’eau. 

Différents leviers qui, en plus d’être bénéfiques pour l’environnement et pour le confort thermique, participent plus généralement au bien-être des enfants en améliorant leur expérience du cadre scolaire. 
 

L’exemple de Gignac-la-Nerthe 

Près de Marseille, l’école élémentaire Marie Mauron illustre bien toutes les possibilités de réhabilitation du bâti grâce à un accompagnement efficace. Soutenue par le programme ACTEE, l’école a réduit de 40% sa consommation énergétique – en phase avec le décret tertiaire – et de 52% ses émissions de CO2, à la suite de toute une série de travaux (isolation par l’intérieur, combles, menuiseries, brises soleil, photovoltaïque, ventilation simple flux, cour végétalisée…) Ici, la volonté a été de « garder l’essence de ce bâtiment emblématique de cette commune de 10 000 habitants, qui a connu quatre générations de gignacais » (Mathias Quarteron). Ce grand projet a été lancé au début de l’été et est livré en cette rentrée 2023 : un temps record de trois mois, moyennant un budget de 2,2 millions d’euros au total.  

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