Véhicules électriques et copropriétés : une nouvelle cohabitation à préparer avec soin

Rédigé par

John Honoré

Directeur Général

19443 Dernière modification le 01/02/2013 - 09:11

Le marché du véhicule électrique croît avec un doublement du nombre de véhicules vendus en dépit d’une économie atone. Ce mouvement devrait se poursuivre. Désormais se pose la question très « pratico-pratique » du rechargement de leurs batteries, que ce soit pendant un déplacement ou chez soi, et notamment dans les copropriétés.

Cet article, proposé par John Honoré (co-fondateur de la sociétéBorne Recharge Service), vous apporte des éléments de réponse. Article publié sur www.breezcar.com

La recharge des voitures électriques dans les copropriétés immobilières peut poser problème car les installations électriques sont souvent absentes des parkings, ou, quand elles existent, elles sont peu adaptées à cet usage. En outre, les décisions étant la plupart du temps collectives, l’installation d’équipements spécifiques requiert la collaboration du syndicat des copropriétaires et du syndic. Se pose aussi la question du coût de l’installation de ces équipements, ainsi que celui du suivi des consommations électriques.

Les véhicules électriques entrent dans notre quotidien, mais qu’en est-il de leur rechargement ?

Lors du Mondial de l’Automobile 2012 qui a eu lieu porte de Versailles à Paris, un nombre croissant de véhicules électriques ont été exposés : Renault ZoéRenault TwizyMia Electric, Exagon Furtive-eGT, Lumeneo, Peugeot iOnCitroën C-Zéro, Bolloré Blue Car, Nissan LEAFsmart fortwo Electric Drive, Mercedes Classe B Electric Drive Concept, Venturi America, ... De nombreux véhicules dits hybrides rechargeables Opel Ampera, Chevrolet Volt et Toyota Prius Pug-in Hybrid font également leur apparition. La phase « concept-car » est donc terminée et la commercialisation des véhicules électriques démarre franchement.

Qu’ont donc tous ces véhicules en commun ? Ils se rechargent sur une prise électrique 220V. Il est donc nécessaire pour permettre à ces véhicules de rouler de trouver des bornes de rechargement. Celles-ci devraient fleurir le long de nos routes et autoroutes, ainsi que dans nos villes, dans les années à venir. En attendant il est déjà possible de recharger une voiture ou un scooter électrique en le branchant dans un garage attenant à une maison individuelle. Mais qu’en est-il dans les copropriétés immobilières dites « verticales », c’est-à-dire constituées de bâtiments contenant de nombreux logements ?

Aujourd’hui 44% de l’habitat français est composé d’immeubles collectifs fonctionnant sous le régime de la copropriété. L’habitat collectif n’est pas uniforme : certains immeubles (haussmanniens notamment) n’ont pas de places de parkings, certains sont seulement équipés d’une porte électrique de garage souterrain, et la vaste majorité ne dispose que d’une alimentation simple des communs. Alors comment recharger un véhicule électrique dans ces conditions ?

Tous les constructeurs automobiles vous diront : « il suffit de brancher votre véhicule électrique la nuit et vous pouvez rouler entre 100 et 200 km le jour ». Cela paraît alléchant de prime abord, surtout quand on pense que le plein de « carburant » d’un véhicule électrique coûterait environ 1,5 €. Mais comment procéder dans nos copropriétés ?


L’installation dans la copropriété des équipements électriques nécessaires à la recharge des véhicules électriques

Pour recharger votre voiture électrique, votre scooter électrique, ou même une voiture hybride-rechargeable, il n’est bien sûr pas question de le brancher sur une des prises électriques utilisées pour les parties communes (prises couramment utilisées pour l’entretien et le ménage). En effet, l’électricité consommée au niveau des parties communes est répartie aux tantièmes des copropriétaires. Vous imaginez-vous régler la facture électrique de la recharge du véhicule de votre voisin ? Certainement non. Il est donc nécessaire que chaque copropriétaire ou locataire puisse recharger sa voiture électrique au moyen d’une prise électrique qui lui sera dédiée, ou du moins en utilisant une borne permettant dedifférencier les consommations électriques de chaque utilisateur.

A noter : certaines places de stationnement ou garages dans les copropriétés peuvent être équipées de prises électriques - lorsque les copropriétaires en ont fait la demande express - et de lignes électriques destinées à l’éclairage. Il peut être tentant dans ce cas de brancher son véhicule électrique sur ces prises, sachant qu’elles sont d’abord destinées à l’utilisation d’éclairages d’appoint et d’équipements simples (aspirateur, outil de bricolage, détecteur de présence, alimentation d’une porte automatique individuelle).

Attention cependant : votre ligne électrique peut ne pas supporter la recharge d’un véhicule électrique, ou du moins imposer de limiter l’efficacité de la charge du véhicule, ce qui se traduit alors par une durée allongée de charge (jusqu’à 12h au lieu de 5h). Par ailleurs, si vous ne prenez pas de précautions (i.e. utilisation d’un limiteur de puissance électrique) vous pouvez même provoquer un incendie.

Il s’avérera donc utile - et la plupart du temps indispensable - de procéder à l’installation d’équipements conçus spécifiquement pour la recharge des véhicules électriques (borne de recharge et ligne électrique dédiée) sur votre emplacement de stationnement.

A cette fin, contactez au préalable le syndic et parlez-en également au conseil syndical ainsi qu’aux autres copropriétaires, car ils ont leur mot à dire en copropriété. Vous devrez ensuite faire appel à un professionnel qui vous conseillera et installera les équipements avec soin.

Dans tous les cas, sachez que vous avez le droit de vous équiper pour recharger une voiture électrique dans votre copropriété.

Le droit des copropriétaires à installer des bornes de recharge pour leurs véhicules électriques

Une loi a été votée en 2011 pour permettre aux copropriétaires de procéder à l’installation des équipements nécessaires à la recharge de leur véhicule électrique (loi dite « du droit à la prise » en date du 12 Juillet 2011 :

« Art. L. 111-6-4.− Le propriétaire d’un immeuble doté de places de stationnement d’accès sécurisé à usage privatif ou, en cas de copropriété, le syndicat représenté par le syndic ne peut s’opposer sans motif sérieux et légitime à l’équipement des places de stationnement d’installations dédiées à la recharge électrique pour véhicule électrique ou hybride rechargeable et permettant un comptage individuel, à la demande d’un locataire ou occupant de bonne foi et aux frais de ce dernier. Constitue notamment un motif sérieux et légitime au sens du premier alinéa la préexistence de telles installations ou la décision prise par le propriétaire de réaliser de telles installations en vue d’assurer dans un délai raisonnable l’équipement nécessaire.

Cette loi prévoit aussi les conditions de l’installation des équipements électriques dans la copropriété :

« Art. L. 111-6-5.− Les conditions d’installation, de gestion et d’entretien des équipements de recharge électrique pour les véhicules électriques et hybrides rechargeables à l’intérieur d’un immeuble collectif et desservant un ou plusieurs utilisateurs finaux font l’objet d’une convention entre le prestataire et le propriétaire ou, en cas de copropriété, le syndicat représenté par le syndic ».

Application pratique : faire installer les équipements requis, en tenant compte des contraintes techniques, et en accord avec le Syndicat

Une question se pose maintenant : comment fait-on pour allier obligation réglementaire, réponse aux demandes des copropriétaires, et contraintes techniques ?

Concernant les obligations réglementaires, la loi existe bien, mais l’assemblée générale des copropriétaires est souveraine et seule peut donner accord pour la pose d’une borne de recharge dans les immeubles. Encore faut-il rassurer les copropriétaires sur le fait qu’aucune facture impayée ne sera à leur charge. Nous comprenons bien qu’aucun d’entre nous ne souhaite payer le plein d’électricité de la voiture de son voisin, même si le coût annuel de la recharge d’un véhicule ne devrait pas dépasser les 240€ à 300€. Le copropriétaire qui souhaite s’équiper suite à l’achat de son véhicule électrique doit donc proposer à l’assemblée un système qui garantisse une juste répartition de sa consommation électrique.

Côté installation des équipements, les contraintes techniques ne doivent pas être ignorées. Tout d’abord certains immeubles dont les circuits électriques sont trop vétustes ne pourront pas être équipés. Une vaste majorité des immeubles restant supporteront sans difficulté la recharge de deux/trois véhicules, voire plus. Tout dépend de la puissance du compteur électrique installé.

L’installation est la partie la plus compliquée : l’installateur doit relier le TGBT (ou local électrique de l’immeuble) à la place de parking du copropriétaire demandeur. Le coût de cette installation dépendra de la distance à parcourir et de la « bonté de votre électricien ». Pour une distance de l’ordre de 24 mètres il faut tabler sur un prix de l’ordre de 2000 euros TTC (matériel et pose), mais à 100 mètres la facture peut dépasser les 6000€ TTC. Ce n’est pas tant l’heure de main-d’œuvre qui renchérit le coût mais le matériel nécessaire à une bonne installation. En effet, si à 12 mètres un simple fil de rallonge suffit, à 100 mètres la section (épaisseur du câble) nécessaire est à minima du 10², ce qui représente une importante section de câble. Dans ce cas le coût au mètre grimpe vertigineusement.

Attention : certains intervenants pensent qu’une installation électrique de recharge de véhicule électrique peut se faire à partir du compteur individuel de l’appartement et non pas, comme la loi l’indique, à partir du TGBT d’alimentation des communs. Une telle installation se heurte à deux éléments : d’une part une rupture de l’étanchéité électrique des parties communes par rapport à la partie habitation de l’immeuble. En effet, ces deux parties de l’immeuble sont bien distinctes et doivent le rester notamment pour tout ce qui touche à sécurité incendie des parties communes. D’autre part, le projet de loi sur la tarification progressive de l’énergie (dont les premiers textes ont été publiés sur le site de l’assemblée nationale) pourrait porter un fort préjudice à celles et ceux qui se seraient connectés sur le compteur de leur appartement. En effet, ce texte de loi ne tient pas compte de la recharge d’un véhicule électrique et se base sur des critères de consommation électrique tels que le nombre de personnes, le type de chauffage, le type d’eau chaude. Au-delà d’un certain volume (appelé volume de base), le consommateur énergétique aurait à régler un malus sur le prix de l’électricité. Un véhicule électrique entraînerait fort certainement une hausse massive de la facture électrique par rapport au volume de base et un prix par kilomètre qui pourrait être inintéressant par rapport à celui d’un véhicule thermique.

Il faudra également vous assurer que l’installateur dispose bien des qualifications d’électricien, et qu’il vous remettra bien une convention d’intervention pour effectuer la pose. Concernant la convention d’installation, un comité d’experts est chargé de la rédiger mais celle-ci n’est pas disponible à ce stade. Assurez-vous a minima que votre installateur s’engage sur la durée des travaux et sur une juste adéquation des travaux effectués vis-à-vis de la nature des emplacements de stationnement.

Coût de l’installation des équipements requis pour la recharge du véhicule électrique

Combien coûte une installation ? Tout d’abord il faut compter le coût d’installation d’une ligne électrique adaptée (cf. paragraphe précédent). Ensuite il vous faudra choisir une borne de recharge pour votre véhicule.

Nombreuses sont les bornes de recharge ou les wallbox coûtant de 500 euros à 800 euros. Toutefois, tous les produits ne permettent pas toujours le comptage individuel ou une sécurisation de l’environnement (verrouillage du volet pour en limiter l’accès). Il faut pourtant pouvoir garantir un minimum de sécurisation de la borne car si vous ne souhaitez pas régler la note d’électricité de la recharge du véhicule électrique de votre voisin, lui ne souhaite pas non plus que vous vous branchiez sur sa borne de recharge.

De plus il faut s’assurer que la borne de recharge restera une borne de recharge, c’est à dire que le copropriétaire ne va pas transformer sa place de parking en usine à métaux (la borne de recharge pour véhicule électrique doit exclusivement servir à cela).

Est-il possible de mettre une borne en libre-service dans les parkings pour simplifier cette problématique ? Nous n'apportons pas de réponse à cette question, mais nous nous imaginons toujours cette situation : une borne, deux véhicules. Premier arrivé, premier servi ? Dans un cadre collectif avec un matériel en libre-service, il faudrait autant d'équipements que de copropriétaires. Autant dire que ceux qui ne voudront pas franchir le cap de l'électrique seront fortement contre toute dépense en ce sens. Nous pensons donc que le seul système valable repose sur un système individualisé et sécurisé.

Finalement, vous avez votre autorisation, un électricien pas trop onéreux et un matériel abordable. Il ne vous reste plus qu’à aborder la question de la délicate relation avec votre syndic et celle de la gestion du remboursement de la consommation électrique. Vous pouvez descendre relever vous-même le compteur de votre borne tous les trimestres et rembourser la consommation électrique. Rappelons que vous allez consommer l’électricité des parties communes et que vous devrez rembourser au Syndic cette électricité consommée. Des questions vont vous être posées sur la justesse de votre remboursement, sur le montant remboursé, ...

Bien évidemment, votre syndic refusera de venir faire la relève de votre compteur. En effet, dans le meilleur des cas il pourrait éventuellement accepter de relever un compteur, mais quand il aura 50 bornes de recharge à relever dans autant d’immeubles, pensez-vous vraiment qu’il consacrera plusieurs jours à faire de la relève de compteurs ? Bien évidemment non. Ce n'est pas de la mauvaise volonté, c'est une question de temps.

Il vous faudra donc trouver une société tierce qui s’occupera de la gestion des compteurs et desconsommations, et qui fera le lien entre vous et le syndic. Au passage, ce prestataire peut également assurer le SAV sur les équipements installés. Peu de sociétés offrent ce service à ce jour …

S’équiper pour l’avenir

Le véhicule électrique est peut-être notre futur, il permet certainement une économie sur l’usage d’un véhicule (de l’ordre de 1500 euros par an) mais nécessite un investissement préliminaire, à savoir équiper correctement son emplacement de stationnement.

Il convient de bien réfléchir au type de matériel que vous allez installer car vous serez liés pour plusieurs années à celui-ci. Il doit donc être fiable et évolutif. Des solutions existent et d’autres émergent. Nous pensons qu’il convient de préférer une solution intégrée - un service de recharge allant du matériel à la gestion - plutôt qu’un assemblement de fournisseurs de matériel, d’installateurs, et de gestionnaires.

Renseignez-vous, la détention moyenne d'un véhicule en France est de l'ordre de 5 ans ; un véhicule électrique équivalent permet une économie sur la même période allant jusqu’à 7 500 euros.

Article écrit par John Honoré, co-fondateur de Borne Recharge Service (www.bornerecharge.fr et www.bornerecharge.fr/flipbook). 

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