[Urgence Climatique] 3 questions à Dominique Riquier-Sauvage, Architecte, urbaniste et membre du CESE

 

Suite de notre série d’interviews consacrée à l’urgence climatique. Découvrez les états des lieux dressés par des acteurs engagés et institutionnels, ainsi que leurs préconisations pour atténuer les effets du changement climatique, s’adapter à ses conséquences et tirer parti des opportunités engendrées par ces évolutions.

Aujourd’hui, nous vous proposons l’interview de Dominique Riquier-Sauvage, architecte, urbaniste et membre du Conseil économique, social et environnemental (CESE), qui dresse un état des lieux des secteurs du bâtiment et de l’aménagement confrontés à l’urgence climatique, présente les conclusions d’un avis du CESE portant sur les métropoles et donc sur les actions à mener au niveau des territoires et évoque enfin les solutions architecturales à mettre en œuvre.

 

1. Quel est votre constat de la situation actuelle vis-à-vis du  changement climatique dans le secteur de la construction, de l’immobilier ou plus généralement du cadre de vie ?

 

Le CESE l’a déjà répété à maintes reprises à travers ses avis : il est temps d’agir car les études scientifiques sont unanimes face à l’urgence climatique. Un récent communiqué de l’ONU vient de confirmer que « nous nous acheminons vers une augmentation catastrophique de la température de 3 à 5 degrés au cours du XXIème siècle »[1]. Pour participer aux efforts visant à contenir l’augmentation de la température moyenne mondiale en-dessous de 2°C et pour atteindre la neutralité carbone en 2050, la France s’est donné un cap ambitieux en application de l’Accord de Paris conclu en 2015. Au vu de l’ampleur des nouveaux modes de consommation et de développement à initier, le risque de non-respect des objectifs fixés est majeur. Nous devons donc penser, parallèlement, aux actions à engager visant l’atténuation du changement climatique et à celles visant l’adaptation de notre cadre de vie aux effets induits par ces changements climatiques inévitables (périodes de canicules récurrentes, inondations régulières, orages violents...). La clé de la réussite est l’acceptabilité des mesures, tout en gardant en tête la soutenabilité et la nécessité de construire des logements à des prix abordables. Des avancées importantes ont été faites au niveau des approches bioclimatiques, des matériaux, de l’énergie en ce qui concerne les constructions neuves mais aussi l’existant, la rénovation du patrimoine bâti restant par ailleurs un champ immense à traiter. Nous devons d’autre part, en matière d’aménagement, prendre des mesures visant notamment à limiter l’artificialisation des sols pour préserver notre biodiversité, qui joue un rôle de régulateur au niveau du climat et du stockage du carbone.

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[1] Antonio Guterres, Secrétaire Général de l’ONU, le 14 janvier 2021

 

2. En 2019, vous avez corédigé un avis du CESE portant sur les métropoles. Quelles sont les actions à mener au niveau des territoires afin de favoriser l’aménagement durable et de réduire les risques liés au changement climatique, du bâtiment au quartier ?

 

Une des préconisations fortes de notre avis porte sur le besoin de créer les conditions d’une meilleure coopération entre les métropoles et leurs territoires en proximité d’interaction (villes moyennes et/ou espaces ruraux) par la conclusion de contrats de réciprocité, en inscrivant cet impératif dans la loi.
Le dynamisme d’une métropole dépend en effet largement de celui des intercommunalités ou communes limitrophes et environnantes, ne serait-ce que parce que la zone géographique où réside une partie des personnes travaillant au sein de la métropole s’étensd souvent au-delà de ses limites administratives.
Les métropoles ont par ailleurs besoin des entreprises sous-traitantes, des productions agricoles et des aménités, y compris environnementales, offertes par les territoires proches.
A titre d’exemple, on peut citer la métropole de Lille qui a abandonné l’idée d’urbaniser de nouveaux secteurs sur des communes situées au sud de l’agglomération, en raison d’une importante vulnérabilité du territoire quant à la ressource en eau. Ainsi, 20 communes ont été identifiées « gardiennes de l’eau » afin de les sanctuariser en quelque sorte, ce qui les pénalise sur le plan de leur développement. Par conséquent, la métropole lilloise réfléchit à un nouveau modèle de développement à inventer pour ces communes dans une logique de compensation.

 

3. Les solutions architecturales d’aujourd’hui peuvent-elles répondre dès à présent à l’ensemble des défis liés à l’urgence climatique dans les bâtiments non résidentiels, qu’ils soient neufs ou en rénovation ?

 

Les solutions techniques existent notamment en matière thermique. Mais il est surtout important de bien réfléchir en amont et de mettre l’intelligence collective des professionnels de la conception au profit du projet au bon moment.
La réalisation d’un projet doit répondre à des objectifs et à des contraintes de tous ordres : techniques, fonctionnelles, économiques, technologiques, culturelles, sociales, urbanistiques, esthétiques et bien sûr environnementales. En outre, tout projet s’inscrit dans un cadre règlementaire et normatif varié et complexe. Le rôle de l’architecte est de satisfaire au mieux ces objectifs en s’adjoignant les compétences de Bureaux d’Études Techniques en fonction de la nature des projets à réaliser.
Les modes constructifs et les matériaux existent ; il faut laisser la liberté aux concepteurs du choix du bon matériau, au bon endroit, avec les meilleures performances environnementales conférées à l’échelle du bâtiment sur son cycle de vie.

 

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