La construction modulaire a désormais sa certification : QB Modulaire

Le potentiel du hors-site est connu. De 10% aujourd’hui, la part des travaux réalisés en usine plutôt que sur chantiers pourrait passer à 85% (*) demain.  Alors, quoi de plus normal que d’offrir une véritable certification à ce nouveau mode constructif prometteur ? Valérie Gourvès, directrice opérationnelle Sécurité, Structures et Feu au CSTB, et Anca Cronopol, responsable de la division « Structure, maçonnerie et partition » au sein de cette direction, ont contribué à la naissance, en octobre 2022, de la toute première certification dédiée à la construction modulaire, QB Modulaires, créée par le CSTB. Entretien.  


C21 : Pourquoi la création d’une certification pour la construction modulaire était-elle nécessaire ?  
 

Valérie Gourvès : Il y a quelques temps, le responsable de l’Association des Constructions Industrialisées et Modulaires (ACIM), a rencontré Etienne Crépon, le président du CSTB, pour lui exprimer le besoin d’un signe de reconnaissance du secteur de la construction modulaire.  Le CSTB, organisme certificateur, s’est alors emparé du sujet.
 
Anca Cronopol : Cela a été le point de départ de la création d’une certification pour la construction modulaire. Mais nous avons également ressenti un besoin bien plus généralisé vis-à-vis de ce mode constructif, et ce de la part de plusieurs acteurs : les maîtres d’ouvrage, les maîtres d’œuvre, les bureaux de contrôles, les assureurs… Toutes les professions ont été confrontées à cette nouveauté qui ne s’inscrit pas du tout dans le déroulé traditionnel d’une opération de construction, tant du point de vue contractuel qu’administratif et technique.  

Plusieurs années se sont écoulées entre l’idée de départ et la mise en œuvre de la certification : le travail sur QB Modulaires a commencé en 2019, puis a été fortement ralenti en 2020 par la crise sanitaire. Ce long délai est également lié aux particularités de la construction modulaire et à la nécessité de répondre à l’ensemble des besoins des différents acteurs. Aujourd’hui, la certification QB Modulaires leur apporte des éléments solides pour garantir la performance et la fiabilité des constructions modulaires. Grâce à elle, ils peuvent en apprécier les qualités, mais sont aussi en mesure d’évaluer les risques et aléas éventuels dans l’optique de développer des projets durables, sécuritaires et confortables et, ainsi, répondre aux exigences des futurs occupants.   


Quels atouts sont associés à ce mode constructif ?  


AC : La construction modulaire présente des avantages certains et ce sur plusieurs volets, à commencer par l’aspect technique. C’est un mode constructif qui intègre un niveau d’industrialisation beaucoup plus important que dans les constructions sur chantier. Et dans un processus industrialisé, la quantité de matière utilisée est beaucoup mieux maîtrisée. Il est plus facile de choisir le bon matériau au bon endroit, mais aussi d’intégrer des matériaux tels que les biosourcés.   
 
Du point de vue environnemental, le bilan carbone est plus intéressant avec ce mode constructif. Plusieurs études ont été réalisées à ce sujet. L’élément qui revient le plus souvent est celui du transport. La construction modulaire en usine permet notamment d’éviter les nombreux trajets routiers habituellement effectués, souvent non optimisés, pour déplacer le matériel du chantier sur site.  
 
Il existe également un aspect social et sociétal. Le monde du bâtiment souffre d’une pénurie de main d’œuvre qualifiée. La construction modulaire est attractive car elle représente moins de contraintes. Elle ne nécessite pas de quitter son foyer pendant des mois pour se rendre sur site, dans un environnement peu avenant, exposé aux intempéries… Transposer les activités en usine, dans un environnement plus qualitatif et stable, représente un attrait certain pour le personnel. Plusieurs industriels affirment qu’ils n’ont aucun mal à recruter sur des chantiers de construction modulaire. Au contraire, ils sont sollicités très régulièrement par des personnes venant proposer spontanément leur candidature. Ce mode constructif peut donc permettre de repeupler des régions aujourd’hui désertées.  
 
Enfin, je pense au volet économique. Des études ont démontré que l’efficience en usine était largement supérieure à celle que l’on peut constater sur chantier, puisque l’on se trouve dans un environnement organisé : moins de déplacements, des approvisionnements facilités, des risques et aléas techniques maîtrisés… Par ailleurs, le niveau de contrôle est bien supérieur à celui réalisé sur chantier.   
 
En contrepartie, la construction modulaire pose des questions qui n’existaient pas dans le secteur traditionnellement : les assurances, les risques sériels, une démultiplication des points singuliers… C’est notamment pour gérer ces nouveaux sujets que la certification QB Modulaires a été pensée.  


La construction modulaire est-elle une pratique suffisamment diffusée en France ? 


AC : Ce mode constructif n’est pas énormément développé aujourd’hui, pas assez en tout cas aux yeux de tous : les aménageurs, les maîtres d’ouvrage… La construction modulaire souffre d’un défaut d’image. Quand on parle de modulaire, on pense immédiatement « préfabriqué », qui a plutôt mauvaise réputation en termes de qualité. Le grand public n’a pas conscience des avancées technologiques et des améliorations qui ont été apportées par les industriels. Aujourd’hui, les bâtiments construits avec des modules présentent des performances comparables et/ou supérieures à ceux des ouvrages construits de façon traditionnelle.  

Chaque bâtiment est unique, et il est tout à fait possible de construire un bâtiment unique en utilisant des éléments standards.  

 
VG : Le modulaire avait également mauvaise presse auprès de certains architectes qui pensaient que tous les bâtiments allaient devenir standards et que la conception et l’innovation allaient être bridées. Lors des Trophées de la Construction, un architecte a justement prouvé qu’au contraire, en utilisant des modules, on pouvait produire un projet à moindre coût, et sans aucun impact visuel sur le rendu final. Cela doit donc être intégré par le grand public, mais aussi par les acteurs qui sont au cœur de la construction.  
 
AC : Chaque bâtiment est unique, et il est tout à fait possible de construire un bâtiment unique en utilisant des éléments standards.  


Pouvez-vous nous en dire davantage sur le mode d’obtention de cette certification ? Quels seront les critères considérés en priorité, les écueils dans lesquels ne pas tomber ?   


AC : Il s’agit d’une certification mixte produit-service, ce qui correspond parfaitement à ce mode constructif. En effet, ce dernier, pour être efficace, est utilisé à la suite d’une décision prise très en amont des projets de construction, dès la phase de conception de l’ouvrage. Il ne fonctionne qu’en ayant une vision globale de la construction : de la fabrication des modules à proprement parlé à la mise en œuvre de leur assemblage sur site. La certification QB Modulaires couvre donc à la fois la performance des produits qui sont fabriqués, mais aussi le niveau de compétences et la qualité des services apportés, que ce soit en phase de conception ou en phase d’exécution.  

 

La certification couvre aussi le reconditionnement. Ce sont en effet des ouvrages qui sont assemblés à sec sur chantier, facilement démontables et évolutifs dans le temps : extensions, surélévations… QB Modulaires évalue aussi les opérations de reconditionnement des modules en vue de leur utilisation de seconde vie.  
 
Comme pour toutes les certifications du CSTB, le critère numéro un est la qualité de performance attendue et d’usage. Il ne s’agit pas de dire simplement « nous savons le faire », il faut aussi définir des performances et identifier ainsi les usages possibles des modules.  
 
VG : Les produits candidats à la certification doivent répondre aux exigences d’un référentiel. Pour s’en assurer, des audits sont réalisés auprès des entreprises.  

 
Qui pourra prétendre à la certification QB Modulaires ?   


AC : La première version du référentiel a été écrite pour les modules 3D à structure acier. La réflexion concernant l’élargissement aux autres types de modules 3D (structure bois, béton, constructions mixtes) est en cours. Il s’agit en fait d’un référentiel évolutif à l’image de la construction modulaire. Le panel de typologie d’ouvrages concernés est donc très large et il se fera, à terme, à la demande. Le prérequis dans la première version est d’être fabricant.  

 
D’autres nouvelles certifications sont-elles prévues dans le cadre de Qualité pour le Bâtiment (QB) ?   


VG : En tant qu’organisme certificateur, nous imaginons toujours de nouveaux produits avec différents acteurs pour accompagner les évolutions du marché. Jusqu’à maintenant, le CSTB était très identifié sur des certifications produits, mais nous allons de plus en plus vers des certifications mixtes. Dans notre feuille de route, nous souhaitons également avoir une organisation moins verticale et plus transverse pour répondre plus globalement aux besoins de nos clients 
 
À ce titre, nous avons quatre grands domaines d’action stratégiques en recherche : “Bâtiments et quartiers pour bien vivre ensemble”, “Bâtiments et villes face au changement climatique”, “Rénovation, fiabilisation de l’acte de construire, innovation” et “Economie circulaire et ressources pour le bâtiment”.  Nous avons également une filiale spécifique nommée CERTIVEA, qui travaille à développer des certifications pour les bâtiments tertiaires (non résidentiels) et à introduire de nouveaux critères dans celles qui existent déjà.  Cette filiale travaille notamment au développement de problématiques en lien avec la taxonomie verte. En effet, les certifications doivent accompagner nos clients à anticiper les grands changements à venir dans le secteur.  
 
(*) https://www.ecologie.gouv.fr/sites/default/files/Rapport%20construction%20hors-site_VF_Janvier%202021.pdf 
 
 

Propos recueillis par Amandine Martinet pour Construction21

 labels et certifications construction modulaire qualification bâtiment professionnels