[Dossier Biosourcés #23] Le projet EmiBio : la deuxième campagne de mesures in situ a été réalisée

 Le projet EmiBio – pour Emissions des matériaux Biosourcés – se propose de démontrer que l’impact sur la qualité de l’air intérieur de la laine de bois et de la ouate de cellulose mises en oeuvre en tant qu’isolant est sans conséquence. En effet, le marché des matériaux de construction biosourcés, et notamment des isolants biosourcés, prend une place grandissante depuis quelques années. Avec l’arrivée de la réglementation environnementale 2020, dite RE2020, cette tendance devrait se confirmer, et même s’accélérer. Pour mener à bien la démonstration, des tests sont réalisés sur 2 sites réels, en été et en hiver. La deuxième campagne de mesures (l’hivernale après l’estivale) vient d’être terminée sur le premier site test.

L’air intérieur de nos bâtiments contient des polluants

 L’air intérieur des bâtiments, quels qu’ils soient, contient des polluants en concentration plus ou moins importante issus de nombreuses sources variées. Par exemple, les matériaux utilisés, le mobilier, nos activités dans celui-ci et même les activités anthropiques extérieures viennent ajouter des polluants dans l’air intérieur. Couplées à une mauvaise ventilation / aération, ces sources amènent à des concentrations en polluants pouvant être importantes dans l’air intérieur. Le projet EmiBio se concentre sur les éventuelles émissions spécifiques des matériaux biosourcés.

Illustration 1: Prélèvements dans l'air intérieur à l’aide d’un chromatographe portable - campagne hiver 2020 - site n°1

Quatre partenaires ont répondu à un appel à projet de l’Ademe

Pour cela, lors de l’appel à projet lancé par l’Agence De l’Environnement et de la Maîtrise de l’Energie (Ademe), le Cerema s’est entouré de l’Institut Mines-Télécom de Lille-Douai, de l’Institut Mines-Télécom Atlantique, de l’Université de Picardie et de l’Université d’Artois, afin de réaliser le projet EmiBio. Commencé en octobre 2018, ce projet durera 3 ans et demi et se terminera donc au printemps 2022.

Objectif du projet EmiBio et polluants recherchés

L’objectif du projet EmiBio est d’évaluer les émissions de Composés Organiques Volatils (COV) de certains matériaux biosourcés, qu’il s’agisse de COV issus des additifs contenus dans les matériaux biosourcés, de réactions chimiques secondaires mais surtout ceux liées au développement des micro-organismes (COVm). En effet, les moisissures peuvent plus facilement se développer sur les matériaux naturels carbonés dans certaines conditions de chaleur et d’humidité. Ces moisissures émettent elles-mêmes des polluants spécifiques qui pourraient éventuellement se retrouver dans l’air intérieur. C’est ce que le projet EmiBio cherche à vérifier.

A noter : les Composés Organiques Volatils (COV) regroupent une multitude de substances chimiques pouvant être d'origine naturelle ou humaine. Au sein des habitats, des lieux de travail et des lieux publics, des concentrations non négligeables peuvent exister en raison de l’emploi de certaines peintures, des produits d’entretien, des matériaux utilisés pour la construction des bâtiments et du mobilier, et entraîner une dégradation de la qualité de l’air intérieur, avec un impact potentiel sur la santé des occupants à moyen ou long termes.

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Les différentes phases techniques du projet EmiBio

Pour cela, le projet est découpé en 6 tâches distinctes, dont 3 tâches purement techniques.

La première tâche technique concerne l’évaluation des émissions de COV et COVm à l'échelle du matériau en laboratoire. Cette tâche a commencé dès le début du projet en octobre 2018 et devrait se terminer en décembre 2021. Elle est réalisée en parallèle des tâches suivantes, car elle se nourrit des tests réalisés sur les matériaux utilisés sur site réel, ou mis en place en cellules expérimentales (cf tâches suivantes).

La tâche suivante, celle qui nous concerne ici, traite du suivi des émissions de COV et COVm et des transferts hygrothermiques de 2 bâtiments réels dont les parois extérieures ont été isolées avec des matériaux biosourcés, à savoir la laine de bois et/ou la ouate de cellulose. Le premier site testé a une structure en briques et est isolé en laine de bois par l’intérieur, elle-même retenue par des montants en bois. En voici un schéma simplifié réalisé par l’un des partenaires, l’Université d’Artois :

 

La difficulté principale de cette tâche réside dans la sélection des sites tests et de leur disponibilité. En effet, les mesures peuvent être intrusives (mesures des transferts hygrothermiques dans la masse), mais surtout, elles immobilisent la salle des tests durant 2 fois 15 jours, une première fois en période estivale et une seconde fois en période hivernale. Une série de mesures des polluants dans l’air, des émissions des parois, des conditions hygrothermiques dans la salle et de la présence de moisissures est réalisée durant ces 2 campagnes. En complément, un diagnostic QAI/ventilation sur l’ensemble du bâtiment est réalisé afin de compléter l’interprétation.

 

Illustration 3: Gaines de la ventilation double flux du premier site de mesure – site n°1

Enfin, la dernière tâche technique comprend le suivi des transferts hygrothermiques et des émissions des parois multicouches recréées et placées en cellule expérimentale. Cette tâche est parallèle à la tâche précédente et vise à tester des parois identiques aux parois réelles des sites mais dans des conditions hygrothermiques maîtrisées.

Ces différentes tâches devraient permettre à l’équipe projet d’une part, de conclure sur une éventuelle signature en émissions des matériaux biosourcés testés, et d’autre part, si celle-ci existe, de vérifier, après mise en œuvre, si cette signature reste bloquée au niveau du matériau dans la paroi, ou si elle se retrouve dans l’air intérieur des sites tests.

Les premières campagnes de mesure ont été réalisées sur le premier site sélectionné

C’est la nature de l’isolant employé qui a incité le Cerema à solliciter une première commune de la banlieue lilloise (59 - Nord) (cf coupe simplifiée ci-dessus) afin de travailler pour les 2 premières campagnes de mesures sur le bâtiment de la mairie ayant subi une réhabilitation-extension en 2013. En effet, celle-ci a été isolée par de la laine de bois en isolation par l’intérieur sur les parois. De plus, le bâtiment a été labellisé HQE (Haute Qualité Environnementale). La salle choisie est la salle des mariages de la mairie.

 

Illustration 4: Salle des mariages instrumentée - site n°1

Une première campagne de mesure a eu lieu en juillet 2019 afin de représenter la période estivale. La seconde campagne de mesure, hivernale cette fois-ci, a eu lieu fin janvier et début février 2020. Cette campagne a fait intervenir trois des partenaires, à savoir :

  • l’IMT Lille-Douai pour les mesures des émissions en surface de paroi et l’IMT Atlantique pour les prélèvements par impaction des micro-organismes dans l’air, qui sont ensuite mis en culture en laboratoire,
  • l’Université d’Artois pour le suivi hygrothermique (température et humidité) dans une des parois (prolongé durant 12 mois),
  • et le Cerema, pour les mesures des polluants dans l’air intérieur et le diagnostic bâtiment.

Focus sur les mesures réalisées dans l’air intérieur

Afin d’illustrer l’étendue des mesures qui ont été réalisées sur site, voici un focus des prélèvements réalisés sur le volet polluants de l’air intérieur par le Cerema :

  • un screaning des polluants présents est réalisé à intervalle régulier dans la pièce par un chromatographe portable. Cela représente plus de 170 prélèvements par campagne à analyser et à comparer entre eux !
  • en complément, des tubes dits actifs sont posés sur 24h afin de relever les polluants de l’air et d’aider à les identifier. En effet, ces tubes sont ensuite analysés en laboratoire et cette analyse est complémentaire de celle réalisée sur site. Pour cette étape, le Cerema et l’IMT Lille-Douai ont posé des tubes différents, afin d’avoir une analyse la plus complète possible,
  • ensuite, des prélèvements d’une famille typique de polluants de l’air intérieur, les aldéhydes, sont réalisés sur des tubes passifs spécifiques à ces polluants : ces tubes accumulent ces polluants durant une semaine (x2 semaines) et sont ensuite analysés en laboratoire,
  • enfin, des appareils complémentaires permettent de mesurer des indicateurs classiques du confort intérieur, à savoir la température, l’humidité relative et la concentration de CO2, très bon indicateur du confinement d’une pièce. De plus, ces appareils permettent de mesurer d’une part les COV totaux légers et les COV totaux présents dans la salle.

 

Illustration 5: Instrumentation QAI du Cerema - extrait des mesures réalisées in situ

Résultats préliminaires issus des données du Cerema

Sur ce premier site, et en attendant le dépouillement total des résultats de l’ensemble des partenaires et l’analyse croisée de ceux-ci, des premiers éléments ressortent néanmoins des données du Cerema sur l’air de la salle :

  • le niveau de polluants dans l’air de la salle du site n°1 est plus élevé l’été que l’hiver, malgré l’aération importante de la salle (surchauffe) ;
  • le niveau total de polluants reste globalement bas, mais non négligeable ;
  • à ce jour, les polluants jugés initialement comme pouvant être typiques des micro-organismes n’ont pas été retrouvés dans l’air intérieur. Ces éléments restent à approfondir (recherche d’autres polluants, croisement avec les données issues des parois)

Ces résultats restent bien sûr à confirmer avec la suite de l’étude.

L’étude ne fait que commencer

Les mesures de la campagne hivernale viennent d’être collectées par les trois partenaires et sont à exploiter en parallèle des mesures de la première campagne estivale réalisée sur ce même site. Les conclusions sont donc à venir.

 

Article signé Cécile Caudron, Responsable de la thématique Qualité Sanitaire des Bâtiments, Responsable du compte Dreal pour le Cerema Nord-Picardie et Membre de l'équipe d'animation de la Communauté Métier Bâtiment du Cerema (CM2)

 

Autre article du Cerema en lien avec le projet EmiBio :

Le projet EmiBio, octobre 2018 à avril 2022 : https://www.cerema.fr/fr/actualites/polluants-lies-aux-materiaux-biosources-interieur-premiere

 

Consulter l'article précédent :  #22 - Matériaux bio-sourcés et fenêtres : un bref état des lieux - TBC Innovations


           

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