3 questions à Cindy Demichel, CEO et cofondatrice de Celsius Energy


Locale, bas carbone, disponible en abondance et non-intermittente, la géothermie de surface coche de nombreuses cases pour une énergie renouvelable. En plein développement en France, un noyau d'acteurs se mobilisent pour mettre à jour tout son potentiel. C'est notamment le cas de Cindy Demichel, CEO et cofondatrice de Celsius Energy, entreprise engagée pour la "géoénergie". Rencontre.

Cette interview est réalisée dans le cadre du Dossier Construction21 "Dispositif Éco Énergie Tertiaire" dont Celsius Energy est le parrain.

Pouvez-vous nous présenter Celsius Energy ? 

Celsius Energy est un industriel cleantech qui décarbone le chauffage et la climatisation des bâtiments en les connectant à l’énergie de leur sous-sol : la géoénergie ou géothermie de surface. Nous sommes un pilier de la branche "Nouvelles Énergies" de SLB, ex-Schlumberger, leader mondial de l’exploitation du sous-sol. 

Grâce à cette énergie contenue dans les 200 premiers mètres du sous-sol, nous divisons en moyenne par 10 les émissions carbone et par 4 la consommation énergétique liées au chauffage et à la climatisation. 

Le sous-sol se comporte comme une batterie de calories : l’hiver, nous allons capter la chaleur pour la transférer au bâtiment via une pompe à chaleur. L’été, c’est l’inverse, la chaleur du bâtiment est réinjectée et stockée dans le sol pour refroidir le bâtiment. Elle pourra être réutilisée l’hiver suivant en fonction des besoins du bâtiment.

Les bénéfices de la géoénergie sont grands : c’est une énergie locale, bas carbone, disponible en abondance et non-intermittente. Une alliée puissante pour tendre vers l’autonomie énergétique tout en réduisant son empreinte carbone. Pourtant, elle est parfois vue comme complexe à mettre en œuvre. 

Mais ça, c’était avant ! Celsius Energy, que j’ai co-fondée avec 2 autres ingénieurs issus de SLB transfère l’expertise technologique et digitale au service de la ville et de la géothermie de surface. Cet héritage nous a permis de développer des innovations qui simplifient l’accès à cette ressource et en optimisent les performances : 

  • D’abord, avec une technologie de forages inclinés qui rend l’énergie du sol accessible y compris en milieux urbains denses, où le foncier est souvent contraint. Notre solution demande jusqu’à 100 fois moins de foncier qu’une installation classique. 
     
  • Nous avons également développé des innovations digitales, avec un Pôle R&D de plus de 20 ingénieurs et phD qui conçoivent des outils pour optimiser la conception de nos installations, mais aussi pour suivre et piloter leurs performances énergétiques sur le long terme. Le numérique irrigue tous nos process, il est dans l’ADN de Celsius Energy.
     
  • Un dernier aspect et non des moindres, est notre offre clé-en-main qui permet de simplifier les démarches de nos clients. Nous sommes leur interlocuteur unique, de l’étude des besoins énergétiques à la mise en service des installations. Nous avons internalisé une grande partie des capacités d’exécution, notamment sur le forage avec, toujours, un grand focus sur l’excellence opérationnelle et la sécurité de nos opérations. 

Quel est le potentiel de la géothermie de surface en France ?

Son potentiel est considérable ! Disponible sur 97 % du territoire, elle pourrait couvrir une grande partie de nos besoins en chaleur et en froid. Une étude du BRGM et de l’ADEME révèle que la géothermie pourrait couvrir 58 % des besoins thermiques du Grand Paris. Contrairement à nos voisins européens, elle reste pourtant sous-utilisée en France, elle ne représente que 1% de la chaleur produite. 

Mais face aux enjeux énergétiques et climatiques, alors que l’on cherche à accroître la part des énergies renouvelables dans le mix énergétique du pays, les choses sont en train de bouger. Un rapport du Haut-commissariat au Plan publié en octobre dernier appelait à déployer massivement la géothermie de surface, la qualifiant d’enjeu stratégique national. Et pour cause, cette énergie souveraine permettrait d’économiser 100 TW de gaz chaque année d’ici 10 à 15 ans. Cela correspond en gros aux importations annuelles de gaz russe en France. Sans compter bien entendu sa capacité à décarboner efficacement le chauffage et la climatisation des bâtiments.

L’appel a été entendu, avec le lancement le 2 février dernier d’un plan d’action gouvernemental pour accélérer la géothermie sur notre campus à Clamart par Agnès Pannier-Runacher et François Bayrou. Chez Celsius Energy, nous nous réjouissons de ce nouvel intérêt jusqu’au plus haut niveau décisionnel. La géoénergie est la championne de la chaleur et du froid renouvelables ! La technologie est mature et robuste, et la filière prête à relever les défis.

Il est indispensable en parallèle de faire œuvre de pédagogie pour la promouvoir auprès des maîtres d’ouvrages publics et privés et de les accompagner vers cette bascule énergétique. C’est toute l’ambition du collectif France Géoénergie, que nous avons lancé avec une vingtaine d’acteurs majeurs de la ville intelligente, public et privés, et dont Bertrand Piccard, Méka Brunel et Philippe Pelletier sont les ambassadeurs.  

En quoi la géoénergie permet-elle de répondre efficacement aux objectifs réglementaires ? 

Pour mémoire, 2/3 de la consommation énergétique des bâtiments sont liés au chauffage, à la climatisation et à l’eau chaude sanitaire. C’est donc un poste clé pour tendre vers une nécessaire sobriété, encadrée par des objectifs réglementaires ambitieux. Consommer moins, mieux et bas carbone : c’est exactement ce que permet la géoénergie !

Pour ce qui est de la RE2020, elle permet de rester sous le critère énergétique de la consommation en énergie primaire (Cep) des bâtiments neufs en France. C’est une énergie décarbonée qui évite de dépasser les critères Cep, nr (Consommation en énergie non renouvelable). Avec ce nouvel indicateur, la RE2020 diffère de la RT2012 et incite fortement au recours aux énergies renouvelables via un seuil maximal ambitieux de consommation d’énergie primaire non renouvelable. La géoénergie est par ailleurs intéressante pour apporter un forfait de climatisation faible réduisant les risques d'inconfort d'été (degré heure DH).

La géoénergie répond également aux exigences du dispositif Eco Energie Tertiaire (décret tertiaire), qui vise une réduction progressive des consommations pour atteindre -60% en 2050. Sa force ? Des performances énergétiques inégalables, avec un COP de 3 à 4 pour le chaud, 6 pour le froid « actif » et jusqu’à 30 pour du froid « passif », ou geocooling, lorsqu’on rafraîchit le bâtiment avec la température naturelle du sous-sol sans solliciter la pompe à chaleur. Et même si on la compare à une PAC aérothermique, ses performances restent 30 à 50% supérieures, surtout par temps de grand froid.

Côté utilisateur, nous sommes prêts à accueillir l'interface numérique (API) permettant notamment de remonter les données énergétiques de consommation du bâtiment pour alimenter la plateforme OPERAT.

Au-delà de ces enjeux réglementaires, la géoénergie contribue à augmenter la valeur verte d’un patrimoine, avec des équipements vertueux d’une durée de vie de 50 à 100 ans. En plus d’être bas carbone, c’est une ressource qui ne génère aucune pollution sonore ni visuelle et ne contribue pas aux îlots de chaleur urbains. 

De plus, à l’heure où l’incertitude sur l’évolution des coûts énergétiques nous frappe de plein fouet, la géoénergie est l’énergie qui réduit le plus le risque d’envolée des factures énergétiques, que ce soit pour des acteurs institutionnels, des bailleurs sociaux, des collectivités et même pour des copropriétaires. Une fois connecté à la géoénergie, un bâtiment divise par 4 sa dépendance aux fluctuations des marchés énergétiques. 

Autant de critères qui feront désormais la différence et seront amenés à dominer le marché. Les investisseurs ne voudront plus investir dans des bâtiments qui ne sont pas vertueux. La question écologique touche l’immobilier en profondeur et c’est une excellente nouvelle !
 

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