Le MOOC, accélérateur de business ? état de l'art (1)

pages:newchild

Le MOOC, est ce une affaire rentable ? Un MOOC coûte en moyenne entre 60 000 et 150 000 euros la première session, entre 1 000 et 1 500 heures de travail. Il faut compter ensuite les coûts de maintenance  (hébergement, mise à jour et ressources humaines) pour “jouer” les sessions suivantes. Ces sommes sont certes conséquentes mais doivent être mises en balance avec les revenus que le MOOC peut générer de façon directe et/ou indirecte. L’hypothèse de travail est de considérer qu’une plate forme bâtiment durable hébergeant des MOOC permettrait de valoriser la filière bâtiment et de développer la formation tout au long de la vie (formelle et informelle, initiale et continue). Voici quelques exemples et des pistes de réflexions.

Digitalisation de la formation

MOOC : vitrine de la formation actuelle

Un MOOC est un produit de qualité avec des critères en termes de contenu, de pédagogie et d’animation. Si ces éléments ne sont pas au rendez-vous, il n’y aura pas de participants. Et même pire : ce sera une contre-publicité dévastatrice par l’effet de bouche-à-oreille des réseaux sociaux. Un MOOC est donc une vitrine pour l’université, l’entreprise ou l’organisme de formation qui le pilote. Deuxième point fondamental, les MOOCs ne tuent pas la formation en salle (dite ”en présentiel”), ils l’enrichissent (voir article Le MOOC, partie émergée d’une transition en marche).
Le MOOC est un nouvel objet de diffusion de la connaissance, avec un impact large, mais qui doit être pensé comme inséré dans un écosystème, y compris à une échelle locale.

barometre.jpg

Le barometre trimestrielle des MOOC

La transition digitale : un enjeu qui dépasse la formation

Bien au-delà de la formation initiale ou continue, le numérique bouleverse des pans entiers de l’économie : musique, tourisme, distribution etc. Selon le cabinet Oliver Wyman, le numérique bouleverse un secteur économique lorsque la part de marché des acteurs digitaux se situe entre 15 et 25 %. Et de conclure : “il faut anticiper cette transformation digitale de leur entreprise et de la demande. Gérer une transformation digitale, ce n’est pas un projet d’entreprise classique, c’est une mutation qui doit se faire sur dix ans”.

Pour le secteur de la formation, cette transformation devrait se produire dans les cinq prochaines années. Il suffit de constater les investissements en cours et l’émergence de start-up dans le secteur (éducation et technologie). Pour les acteurs de la formation, les MOOC peuvent être un moyen de transformer les pratiques pédagogiques et d’inventer de nouveaux business models. Rien ne serait pire, pour ces acteurs, que de se désintéresser de l’outil MOOC : ils risquent sinon de subir directement les changements qu’il induira tôt ou tard.

Au-delà de la révolution numérique en général, la réforme de la formation continue facilite la construction de parcours adaptées aux contraintes professionnelles en facilitant la formation à distance et des approches de type coaching. En clair, la transition numérique dans le bâtiment est aussi une transition des pratiques pédagogiques enrichies de numérique.

Penser largement le calcul économique

Quel est le retour sur investissement d’une formation pour l’apprenant ? Demain, encore plus qu’aujourd’hui, ce sera la question centrale pour l’utilisateur qui fera le choix entre le gratuit (auto-apprentissage ou MOOC) et le payant.

Le MOOC peut être considéré comme symptomatique de l’ère numérique : le coût unitaire de la formation d’un apprenant diminue avec l’augmentation du nombre de participants. Le coût “marginal”, c’est-à-dire le coût associé à la diffusion à une personne supplémentaire, est proche de zéro (contrairement à une formation en présentiel, dont le coût est à peu près proportionnel au nombre d’apprenants car il est nécessaire d’ajouter des instructeurs, des locaux etc.). C’est le principe de l’économie à “coût marginal zéro”, qui permet des diffusions massives. Cette économie a la capacité à capter un public très large, car les coûts pour chacun sont très faibles.

En diminuant les coûts, on a un retour sur investissement plus facile. Le “gain” pour l’apprenant associé au fait de suivre un MOOC est peut-être limité (ou plus faible qu’une formation en présentiel), mais le coût étant quasiment nul, le ratio “gain/coût” est très bon pour lui.
Comparativement, la formation en présentiel sera considérée comme de la formation haut de gamme, car plus chère. Si leur “coût” est élevé, les formations en présentiel devront apporter des “gains” toujours plus importants pour l’apprenant : personnalisation, exercices pratiques (plateaux techniques…), interaction avec un professeur etc.
Il y a incontestablement de la place pour tout le monde : en revanche, les changements économiques induits par le numérique obligent à repenser le positionnement de chacun.

Mutualisation de moyens et visibilité

Avant de parler MOOC, penchons-nous quelques instants sur les bénéfices d’une plate-forme numérique commune qui hébergerait les MOOC du bâtiment durable (à l’image de ce que fait France Université Numérique pour l’enseignement supérieur), tel que cela est envisagé. Cela permettrait :

  • de rassembler les initiatives de MOOCs de la filière sur des critères de qualité
  • d’assurer une plus grande visibilité des MOOCs proposés
  • de penser en collections de MOOCs pour réaliser des parcours
  • de faciliter les partenariats et consortium
  • de mutualiser les frais d’hébergement et de maintenance informatique
  • d’accompagner et former les équipes projets

La base de cette action est de mutualiser les coûts et de fédérer les énergies. Avant même de réfléchir à un un modèle d’affaires pour cette plateforme, on constate qu’elle apporte des gains économiques,puisqu’elle permet de minimiser les risques et d’agir comme un stimulus à l’amorçage d’une dynamique de partage large de la connaissance.

Modèles économiques émergents : tour d’horizon général

Modèles théoriques

Il existe principalement cinq modèles aujourd’hui qui peuvent s’appliquer au monde du bâtiment :

  1. Modèle de certification : l’apprenant peut bénéficier d’une certification, qu’il peut valoriser. La certification “vérifiée” est payante. La difficulté réside dans les systèmes d’authentification à distance.

  2. Modèle de "Job Matching" : cela consiste à monétiser le lien entre chercheurs d’emploi et employeurs. En clair, les meilleurs apprenants du MOOC sont repérés : cela a de la valeur pour les recruteurs. Il y a déjà plusieurs exemples de réussites.

  3. Modèle Freemium : l’accès au cours complet est gratuit (principe de base du MOOC), mais on fait payer certaines fonctionnalités supplémentaires (ex : tutorat). Les start-up se positionnent clairement sur ce créneau.

  4. Modèle publicitaire : le MOOC attire un public particulier, qui est déjà “qualifié” et cela a de la valeur pour des annonceurs. Une piste alternative serait de développer du sponsoring ou du mécénat social.  

  5. Modèle de partenariat public - privé : on mutualise les coûts (donc les acteurs privés financent) pour fournir une plate-forme de qualité aux acteurs du secteur.

Evidemment, ces grandes typologies de modèles économiques ont des implications en termes de gouvernance, de déontologie, de neutralité du contenu...

Pour Paul Belleflamme de Louvain School of Management, l’avenir est probablement dans un modèle mixte incluant l’approche partenariale et la certification. Dans le cas du bâtiment durable, le nombre d’acteurs permet sûrement d’envisager de mixer plusieurs approches.

Exemples appliqués de modèles économiques

Les MOOC n’appartiennent pas qu’au monde universitaire… Des entreprises privées se positionnent également sur les MOOCs. Voici quelques exemples :

Ci-dessous une vidéo (BFM) qui analyse les nouveaux business du MOOC

Ces modèles bousculent l’offre de la formation continue et profitent de la réforme de la formation continue en proposant des approches modulables en fonction du besoin de l’utilisateur.

OpenClassRoom travaille sur une offre de parcours certifiant (avec des titres inscrits au RNCP) avec coaching personnalisé. Pour cela, le candidat s’abonne à une formule tout compris à 300 euros/mois. Idéal pour une personne qui désire faire une Validation des Acquis d’Expérience, sur des compétences qu’il maîtrise déjà en partie. A noter que plusieurs OPCA ont signé un partenariat avec cette société.

First Finance - PME spécialisée dans la formation continue en banque de détail - propose des formations pointues. D’ici à 2017, elle ambitionne de réaliser 50 % de son chiffre d’affaires grâce à ces formations en ligne alors que celles-ci n’en constituent que 15 % actuellement. L’entreprise vient de signer un partenariat avec HEC Paris pour un programme certifiant pour cadres dirigeants. Dans cette formule, l’aspect Massif et Ouvert disparaît.

Ou encore la société d’intérim (design et informatique) Aquent réalise du sourcing (recherche de profils) à travers le monde grâce à des MOOC spécialisé avec Aquent Gymnasium. Un an après, le retour sur investissement est déjà au rendez-vous.

La start-up Unow parie sur les SPOC (Small Private Online Courses) en privatisant une partie d’un MOOC grand public, à la demande d’entreprises (contre rémunération). Communauté réduite, les SPOCs permettent de construire des échanges de qualité avec un tutorat sur mesure.

En cours d’exploration permanente

Le MOOC Gestion de projet est un bon exemple de ce qu’il est possible de faire dans une offre freemium avec des services payants associés. Ce MOOC, animé par Rémi Bachelet, va entamer la cinquième saison le 9 mars prochain.

Ingénieur à Centrale Lille, il défriche depuis 2012 les modèles pédagogiques et économiques en faisant régulièrement des retours d’expérience avec chiffres à l’appui. Le modèle de base reste le gratuit, mais de nombreux services associés sont proposés qui sont autant de sources de revenus. Pour le particulier tout d’abord, en plus de l’attestation de réussite, il peut passer un examen payant, avec système d’authentification, qui lui permet d’avoir également des crédits universitaires.

Pour les professionnels, la plate-forme propose une offre en interentreprise (entre 490 et 690 euros) et en intra avec espace privatif.
Enfin, pour les universités et les enseignants, il est possible d’intégrer ce MOOC dans les cursus.

Le modèle économique qui est en train d’être testé pour le MOOC Gestion de Projet est-il viable ? A en croire Jérémie Sicsic, le co-fondateur d’Unow et partenaire du programme depuis sa création, c’est déjà une réussite : “le programme de certifications a dégagé un chiffre d’affaire de plus de 80 000 euros de même que l’intégration du MOOC dans les cursus universitaires et au sein des entreprises, dans le cadre des plans de formation. La prochaine session va permettre de consolider le modèle. L’autre bénéfice mesurable avec l’audience de ce MOOC, c’est la notoriété de l’école centrale de Lille et de Rémi Bachelet qui a littéralement explosé sur les réseaux sociaux.” Le nombre de participants à ce MOOC progresse à chaque session de même que l’intégration du MOOC dans les cursus universitaires ( Il y a eu 8120 participants actifs à la session 4 du MOOC Gestion de projet contre 2 310 participants actifs lors de la première session).

La certification : une solution appropriée et déjà mise en place

Pour de nombreux acteurs des MOOCs que nous avons rencontrés, le paiement de la certification par les personnes inscrites sur le MOOC semble être la solution la plus crédible pour amortir au moins partiellement le coût d’un MOOC. C’est ce qui ressort du rapport : Comment optimiser la stratégie d’un établissement au travers des MOOCs ? qui propose cet exemple comme base de réflexion :
  • Soit un MOOC qui coûte 70 000 euros en tout et attire 10 000 personnes.
  • Supposons que 5 % des inscrits passent la certification chaque année (c’est-à-dire 500 personnes) et que la certification coûte 50 euros.
  • Le chiffre d’affaires réalisé est de 500x50 = 25 000 € sur cette session.
  • A public constant, en trois session, le MOOC devient rentable.
Il faudrait ajouter les coûts associés à chaque session, et le résultat est fonction du nombre de personnes qui paient, du public total etc. Mais cette première simulation grossière esquisse comment, dans le cadre d’une stratégie de volume, un MOOC pourrait amortir ses coûts.

Un investissement promotionnel et durable

Un MOOC comporte un investissement initial avec la création d’un scénario pédagogique ad hoc et dans la production de ressources pédagogiques, capital immatériel. Ils doivent être valorisés sur le long terme. Celles-ci peuvent être louées et réexploitées dans d’autres contextes comme la classe inversée.
Ensuite, un MOOC est joué plusieurs fois quand il rencontre son public. On constate du reste que l’audience augmente d’une saison à l’autre. Même si cela nécessite d’améliorer les contenus, le coût correspond essentiellement à de l’animation. La notoriété du dispositif entraîne une augmentation des inscriptions aux formations traditionnelles. Pour autant cela représente également un coût de fonctionnement (actualisation des ressources et animation de la formation).
Pour peu que les ressources soient disponibles sous licence creative commons sans usage commercial (voir article sur les droits d’auteur), elles sont visibles pour le plus grand nombre et exploitables commercialement auprès des entreprises et organismes de formation qui souhaitent l’utiliser en interne.
Reprenons l’exemple du MOOC Gestion de projet. Présent sur Google+, twitter et facebook, la communauté interagit en permanence sur les réseaux sociaux. Les vidéos des cours sont disponibles sur Youtube et représentent un trafic non négligeable (voir graphe ci-dessous). Il faut penser un MOOC comme une opération de communication sur tous les médias participatifs. L’audience d’un MOOC est l’autre facette du modèle économique. La notoriété sur les réseaux sociaux est aujourd’hui indispensable pour attirer de nouveaux étudiants.

 Plus d’une entreprise rêverait de développer une communauté de fans de cette qualité ! Les membres y partagent leur veille et découverte, contribuent à l’amélioration du MOOC d’une session sur l’autre, font de la publicité virale sur les réseaux.  

Taille critique

Le business model freemium qui est un business model parmi d'autres. C'est un mixte entre le modèle "free" et le modèle "premium". Le "free" proposant un service gratuit et le "premium" proposant un service payant et haut de gamme. La stratégie mise en place est de faire adhérer un maximum de clients à son service gratuit pour les rediriger vers le service payant. On parle alors du taux de conversion premium. Bref, pour exister, le MOOC doit atteindre la taille critique et vendre des services sur-mesure.

Suite de l'article Le MOOC, accélérateur de business ? Le cas du bâtiment (2)


Partager:

Dans votre calcul de rentabilité via la certification payante, le taux de 5% peut être surestimé. En effet le taux d'abandon de 95% concerne des MOOCs dont les prérequis ont été mal expliqués et la charge de travail hebdomadaire sous-évaluée. 

Certains MOOCs parfaitement ciblés ont eu des taux de certifications jusqu'à 40% des inscrits !

 Thierry Koscielniak friendlytime:the 27-02-2015

Oui, c'est exact. Le MOOC Gestion de Projet a des taux de certification élevé. 

Ce qui est intéressant dans la démonstration tirée du rapport, c'est la mécanique. Personnellement, je pense que le MOOC doit être penser comme un produit avec son public cible et ses déclinaisons de services. La certification étant l'une des modalités à proposer. C'est toute la difficulté d'un marché biface, voire triface.  

 francois duport friendlytime:the 27-02-2015

pages:history

pages:more

Des SPOC à la rentrée
pages:strapline
MAI 2019 - PROCHAINS MOOC
pages:strapline