[Urgence Climatique] 3 questions à Julien Hans, Directeur Énergie Environnement du CSTB - Grenoble

[Urgence Climatique] 3 questions à Julien Hans, Directeur Énergie Environnement du CSTB - Grenoble

 

Suite de notre série d’interviews consacrée à l’urgence climatique. Découvrez les états des lieux dressés par des acteurs engagés et institutionnels, ainsi que leurs préconisations pour atténuer les effets du changement climatique, s’adapter à ses conséquences et tirer parti des opportunités engendrées par ces évolutions.

 

Aujourd’hui, nous vous proposons l’interview de Julien HansDirecteur Énergie-Environnement - CSTB Grenoble, qui dresse un état des lieux du secteur du bâtiment confronté à l’urgence climatique, présente l’accompagnement proposé par le CSTB aux professionnels, notamment pour répondre aux exigences des règlementations, et évoque enfin ses recommandations pour favoriser l’amélioration du confort d’été dans les bâtiments.  

 

1. Quel est votre constat de la situation actuelle vis-à-vis du changement climatique dans le secteur de la construction, de l’immobilier ou plus généralement du cadre de vie ?

Tout d’abord, on constate une prise de conscience individuelle de l’urgence climatique, dans le sens où chacun se trouve confronté, au quotidien ou via les médias, à des réalités qui témoignent de ce bouleversement (incendies en Australie et Californie, phénomènes météorologiques de plus en plus extrêmes…). Quant aux professionnels de la construction, ils disposent à présent de chiffres sur les émissions de gaz à effet de serre et sur les consommations d’énergie. Parmi ces chiffres : environ 12 tonnes émises par citoyen français chaque année, et de 1 tonne à une tonne et demie de CO2 par m2 pour la construction et l’exploitation d’un logement neuf. Nous sommes donc à un moment de bascule, marqué par une responsabilité citoyenne grandissante en matière d’urgence climatique et la capacité à mesurer les choses, étape indispensable à toute amélioration selon Lord Kelvin1. Enfin, dernier constat, l’urgence de la situation : il reste peu de temps pour agir et la situation sanitaire nous rappelle, si besoin, qu’ignorer les alertes des scientifiques conduit parfois à des crises profondes.
La Réglementation Environnementale 2020 pose pour la première fois des exigences en matière d’émissions de gaz à effet de serre sur l’ensemble du cycle de vie des bâtiments. Tout en traitant le sujet du bâtiment neuf, il faut bien garder en tête l’importance de la rénovation du parc existant, car en 2050 environ 70 % du parc existant sera constitué de bâtiments construits avant la RT 2012. Il constitue l’essentiel de l’impact du secteur et un énorme défi. Pour rénover, il faut donner à chacun l’envie et la confiance ; or, nous constatons aujourd’hui : une forte non-qualité des travaux, qui s’ajoute à de longs retours sur investissement, peu de recherche et développement dans le secteur (< à 1 % du chiffre d’affaire de la construction), et enfin une offre de service faible et une main d’oeuvre encore mal formée au regard des besoins de massification.
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1« If you can’t mesure it, you can’t improve it. »

 

2. Comment le CSTB accompagne les acteurs du bâtiment non-résidentiel dans leur prise en compte de l’urgence climatique ? Comment les aide-t-il à répondre aux exigences des règlementations à venir, notamment en matière de décarbonation : décret tertiaire, RE 2020 ?

Il y a plus de dix ans déjà, le CSTB lançait le logiciel « Elodie », outil collaboratif permettant de quantifier les impacts environnementaux sur l’ensemble du cycle de vie d’un bâtiment, tandis que les projets HQE Performance 1 et 2, puis l’expérimentation E+C-, ont permis de se préparer à la RE 2020. Le CSTB continue d’accompagner l’ensemble des acteurs concernés, grâce à des outils, méthodes et conseils qui leur permettent de définir les bonnes stratégies. Nous avons pour objectif de répondre aux interrogations sur la pertinence des solutions envisagées et de proposer une assistance à la conception, à l’échelle de l’ouvrage bien sûr, et plus récemment pour les projets d’aménagement, avec de nouveaux outils de simulations énergétiques et environnementales, comme URBANPRINT et POWERDIS, développés avec l’Institut pour la transition énergétique Efficacity. L’enjeu est de parfaitement objectiver les actions qui apportent des gains de performance substantiels, d’identifier les sujets à forts leviers d’actions qui, parfois, ouvriront à des solutions nouvelles « bas carbone » non encore développées, dont bon nombre, selon nous, se situent à l’échelle urbaine.
Pour ce qui est des bâtiments rénovés, la logique d’éco-conception reste la même que pour les bâtiments neufs, mais il existe des spécificités. Tout d’abord, en termes d’économie circulaire, réexploiter au mieux le bâtiment existant permet de ne pas reconstruire inutilement. Autre sujet fondamental : la mesure et la garantie de performance énergétique des bâtiments rénovés, à réception puis dans le temps, ce à quoi le CSTB s’attache à travailler avec ses partenaires dans le cadre, par exemple, du projet SEREINE. Il s’agit d’un point majeur pour sécuriser les retours sur investissements et massifier les projets de rénovation.

 

3. Avec le changement climatique, l’amélioration du confort d’été dans les bâtiments devient essentielle. Où en est-on aujourd’hui et quelles solutions alternatives à la climatisation apporter ?

Le confort d’été, en particulier en période caniculaire, est un sujet important, que ce soit dans le neuf ou en rénovation ; il fait partie des indicateurs nouveaux de la RE 2020. Il existe aussi un enjeu fort concernant les îlots de chaleur urbains à l’extérieur des bâtiments. Pour favoriser le confort d’été, la climatisation ne doit être utilisée qu’en dernier recours ; il convient en premier lieu d’identifier les bâtiments existants les plus exposés. Quelles solutions pertinentes et spécifiques mettre en oeuvre ensuite ?
Il faut éviter l’écueil de la solution technologique pure et envisager le bâtiment, dès sa conception ou rénovation, en termes d’intégration dans son environnement, et prendre en compte en particulier sa protection solaire. Les apports solaires représentent en effet entre 3 et 10 fois plus d’énergie que celle due aux températures extérieures élevées. Les parois vitrées doivent donc être bien protégées grâce à des dispositifs adéquats (arbres, brise-soleil, balcons…). L’isolation de l’enveloppe est également importante. Les parois opaques permettent au bâtiment de ne pas entrer en surchauffe tout de suite et de déphaser le pic de chaleur par inertie thermique, c’est-à-dire en stockant la chaleur. Il convient ensuite de la déstocker, quand il fait plus frais, ce qui constitue un apport gratuit. D’autres éléments ont également un rôle à jouer : toitures végétalisées, utilisation de couleurs claires, etc. Quand il fait moins chaud, une ventilation rapide permet de refroidir le bâtiment au plus vite. Pour certains bâtiments fortement soumis aux ilots de chaleur urbains, la climatisation peut s’avérer être la seule solution, de surcroît si l’aération est rendue difficile par le bruit, la pollution ou l’insécurité.
En définitive, tous les acteurs ont leur rôle à jouer : les professionnels doivent fournir des solutions pertinentes (parois vitrées, inertie, conception architecturale et implantation), tandis que l’usager doit appliquer les bons gestes : bien ventiler, refroidir au moment opportun et se protéger quand il fait chaud. Les principes-clés de cette approche low-tech sont donc : une bonne conception, un bon sens architectural et un bon sens dans l’usage.

 

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Rédigé par

Communication CERTIVEA

Direction de la communication

Modérateur

Manon Salé