Structuration, outils et limites d’une démarche de conception associant remploi, réutilisation et mesure de la performance carbone

  Structuration, outils et limites d’une démarche de conception associant remploi, réutilisation et mesure de la performance carbone


Depuis plusieurs années, de nombreux acteurs du secteur de la construction conduisent une démarche méthodique d’amélioration de la performance environnementale de leurs activités et de leurs produits. Et s’il n’y a pas de règles universelles pour déployer de telles stratégies, les étapes successives impliquent certains jalons incontournables : depuis l’évaluation « métier », jusqu’à la conception d’outils à même d’apprécier la variété et les incertitudes des approches en matière de réemploi et de réutilisation. L’analyse de cycle de vie s’avère alors un outil précieux pour identifier les pratiques et les matériaux les plus vertueux,  proposer des produits durables en vue de les industrialiser par la suite. 

Élaborer de meilleures pratiques : l’analyse de cycle de vie (ACV) comme fondement d’une démarche méthodique 

L’analyse de cycle de vie est un outil méthodique permettant d’élaborer de meilleurs pratiques, à la fois produit et métier. Elle assure une meilleure identification des véritables enjeux et de les prioriser en vue de la phase d’éco-conception qui succède naturellement à l’évaluation, puis de déterminer les bénéfices obtenus sur une large variété d’indicateurs, dont les émissions équivalent carbone. Dans le cas de l’activité de Kataba, la prise en compte des impacts environnementaux de s’est basée sur une série d’études conduites avec l’aide de l’ADEME et l’expertise de l’agence d’éco-conception Coopérative Mu pour les sujets suivants :

  • Eco-conception d’une gamme de mobilier de bureau
  • Évaluation de l’impact du réemploi sur une gamme de mobiliers éco-conçus
  • Eco-conception d’un aménagement de bureau
  • Évaluation comparée de plusieurs démarches de valorisation matières par le réemploi et/ou la réutilisation
  • Conception d’un outil d’aide à la décision pour le réemploi et la réutilisation


Cette méthode rigoureuse permet de couper court aux a priori et aux idées reçues qui biaisent fréquemment l’appréciation des enjeux environnementaux. A titre d’exemple, la production locale est souvent privilégiée, or notre première étude conduite en 2018 révélait que dans le secteur du mobilier, en moyenne seul 15% de l’impact CO2 est porté par le transport, tandis que 80% est porté par les matières premières. Ces conclusions de l’analyse de cycle de vie de notre gamme de mobilier de bureau KOMPA nous ont amené à concentrer le travail sur la sélection et l’optimisation des matières premières et nous ont donc motivé à introduire le réemploi et la réutilisation en 2019 sur cette même collection, en ayant recours à des plateaux de bureaux stratifiés, restaurés et replaqués.

L’utilisation de cette matière première secondaire a donné lieu à une nouvelle évaluation et révélé une réduction de 87% (1) des émissions en équivalent CO2, soit une division par 8. Pour juger l’importance de ce niveau de réduction des émissions, on se rappellera qu’à l’horizon 2050 l’objectif de réduction des émissions équivalant CO2 (eq.CO2) moyenne par français est de 80%, afin de passer de 10 Teq.CO2/an à 2 Teq.CO2/an, soit une division par 5. 

Avec chaque étude, nous avons pu enrichir notre connaissance des enjeux environnementaux « métier » et ainsi les prioriser pour agir sur les leviers qui garantissent le meilleur bénéfice environnemental.

Un outil d’aide à la décision pour une approche itérative efficace ou la question de l’impact de la fin de vie de la matière comparé à l’impact de la matière de substitution

De nouvelles études similaires nous ont permis par la suite de confirmer le bénéfice environnemental du réemploi ou de la réutilisation par rapport à celui de la valorisation « habituelle » de la fin de vie du matériau. Nous avons donc pu faire ce comparatif pour la fin de vie du béton, du verre, de l’acier ou des panneaux de particules, qui ont été caractérisés en fonction du taux valorisation moyen observé et des bénéfices de leur valorisation.

Grâce à l’ACV, nous déterminons alors les impacts moyens liés à la production des matériaux qui pourraient être remplacée par un produit issu du réemploi ou de la réutilisation. Ce sont ainsi 18 typologies de matériaux qui sont étudiées et rendues comparables entre elles (2). Nous nous appuyons sur cette base pour les produits que nous développons.

Par exemple :

Réemployer ou réutiliser un panneau de MDF (bénéfice attendu en fin de vie de référence faible) pour en remplacement d’un panneau de MDF neuf (bénéfice de la substitution moyen) est pertinent d’un point de vue environnemental.

Réemployer ou réutiliser une tôle d’aluminium (bénéfice attendu en fin de vie de référence élevé) en remplacement  d’un panneau de particules (bénéfice de la substitution faible) n’est probablement pas pertinent d’un point de vue environnemental.  

La priorisation : ou une action dictée par la performance environnementale client 

Toujours dans le but de parvenir à prioriser action et stratégie carbone, une seconde étude débutée fin 2019 a permis d’évaluer les meilleurs leviers de réduction des impacts sur un projet global d’ameublement d’un espace de travail.

Il en ressort trois règles de base: 

1 - Favoriser au maximum le réemploi sans intervention sur la matière 

2 - Agir par le nombre, en concentrant l’intervention sur des produits fréquemment utilisés dans un aménagement 

3 – Agir sur les matières, en les sélectionnant avec soin ou en utilisant le design comme levier pour éviter le recours à des matières trop impactantes, dans l’esprit de cette « sobriété désirable » chère à KATABA 

Forts de cette compréhension, nous avons pu  élaborer des réponses dédiées pour des typologies de produits capables de générer un bénéfice environnemental substantiel, et nous diriger vers des prototypes de matériaux upcyclés et durables. 

C’est le cas de la suspension HORIZON,  codéveloppée avec GECINA et SAGUEZ FAVRETTO. Elle est réalisée en réemploi de tôles fines et déployée dans le hall et sur l’ensemble des paliers ascenseurs du programme HORIZONS, et a permis une économie de 86 Teq.CO2 - (Règle 2 : Agir par le nombre, 540 pièces)

Un autre exemple est celui de l’îlot acoustique CAPUCINES, codéveloppé avec GECINA, REMIX et SAGUEZ & Partners, permettant la valorisation de dalles de faux-plafond 60x60 tout en offrant un impact carbone de 81% inférieur à celui d’un produit équivalent – [Règle 1 : réemploi sans intervention, les dalles de faux-plafond 60x60 ne sont pas modifiées - Règle 2 : Agir par le nombre, déployable sur des centaines de mètres carrés].

La voie du succès : Expérimenter en équipe projet

Le développement de ces filières circulaires réclame la mobilisation et la coordination de nouveaux acteurs. Parce qu’elles imposent d’appréhender la matière, non plus comme un produit formaté et standardisé, mais comme une ressource protéiforme et irrégulière dont les caractéristiques ne sont pas adaptées à ces outils industriels qui ont été optimisés depuis des décennies, ces mutations réclament une forme d’innovation low-tech. Or, aucune innovation ne peut s’exonérer de l’expérimentation et dans le contexte qui nous intéresse, l’expérimentation passe inévitablement par une phase de développement, de prototypage, puis de déploiement en petite, moyenne et enfin grande série. Pour faire émerger ces filières, l’expérience montre qu’une phase d’expérimentation initiée sur un cas concret, qu’il s’agisse d’une problématique de valorisation de gisement ou à l’inverse un besoin concernant une typologie de produit que l’on souhaite voir réalisé à partir de matières issues du réemploi développé conjointement entre maîtrise d'ouvrage, maîtrise d’œuvre et structure facilitatrice, se révèle extrêmement efficace. En mettant en commun les objectifs techniques, financiers et de performance carbone, une démarche itérative rapide permet en quelques mois d’aboutir à des premiers de série remplissant les attendus techniques, surperformant les standards carbones et souvent mieux disant économiquement. La réalisation des faux-planchers techniques du programme PULSE d’ICADE par MOBIUS ou les différents projets cités plus haut sont tous des exemples de cette méthode . La réalisation des faux-planchers techniques du programme PULSE d’ICADE par MOBIUS ou les différents projets cités plus haut sont tous des exemples de cette méthode.

Un article signé Luc MONVOISIN – Président Fondateur de KATABA


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Rédigé par

Luc Monvoisin

Modérateur

Grégoire Brethomé - Construction21

Responsable éditorial