Les éléments métalliques, véritables mécanos géants

Les éléments métalliques, véritables mécanos géants


Roger Briand, président du SCMF, revient sur les grands enjeux de la construction métallique. En question, les aciers décarbonés et le réemploi. 

Comment s’inscrit la construction métallique face aux enjeux environnementaux ?

Les constructeurs métalliques n’ont pas attendu l’application de la RE2020 pour s’engager en faveur d’une construction responsable et répondant aux enjeux environnementaux. L’acier est l’unique matériau de construction à pouvoir être recyclé à l’infini tout en conservant la totalité de ses performances mécaniques et à offrir des propriétés magnétiques facilitant grandement son tri. 

Il reste néanmoins des progrès à faire concernant la décarbonation de la fabrication des aciers et le développement de l’économie circulaire.

On estime en France à 780 000 tonnes la consommation annuelle d’acier par les constructeurs métalliques. Pour rappel, on appelle « acier primaire » l’acier issu de la filière hauts-fourneaux (BOF), produit à partir de minerai de fer. « L’acier secondaire », lui, est issu du recyclage et de la filière électrique (EAF). Dans le monde, la cote part de production secondaire EAF (acier recyclé) est de 25 % de la production. En Europe, elle est de 30%. Elle couvrira 50 à 60 % du besoin en 2050. Mais déjà, les constructeurs métalliques orientent leur consommation sur les aciers les plus recyclés. Plus de la moitié de ces aciers serait issu de recyclage d’acier de récupération (carrosseries de voitures, canettes…) du fait de l’organisation performante de la filière de récupération des aciers en Europe (Espagne, Allemagne, Portugal). En Europe, il est estimé que la part des aciers recyclés couvrira 50 à 65 % du besoin d’acier en 2050.

 A-t-on les fiches FDES d’un acier recyclé ?

Certains aciéristes possèdent leur propre déclaration environnementale (FDES en France, EPD en Europe) qui indique les émissions de CO2 de leurs lots de production. En fonction de l’énergie (nucléaire, hydraulique, éolienne, photovoltaïque) utilisée par les fours électriques de ces aciéristes, les taux d’émission de CO2 pour cette production secondaire, peuvent être divisés par 6 en ligne avec les enjeux de neutralité carbone nationale 2050. Ainsi, Xcarb, acier d’Arcelor, revendique seulement des émissions de l’ordre de 0,3 kg de CO2 par Kg d’acier de construction métallique produite. Les récentes FDES du CTICM affichent également de belles performances, en tenant compte des évolutions constantes d’économie d’émission de CO2 des aciéristes, les objectifs de moins de 1 kg de CO2 généré par Kg de construction métallique sont atteignables pour être diminués au fur et à mesure des évolutions des fabrications.

Ces aciers décarbonés ont un coût, qui vient se rajouter à la hausse des prix de l’acier. Avez-vous une idée sur ces surcoûts ?

Ces aciers décarbonés sont plus chers d’environ 10%. Actuellement la hausse du prix de l’acier est de 40% par rapport au prix le plus bas d’avant la crise. On est passé de 700 euros la tonne en 2020 à 2000 euros au plus haut en 2021 et nous sommes aujourd’hui à 1 000 euros la tonne. Il faut donc compter 1 100 euros la tonne d’acier décarboné, ce qui est largement absorbable par le marché, compte tenu de la hausse générale de tous les matériaux. Les constructions en acier décarboné restent très compétitives.

Il est également question de promouvoir l’économie circulaire. Où en êtes-vous ? 

Parmi les axes sur lesquels travaille le syndicat : le réemploi et l’économie circulaire occupent une place importante. Les constructions métalliques se prêtent idéalement à la démontabilité et au réemploi, qu’il s’agisse d’un bâtiment dans son ensemble, d’éléments modulaires ou bien encore de pièces détachées. Véritables mécanos géants, les éléments métalliques peuvent aisément se démonter, se transporter et se remonter dans de nouvelles configurations de constructions. C’est une option évitant la démolition et donc une reconstruction impactante en termes d’émissions de CO2. Dans cette approche, la traçabilité du matériau et des éléments constitutifs est essentielle afin de définir ses réemplois futurs. Les logiciels existants assurent une traçabilité très précise des éléments constitutifs des structures des bâtiments. Nous sommes en mesure aujourd’hui de définir leurs réemplois futurs. Des banques de poutrelles, plaques, modules, sont déjà répertoriées chez les constructeurs métalliques selon les poids, tailles, capacités structurelles de chaque élément. C’est un marché de l’occasion qui voit le jour.
 

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Pouvez-vous donner quelques exemples ?

Parfaite illustration de cette philosophie verte, la cité de l’éco-habiter à Pantin. Pour la réhabilitation d’un ensemble de cinq bâtiments industriels de 6 000 m² de plancher, la structure métallique principale des ouvrages existants a été conservée. Les chemins de roulement métallique existant dans le hall Diderot, ont été démontés pour être utilisés sur ce projet pour la réalisation des poutres principales des planchers Une partie des pannes support de couverture existante a été redistribuée pour correspondre aux caractéristiques du complexe de couverture, les pannes récupérées lors de cette nouvelle distribution ont été utilisées pour supporter le complexe d’une couverture chaude sur une autre partie du bâtiment et les quelques pannes métalliques restantes ainsi que les ossatures métalliques secondaires de façade ont été intégralement incorporées dans le stock de matière première du constructeur métallique pour une réutilisation sur une structure métallique d’un futur ouvrage. Les justifications des dimensionnements des structures réutilisées ont reçu l’avis favorable du bureau de contrôle de l’ouvrage. Et les travaux sont en cours de finition. Voici un bel exemple !
Aussi, pour la construction de la prochaine usine de Briand aux Herbiers en 2023, près de 100 tonnes de poutrelle d’acier proviendront de l’ossature des ex-halles Alstom de Nantes, dont le démontage s’est achevé en début d’automne 2022.

Un nouveau métier s’ouvre : celui de démonteur ?

Jusqu’ici la démolition des bâtiments était opérée par des démolisseurs. Aujourd’hui, nous faisons plutôt appel à des démonteurs. Les éléments sont déboulonnés pièce par pièce afin d’assurer un usage futur. Ces démonteurs sont bien souvent les monteurs eux-mêmes. Le métier existe déjà en quelque sorte. La nouveauté est le repérage des pièces avant le démontage et la traçabilité.

Comment voyez-vous la construction métallique en 2030, 2040 ?

Essentiel dans la réalisation de structure antisismique, incombustible, imputrescible et insensible aux attaques de parasites, l’acier dispose de deux leviers fort de décarbonation. D’une part son outil de production primaire qui largement se décarbone, associé à une production secondaire déjà en ligne avec les objectifs de décarbonation 2050. D’autre part, il réside dans la possibilité d’intégrer une part de réemploi dans une construction, proche d’une émission zéro carbone, renforçant d’autant la décarbonation de l’ensemble de la structure métallique désormais hybride. Dès à présent, les bâtiments métalliques construits peuvent afficher un niveau de décarbonation atteignant les objectifs futurs de 2040 ready. L’objectif de 0,5 Kg d’émission CO2 voire moindre par Kg d’acier est un objectif atteignable pour l’ensemble de la production ! L’important est de diminuer les émissions de gaz à effet de serre et d’économiser les ressources matière : nous mettons tous les moyens en œuvre pour y parvenir. 

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Rédigé par

Stéphanie Obadia

Directrice de la rédaction

Modérateur

Grégoire Brethomé - Construction21

Responsable éditorial