Alé Sall (ANAH) : "Trouver une solution de rénovation adaptée à chaque typologie de bâti" (partie 3)

Alé Sall (ANAH) :


Délais trop longs, impossibilité de créer un dossier... l'Agence nationale de l'habitat (Anah) est la cible de nombreuses critiques et des procès ont été engagés. Alé Sall, directeur du programme France Rénov' au sein de l’Anah, revient autour d’une interview exclusive à Construction21 sur les grands enjeux de la rénovation.


Comment conjuguer performances énergétiques et décarbonation ? 

Les deux vont ensemble, bien qu’ils répondent à des objectifs de politique publique différents : la réduction des consommations d’énergie en améliorant la performance globale du parc d’une part et la décarbonation des matériaux et des équipements d’autre part.  La rénovation bas carbone qui implique l’utilisation de nouveaux matériaux - biosourcés par exemple – est encore relativement confidentielle. Pourtant c’est la direction vers laquelle on se dirige. Le DPE tel qu'il a été révisé en 2021 intègre une approche à la fois énergétique et carbone avec un indicateur GES. Il faut aller encore plus loin. Le Conseil national de la refondation a fait des propositions en ce sens, pour davantage prendre en compte ces sujets dans les dispositifs d'aides. 

Pensez-vous à une RE2020 de la rénovation par exemple ?

Je ne suis pas sûr qu'il faille aller jusqu’à la règlementation. Imposer n’est pas forcément un vecteur de réussite. Il faut surtout travailler avec les dispositifs que nous avons déjà mis en place : un service public d’information et de conseil avec France Rénov’, une offre d’accompagnement avec Mon Accompagnateur Rénov’, des financements adaptés et des outils d’aide à la décision (DPE, audit…).

Quels sont les principaux freins à la rénovation ? Quels seraient les leviers pour les surmonter et ainsi massifier les opérations de rénovation ?  

L’un des premiers défis à surmonter est celui de la structuration des filières professionnelles sur l’ensemble de la chaîne de valeur : de la conception du projet à sa réalisation, en passant par l’évaluation initiale, l’accompagnement, le financement… Aujourd’hui, elles font face à plusieurs enjeux : celui du recrutement d’un nombre toujours plus important de nouveaux collaborateurs, celui de la formation et la montée en compétences, celui de l’évolution des modèles d’affaires et des pratiques pour répondre à des problématiques complexes (coordination de chantiers de rénovation globale, intégration de solutions bas carbone, innovations liées au numérique et à la data, etc.). 
Le financement du reste à charge est un défi majeur, car il constitue un facteur important de renoncement des ménages à s’engager dans un projet de rénovation. D’où la nécessaire implication des banques et des acteurs du préfinancement, en complément des aides publiques proposées par l’Etat et les collectivités territoriales. 
La rénovation des centres anciens représente aussi un axe décisif car il pose la question de la conciliation des impératifs écologiques, patrimoniaux et architecturaux qui ont chacun leur légitimité. Le modèle est encore à trouver.

Est-ce que des solutions comme les CPE qui n’ont pas réussi à déclencher une massification des économies d’énergie et une transformation des filières sont arrivées trop en avance ? Les conditions n’étaient pas réunies pour son succès ? 

Je ne sais pas si c’est ou non le bon outil. Ce que je sais, c’est qu’il  est essentiel de bâtir des projets de rénovation permettant d’atteindre réellement les objectifs fixés, de travailler avec les ménages sur leurs usages afin d’éviter les effets rebonds. Si on a un logement plus économe, il faut que les usages à l'intérieur de ce logement le soient également. Autrement dit, ce sont nos modes de vie qu’il faut faire évoluer. Ces changements sociétaux sont beaucoup plus profonds qu’on ne l’envisage, et nécessitent d’autant plus d’être accompagnés par des acteurs de confiance.

Réaliser des rénovations globales, décarbonées et intégrées au sein des territoires, c’est possible ?  

Oui c’est possible, mais pour y arriver on a besoin de travailler sur tous les leviers évoqués précédemment : généraliser l’information et le conseil via France Rénov’, massifier l’accompagnement et les aides à la rénovation globale, sécuriser le financement du reste à charge, disposer de professionnels suffisamment nombreux et formés, mieux connaître et évaluer les performances des logements…  toute une transition à mener en somme. Et la dimension territoriale est centrale car il y a besoin d’ancrage et de proximité pour y arriver. D’où le rôle et l’importance des collectivités territoriales dans l’ensemble de ces enjeux. 

Un dernier message à passer en conclusion ? 

L’usager doit rester au centre : il faut répondre à son besoin et l’accompagner vers les travaux les plus ambitieux possibles.
 

Lire le début de l'interview

 

Propos recueillis par Stéphanie Obadia et Grégoire Brethome
 

 

 

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Rédigé par

La rédaction C21

Modérateur

Grégoire Brethomé - Construction21

Responsable éditorial