Trottinettes, vélos électriques… risques d’incendie à grande vitesse !

Rédigé par

Stéphanie Obadia

Directrice de la rédaction

13634 France - Dernière modification le 02/02/2023 - 12:26
Trottinettes, vélos électriques… risques d’incendie à grande vitesse !

Les incendies domestiques se multiplient depuis l’arrivée des trottinettes, vélos, hoverboards motorisés… Le risque est grandissant et pourrait devenir problématique selon les experts.

Une trottinette électrique en charge et la batterie qui explose : c'est l'hypothèse privilégiée par les enquêteurs pour expliquer l'incendie qui a coûté la vie à une mère de famille dans le Loiret en mai 2022. Pareil fin décembre, à Puteaux où le feu se propage sur les trois étages d’un bâtiment résidentiel. De même pour un vélo qui provoque un incendie dans une maison en mai en Seine Maritime (La-Chapelle-sur-Dun) ou encore pour une voiture électrique qui explose à Vannes en janvier 2023. Les cas se multiplient aussi un peu partout à l’étranger. Leurs points communs : les batteries en lithium. Ces exemples ne sont hélas pas des cas isolés. Si aucun chiffre n’est réellement disponible sur ce type d’incendie aujourd’hui - le phénomène de mobilité décarbonée étant encore récent -  l’Observatoire national de la sécurité électrique, ONSE, estime qu’entre 20 et 35% des incendies d’habitation seraient principalement de source électrique dus aux composants de l’installation ou des équipements branchés (et 1/3 aux comportements inadaptés). Pas de chiffres précis donc mais une certitude : les incendies causés par les batteries en lithium des engins de déplacement personnel motorisés (EDPM) sont en nette augmentation. Que ce soient des trottinettes, scooters, gyropodes, skates et trottinettes électriques, hoverboards et monoroues. « Avec les évolutions de la mobilité, les vélos, trottinettes, long rails… se sont développés, sans que pour autant les infrastructures et les locaux à vélos n’aient évolués », souligne Jean-Baptiste Thevenot, en charge de la mobilité chez A4MT. « Les particuliers ne laissent pas leur trottinette ou vélo dans le local dédié ou les parkings par peur de se les faire voler ou tout simplement parce que l’infrastructure n’est pas adaptée. Ils les montent alors dans leur appartement, ce qui n’est pas sans danger », poursuit-il. Le risque d’incendie est en effet réel, en particulier pendant leur temps de recharge ou lorsqu’ils sont entreposés dans un lieu fermé (domicile ou garage). La brigade des sapeurs-pompiers, contactée sur le sujet n’a pas souhaité s’exprimer « pour le moment » même s’ils considèrent néanmoins que « le sujet est effectivement très intéressant », et qu’ils « gardent un œil attentif sur les dangers que représentent ce type d’incendie ».

Les batteries Lithium-ion

Le danger provient des batteries en lithium. Des conditions inhabituelles et/ou excessives d’utilisation (surcharge, court-circuit, présence d’une source de chaleur extérieure …) peuvent entraîner des augmentations brutales de température pouvant conduire à des feux, des explosions ou des fuites de l’électrolyte (produit toxique, inflammable et corrosif, sous forme liquide et gazeuse qu’il ne faut pas respirer). Les vapeurs générées et mélangées avec l’air peuvent alors former une atmosphère explosive, quel que soit l’état de charge électrique de la batterie. Et donc une explosion potentielle. A noter cependant qu’une batterie, même non branchée peu prendre feu. Et que le risque est réel lorsqu’elle est chargée : plus la batterie est chargée, plus la puissance de l’incendie sera forte. 

« Affirmer qu’une batterie lithium-ion est un produit dangereux est une lapalissade », indique David Turmel, directeur des opérations à Corepile, éco-organisme qui assure la collecte et le recyclage des piles et petites batteries. « Il y a déjà eu des cas de tablettes qui ont pris feu dans les avions. Il faut être vigilant. Dans nos entrepôts, les batteries une fois récupérées sont toutes déchargées et stockées dans des locaux spécifiques avec caméras thermiques et détecteurs d’incendie. Nous sommes équipés pour gérer les risques ». Dangereux donc, d’autant qu’une fois en feu, la maitrise de l’incendie se révèle compliquée. « Les feux de métaux, dont le lithium (un métal alcalin), ne s'éteignent pas avec de l'eau mais avec des extincteurs spécifiques de classe D, il faut d’abord refroidir la batterie pour stopper l’incendie », explique Jean-Charles du Bellay, expert feu et chef du Département à la FFB. Les régulateurs du transport aérien et les principales compagnies maritimes ont d’ailleurs édicté des règles très strictes concernant le transport de ces batteries. Il n’en est pour le moment rien pour les logements, bureaux, ERP… Le sujet ne semble néanmoins pas avoir encore été remonté au sein du ministère de la transition écologique en charge des transports. Pour Jean-Charles Du Bellay, « l’administration devrait se pencher sur le sujet. Par exemple, en imposant le rechargement des EDPM dans un local collectif coupe-feu 2H ».

Trottinettes et vélos premiers concernés

Les batteries lithium-ion brûlent généralement en cas de charge incorrecte ; de sollicitation excessive de la batterie ; de gonflement et rupture de la batterie en raison d'une mauvaise conception, fabrication ou charge ou de dommages physiques qui provoquent un contact non maîtrisé entre les parties internes de la batterie... Tous les produits équipés sont donc plus ou moins concernés par ce danger, mais plus encore les trottinettes, hoverboards, voire vélos électriques. « Davantage exposées aux chocs que les voitures, les batteries de ces engins sont plus susceptibles d’être endommagées et de prendre feu », réenchérit Jean-Pascal Berthelot. « Outre les problèmes matériels et de surchauffe, le danger peut également provenir de la qualité de fabrication, du non-respect des normes, d’un manque d’étanchéité et d’infiltration d’eau, de charges sauvages via des multiprises ou des raccordements qui peuvent provoquer des surchauffes ou encore de défaut d’installations électriques dans les bâtiments et infrastructures », poursuit David Turmel. En effet, si les batteries des vélos et trottinettes sont normalement toutes équipées d’un système de gestion de batterie (BMS) pour la surveillance de la tension, la mesure de la température…, seuls les produits plus qualitatifs disposent de BMS sophistiqués qui surveillent également la température du pack et déclencheront une coupure en cas de surchauffe. 

Les voitures ne sont pas non plus forcément en reste, d’autant que certains usagers branchent en direct les prises sans adaptateurs ! « Les batteries de voitures se sont déjà enflammées, notamment pour les recharges rapides (10-20 min), suite notamment à un cumul de puissance », explique Jean-Charles du Bellay. « Sur une charge lente, la probabilité reste cependant très faible ». Il est essentiel d’avoir au minimum une prise renforcée pour les recharges de batteries de voiture électriques.

85% des installations électriques de plus de 15 ans non conformes

Autre élément influent : la non-conformité des installations électriques. En effet, brancher une batterie sur des installations non conformes ne fait qu’augmenter les risques d’explosion, de court-circuit et d’incendie. Ce qui n’est pas rassurant, sachant que 85% des installations électriques de plus de 15 ans comportent au moins une anomalie électrique (prise de terre défectueuse, appareils vétustes ou inadaptés de l’installation électrique, risques de contacts directs avec des éléments sous tension ou encore anomalie sur le dispositif de protection contre les surintensités (source ONSE)).  

« Toutes ces installations de plus de 15 ans doivent être vérifiées par un installateur qualifié avec à la clef la réalisation de travaux de conformité si besoin », poursuivent de concert Renaud Tamberi directeur général de Consuel, le comité national de sécurité pour les usagers de l’électricité et Patrick Aubelis, directeur général de l’ONSE. Ce qui est loin d’être le cas car « si ces installations doivent être vérifiées, 80% des occupants se sentent en sécurité alors que techniquement ils ne le sont pas ».

Quelles solutions ?

Avant toutes dispositions, il est recommandé de vérifier que les EDPM sont bien conformes au marquage CE et de ne pas modifier leur puissance. Aussi, il convient d’utiliser un chargeur adapté, voire d’un adaptateur, de ne pas utiliser de multiprises pour l'alimentation des chargeurs, d’éviter les surcharges et donc de ne pas dépasser les courants de charge maximum autorisés par le constructeur, de se brancher sur un dispositif doté d’une prise de terre, de vérifier l’installation électrique par un professionnel qualifié, de ne jamais charger la batterie sans surveillance, d’installer un détecteur de fumée, de retirer tous les objets inflammables autour de l’engin. Et si l’engin a subi un choc important, de le faire vérifier par un professionnel. Encore mieux, il est préférable de ne pas ramener à domicile les batteries mais de les entreposer dans le local dédié. 

Plusieurs solutions sont possibles comme installer des dispositifs d’alarme de fumées (DAAF) connectés à la box qui puissent envoyer des SMS ; le sprinklage obligatoire dans les parkings ou dans les locaux à vélos ou encore le renforcement de la sécurité incendie de ces locaux : « il existe aujourd’hui plus de contraintes incendie pour les locaux à poubelles qu'à vélos », indique Jean-Baptiste Thevenot. Enfin, les fabricants travaillent sur des nouvelles variantes de batteries lithium-ion comme celles en phosphate de fer lithié (LiFePo4) qui a moins tendance à s’enflammer. 

Adapter les infrastructures et les installations électriques ?

Les nouveaux usages dus à la mobilité décarbonée remettent en question les aménagements actuels (infrastructures, stationnements, installations…). La règlementation évolue d’ailleurs en ce sens (voir encadré) ; des vélos-box ou emplacements vélos dans les parkings avec bornes de recharge voient ainsi le jour dans certaines villes afin d’entreposer son vélo, ou encore des casiers avec recharge sont installés afin de stocker et charger en toute sécurité les batteries. « Cette nouvelle mobilité n’est pas prête de s'arrêter », indique Jean Baptiste Thevenot.« Raison pour laquelle nous devons adapter les infrastructures et proposer des parkings et des locaux à vélos sécurisés. Nous poussons d’ailleurs l’initiative ByCycle afin d’accompagner les foncières dans la sécurisation de ces endroits, offrir une meilleure signalisation, voire même des animations autour de la réparation ou même l’apprentissage du vélo … Bref, donner envie aux particuliers d’utiliser ces espaces ».

La réglementation vélo 

Depuis 2012, chaque copropriété récente doit aménager un local à vélos pour que les résidents puissent stationner leurs deux roues de manière sécurisée. Depuis le 26 décembre 2022, les copropriétés qui possèdent des places de stationnement pour les voitures doivent également proposer un local à vélos sécurisé et intégrer un emplacement par logement dans ce dernier, avec un nombre de places défini en fonction de l’importance de l’immeuble (au moins une place par logement pour les studios jusqu’au deux pièces et deux places pour les T3 et plus). Petit oublié, le cas des copropriétés sans place de stationnement où aucune obligation n’est actée.

Un article rédigé par Stéphanie Obadia, Directrice de Construction21

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Modérateur

Grégoire Brethomé - Construction21

Responsable éditorial