Les points clés du contrôle de concession dans la gestion d’un réseau de chaleur

Rédigé par

Vanina CRUSE

Ingénieure maitrise de l'énergie

2671 France - Dernière modification le 25/01/2023 - 20:00
Les points clés du contrôle de concession dans la gestion d’un réseau de chaleur

L’autorité délégante joue un rôle essentiel dans la vie d’un réseau de chaleur. En contrôlant et en suivant la concession, elle s’assure de la bonne exploitation du réseau et du respect par le délégataire des objectifs techniques, économiques et environnementaux du contrat. Les points clé de cette mission sont illustrés à travers l'exemple du SIPPEREC qui exerce le rôle d'autorité délégante pour cinq grands réseaux de chaleur à base de géothermie profonde en Ile-de-France. 

Un syndicat d’énergie au service des collectivités pour déployer la chaleur renouvelable sur le territoire francilien

Le SIPPEREC est un syndicat d’énergie intercommunal engagé depuis près de 100 ans aux côtés des collectivités d’Ile-de-France et de leurs habitants. Les communes adhérentes à sa compétence « Développement des Energies Renouvelable » sont, pour la grande majorité, situées au sein de la première couronne parisienne. Dans les années 2010, le SIPPEREC a contribué à la relance des réseaux de chaleur alimentés par géothermie profonde, avec la mise en place de plusieurs Délégations de Service Public (DSP) attribuées à des opérateurs privés : le réseau ARGEO (filiale de Engie Solutions) à Arcueil et Gentilly en 2013, les réseau BAGEOPS (filiale de Dalkia) à Bagneux et Châtillon et YGEO (filiale de Engie Solutions) à Rosny-Sous-Bois, Noisy-le-Sec et Montreuil en 2014.

Un suivi et un contrôle actif, mené en concertation avec les villes

Le syndicat   assure la fonction d’autorité délégante en étroite collaboration avec les villes lui ayant délégué leur compétence : il vérifie que le délégataire respecte les termes contractuels de la DSP avant la mise en service du réseau, il suit l’étape des travaux et assure, pendant la phase d’exploitation, les missions suivantes : 

  • Il analyse les CRACs (Compte-Rendu annuel d’Activités de Concession) fournis chaque année par le délégataire et organise des comités spécifiques avec les élus et les services de la ou des villes concernée(s) afin de rendre compte de son analyse des CRACs. 
  • Il organise et participe à des réunions d’exploitation mensuelles avec le délégataire, auxquelles sont conviés les services techniques des villes. Elles permettent au délégant d’échanger régulièrement avec l’exploitant du réseau sur les exigences contractuelles, de proposer des pistes d’amélioration et d’être tenu informé des différents sujets relatifs à la vie de la DSP.
  • Il organise au moins deux comités de suivi par an avec les élus. Des comités de suivi exceptionnels peuvent être organisés lorsqu’une décision des villes est nécessaire sur un sujet spécifique.
  • En cas d’avenant au contrat de DSP, il assure les discussions et négociations avec les délégataires jusqu’à l’écriture de projets d’avenant à soumettre aux élus et aux services avant de recevoir la validation de la Commission de Délégation de Service Public (CDSP) puis du Comité syndical (instance délibérative du syndicat).
  • Il gère les redevances versées par les délégataires privés dans le cadre du contrat : redevance d’occupation du domaine public à destination des collectivités pour le foncier de la centrale et pour les réseaux, redevance de contrôle pour le SIPPEREC, fonds de solidarité mis à disposition des Centres communaux d’Action Sociale (CCAS) pour le paiement des factures de chauffage et d’eau chaude sanitaire des abonnés en situation de précarité énergétique.
  • Il contrôle les dossiers de subventions à transmettre à la Région Île-de-France et à l’ADEME et communique régulièrement avec eux tout au long de la vie du réseau. 

Pour assurer cette mission, le SIPPEREC dédie, pour chacun de ses réseaux de chaleur, un ingénieur référent qui échange régulièrement avec les autres ingénieurs au sein de l’équipe Chaleur Renouvelable ce qui permet un véritable partage d’expériences. L’ingénieur référent travaille également en étroite collaboration avec le pôle Finances et le pôle Juridique du SIPPEREC. Il est aidé par un Assistant à Maîtrise d’Ouvrage (AMO) qui suit la vie du projet et fait ponctuellement appel à des bureaux d’études pour réaliser des audits et mettre à jour les schémas directeurs.

L’assurance d’un service public de qualité pour les usagers

En tant que délégant, le syndicat est particulièrement vigilant à la qualité du service rendu aux clients de la concession, que ce soit en termes de continuité de service, avec un suivi régulier des éventuels dysfonctionnements techniques du réseau, ou en termes de qualité environnementale, avec un contrôle du taux d’énergie renouvelable et du contenu carbone de la chaleur vendue.
Les aspects économiques sont également contrôlés avec soin. D’une part, pour comprendre et anticiper le prix de la chaleur pour les abonnés, mais également pour vérifier que les amortissements et la classification des biens, en particulier des biens de retour, sont bien réalisés. En effet, ce sont des biens qui appartiennent à la collectivité et qui lui reviennent à la fin du contrat. Le syndicat doit donc anticiper cette étape importante pour assurer à la collectivité une reprise du réseau en bon état et à moindres frais. Pour la géothermie profonde, les investissements initiaux étant très importants, il est primordial d’augmenter le plus possible la durée de vie de la centrale de production de chaleur. . 

La cartographie des réseaux de géothermie du SIPPEREC

 


Des évolutions contractuelles nécessaires

Fort de son expérience d’environ 10 ans dans le suivi et le contrôle de DSP de réseau de chaleur à base de géothermie, le SIPPEREC a su accompagner l’évolution des pratiques du chauffage urbain, en intégrant, dans ses contrats de DSP, les avancées règlementaires relatives au droit de l’urbanisme, de l’énergie ou de l’environnement et au contexte économique, social et politique.

Ainsi, pour chacun de ses cinq réseaux, le SIPPEREC a eu l’occasion de mettre en œuvre au moins un avenant par contrat de DSP. Ces modifications contractuelles sont toujours guidées par la recherche d’un équilibre entre les attentes du délégataire et les améliorations techniques ou économiques nécessaires à la qualité du service public, dans le respect de l’intérêt général et de l’environnement. Ainsi, la collectivité délégante s’assure en priorité que le prix de la chaleur reste le plus juste possible pour les usagers, et encourage le délégataire à développer davantage le service lorsque celui-ci a atteint un équilibre économique, afin que la chaleur renouvelable puisse bénéficier au plus grand nombre. 

Des échanges réguliers avec les abonnés et usagers 

Dans un souci de transparence, les délégataires mettent à disposition des abonnés et usagers, avec l’appui du syndicat, des plateformes permettant de connaître la consommation des sites et d’accéder aux factures. Le SIPPEREC est par ailleurs régulièrement saisi par les abonnés et usagers des réseaux pour régler certains litiges (révision des polices d’abonnement, facturation, etc.), notamment en assurant le lien entre les différentes parties prenantes (usagers, bailleurs, syndics, délégataires, …).

Le SIPPEREC veille également à ce que le délégataire contacte les usagers potentiels ayant fait une demande de raccordement via des tiers (France Chaleur Urbaine, changement de fournisseur d’énergie, etc…). Enfin, le syndicat, en lien avec les villes, sensibilise les abonnés sur leurs consommations et communique sur les actions de sobriété énergétique à mettre en place. 

L’ensemble de ces sujets sont approfondis au sein des comités des abonnés.

Le suivi et le contrôle de concession, une mission utile

La Cour des Comptes, dans son rapport relatif au chauffage urbain de septembre 2021, reconnaît qu’un suivi et un contrôle rigoureux dans le cadre d’un partenariat avec les délégataires sont essentiels pour assurer un service public de qualité, continu, compétitif et écologiquement performant. Ceci est vrai quelque soit le mode de gouvernance du projet : DSP attribuée à un délégataire privé, à une société publique locale ou à une société d’économie mixte… C’est en travaillant conjointement avec les villes et en échangeant fréquemment avec les usagers d’un réseau qu’une autorité délégante comme le SIPPEREC peut remplir au mieux cette mission.   

Un article rédigé par Yves Kersuzan, Marion Lettry et Arthur Prévost du SIPPEREC


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Modérateur

Grégoire Brethomé - Construction21

Responsable éditorial