L'unité de méthanisation de la STEU de Pau Lescar
Dernière modification le 05/07/2022 - 15:08
- Année de livraison : 2023
- Adresse : 15 Rue d'Arsonval 64230 LESCAR, France
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33 000 000 €
- Gestionnaire / Concessionnaire
Suez
En 2022, l'usine de dépollution des eaux usées de Lescar, située dans le complexe de traitement des déchets Cap Ecologia, s'offre une nouvelle peau. Cette initiative, lancée par la Communauté d'agglomération Pau Béarn Pyrénées dans le cadre de son Plan Action Climat, et portée par un groupement d'entreprises composé de Suez, Storengy (filiale d’Engie), Egis, Sogea/Vinci et du cabinet Camborde Architectes, se veut à la pointe de la R&D sur l'énergie. En effet, il s'agit du premier projet industriel en France à combiner la production de biométhane et de e-méthane (méthane de synthèse produit par électrolyse et méthanation) pour verdir les usages de 4 500 habitants. Véritable prouesse technologique, cette infrastructure ouvre la voie à une plus grande diffusion de sources d'énergie décarbonées, ancrées dans un système d'économie circulaire qui permet de revaloriser des déchets, tout en offrant à terme un gain économique à la collectivité sur le traitement de ses boues. Elle met également en lumière un écosystème d'acteurs industriels nationaux, tels que cités ci-dessus, partenaires du projet, qui mutualisent leurs expertises pour faire de la France un pays pionnier en matière de transition énergétique et écologique.
Une unité de production d'énergie et de recyclage des déchets optimisée
En mêlant méthanisation, méthanation et électrolyse, cette infrastructure intègre des synergies entre les procédés pour optimiser la production d'énergie en minimisant les pertes matières et énergies fatales (CO2, nutriments, chaleur...).
Tout d'abord, la méthanisation permet de produire du biogaz à partir de la digestion anaérobie des boues usées issues du traitement des eaux usées. Ce biogaz contient du biométhane (60%) directement injecté sur le réseau après épuration, et du CO2 biogénique (40%) généralement rejeté dans l'atmosphère. C'est à cette étape que les acteurs ont souhaité innover. En récupérant ce CO2 et en le combinant à de l'hydrogène H2 - obtenu par électrolyse de l'eau - il est possible de produire davantage de méthane (qualifié de méthane de synthèse ou d'e-méthane) : c'est la méthanation. Les briques d'électrolyse et de méthanation sont directement adossées à l'unité de méthanisation prévue sur le site, ce qui offre une complémentarité intéressante : injection de l'oxygène - coproduit par électrolyseur - dans les bassins d'oxygénation de la station d'épuration et utilisation de la chaleur fatale de la méthanation vers la méthanisation et le séchage des boues. Au sein de ce projet, d'autres boucles vertueuses entre les procédés, les matières et les produits sont créées (voir diagramme ci-dessus), mettant en place une économie circulaire du traitement des déchets et de la production d'énergie verte. Signe du volontarisme de la communauté d'agglomération en matière de transition, le financement du procédé de production de e-méthane est rendu possible grâce aux économies réalisées par la collectivité sur le traitement de ses boues, liées à la mise en place de l'unité de méthanisation.
Une solution aux multiples retombées positives
A l'origine de ce projet : le manque de soutenabilité de l'ancienne usine de dépollution des eaux usées qui occupait le site, à redimensionner pour anticiper les évolutions futures d'assainissement de l'agglomération et dans un contexte de renouvellement des contrats d'exploitation. L'occasion d'y implanter une solution plus efficace était donc toute trouvée.
Un choix motivé
Afin de trouver une autre alternative pour valoriser les boues d'épuration, la communauté d'agglomération a réalisé diverses études de faisabilité comparant différents débouchés. La méthanisation est apparu comme la solution la plus propice pour deux raisons principales. Tout d'abord, les autres installations implantées sur le site Cap Ecologia valorisent également des déchets urbains (présence d'une incinération des ordures ménagères) et offrent donc des sources potentielles de synergies. Ensuite, la méthanisation permettra dans le futur de réaliser des gains financiers, liés à la vente du biométhane et les coûts évités grâce à la réduction des volumes de boues, qui peuvent être réinvestis dans d'autres objectifs du Plan Action Climat.
Le choix d’inclure un procédé innovant de méthanation s’inscrit dans l’ambition de la collectivité de faire un pas de plus dans la décarbonation du gaz consommé localement. Aujourd'hui, c'est une technologie déficitaire en comparaison à l’alternative fossile, du fait des besoins en électricité pour la production du méthane de synthèse. Néanmoins, avec le développement technique de la filière, qui permet à la fois de valoriser de l’électricité renouvelable non-stockable et d’optimiser l’usage de la biomasse en recyclant le CO2, les besoins de compensations sur le prix de vente du gaz ou d'aides à l’investissement pourraient être réduit à termes.
Impacts environnementaux de la méthanisation et de la méthanation
Au-delà de ces motivations, la méthanisation a été sélectionnée pour ses impacts environnementaux, sa participation à une transition vers des sources d'énergie propres en circuit court et donc sa contribution aux objectifs de neutralité carbone à l'horizon 2040 de la collectivité. En effet, grâce à la méthanisation, les boues usées - matière non réemployable ou réutilisable en général - sont valorisées pour créer du biogaz. Cette nouvelle technologie réduit de 30 à 40% le volume de boues d’épuration, tout en consommant trois à quatre fois moins d’énergie qu’un sécheur thermique conventionnel. De plus, elle permet de "recycler" la totalité du bio-CO2 issu de la production de biogaz, et ainsi de décarboner l'installation. Le biogaz est séparé en 2 composantes revalorisables : le biométhane, un combustible renouvelable à la qualité suffisante pour être injecté par GRDF sur le réseau, et le bio-CO2, un CO2 qui provient de la biomasse. Ce dernier peut donc être utilisé en substitution de CO2 provenant de la décomposition de combustibles fossiles, constituant ainsi un double gain. Enfin, l'hydrogène utilisé est produit in situ par de l'électricité solaire : 12 000 m² de panneaux photovoltaïques sont installés sur le site. C'est dans ce sens que la nouvelle unité de méthanisation de Pau Lescar instaure un cycle de production d'énergie en économie circulaire.
L'impact en chiffres :
- Valorisation de 100% du CO2 issu de méthanisation ;
- Décarbonation du traitement des eaux usées et de la production de gaz ;
- -2 300 tonnes de CO2 par an par rapport au site passé grâce à la méthanation ;
- Bilan complet de -550 tonnes de CO2 par an pour l'usine, qui est donc un puit carbone ;
- Valorisation de 10 ressources et énergies produites localement.
Retombées secondaires
Derrière ce projet, on retrouve également des bénéfices secondaires. Il constitue une source d'emploi local, précisément à travers la création de 3 emplois directs pérennes pour l'exploitation, 12 emplois indirects pour la ferme aquaponique et de nombreux emplois liés la construction pendant 2 ans. Par ailleurs, la collectivité a souhaité soutenir des entreprises françaises du secteur, qui participent à l'instauration d'une indépendance énergétique aux niveaux national et local.
Un site d'expérimentation
A son origine, le projet était confronté à plusieurs contraintes : foncières, financières, temporelles et liées au cadre règlementaire. De ces incertitudes, et grâce aux politiques de R&D des acteurs impliqués dans le projet, a découlé une opportunité de réfléchir, de tester et d'innover.
L'étude de faisabilité lancée par la collectivité en 2019, a permis de donner un ordre de grandeur et d'estimer les motivations des acteurs. La communauté d'agglomération a ensuite candidaté au Bac à sable réglementaire de la Commission de régulation de l'énergie (CRE). Le bac à sable CRE - un dispositif réglementaire dérogatoire introduit par la loi énergie-climat de 2019 - autorise des dérogations aux conditions d'utilisation et d'accès aux réseaux de gaz, jusque-là réservé uniquement aux projets de production de biométhane. Ce dispositif offre donc un cadre sécurisant pour expérimenter et s'assurer de la faisabilité du projet de la collectivité.
En parallèle, GRDF a lancé fin 2020 un appel à projets power-to-methane pour se positionner comme catalyseur du développement de la filière e-méthane. La STEU de Lescar a été sélectionnée parmi les 3 lauréats, notamment grâce à son fort potentiel de réplicabilité. Ainsi, le projet bénéficie de l'accompagnement du distributeur sur plusieurs dimensions. Au-delà de l'accompagnement humain du projet, GRDF contribue financièrement à différentes études et analyses en lien avec son activité de distributeur. Une analyse poussée de la qualité du gaz sera menée pour s'assurer de l'absence de risques liés à de potentiels nouveaux composants. Une analyse du cycle de vie est également prévue afin de fournir un retour d'expérience complet du projet. Enfin, GRDF s’investit dans l’adaptation des postes qui permettent l’injection du méthane de synthèse et qui intègrent en particulier une mesure continue de l’hydrogène résiduel présent dans le gaz injecté.
Une solution à répliquer
Les récents scénarios prospectifs de l'Ademe et de l'institut NégaWatt publiés fin 2021 prévoient une forte progression de la production de biométhane et de méthane de synthèse pour atteindre les objectifs climat à l'horizon 2050. Près de 500 000 tonnes d'équivalent CO2 pourraient ainsi être évitées chaque année par rapport au gaz fossile, en valorisant en gaz verts le gisement des boues d'épuration par méthanisation et méthanation. Il y a donc un réel intérêt à répliquer cette solution dans une optique de transition énergétique et écologique.
Plusieurs éléments font des STEU des sites privilégiés pour l'implantation d'unités de méthanisation et de méthanation :
- La forte homogénéité des boues, relative aux autres types de sources de CO2, et la faible quantité d'O2 qui garantissent un faible coût de traitement du CO2 biogénique produit ;
- La quasi-totalité des co-produits (chaleur, oxygène et eau) sont présents sur le site. Leur accès comme leur valorisation sont donc facilités ;
- Leur implantation géographique leur permet d'être raccordées facilement aux réseaux de distribution.
Etat d'avancement
En-cours
Fiabilité des Données
Auto-déclaration
Type de Financement
Partenariat Public/Privé
Entreprise/Infrastructure
https://perspectives-grdf.fr/2021/06/11/la-station-depuration-de-pau-laureate-de-lappel-a-projet-de-grdf/Developpement Durable
Témoignages / Retour d'expérience
Gouvernance
La Communauté d’Agglomération Pau Béarn Pyrénées (CAPBP)
Collectivité Locale
Suez
Privé
La Communauté d’Agglomération Pau Béarn Pyrénées, qui regroupe 31 communes depuis 2017 et est présidée par François Bayrou (maire de Pau) a initié ce projet dans le cadre de sa politique environnementale ambitieuse et volontariste. Pour le mener à bien, elle a réunit un écosystème d'acteurs institutionnels et industriels français. Le succès de ce projet est donc en partie dû à la collaboration de ces acteurs, qui se sont tous engagés et ont dialogué à toutes les étapes. GRDF rapporte par exemple avoir beaucoup échangé avec la collectivité aux sujets des études de faisabilité et des tarifs du biogaz.
D'une part, la communauté d'agglomération rémunère Suez, l'exploitant du site pour 176 mois à hauteur de 6,25 millions d'euros. D'autre part, le producteur paye à GRDF une redevance pour l'exploitation du poste de réseau au titre d'un contrat d'injection. Un contrat de raccordement a également été établis afin de spécifier les responsabilités des acteurs.
La STEU de Lescar offre un gain économique à la collectivité, estimé à 16 millions d'euros sur les 15 premières années d'exploitation.
Pour financer le projet, la collectivité a également bénéficié de plusieurs aides financières, notamment de l'appel à projets "Briques technologiques et démonstrateurs hydrogène" de l'ADEME et d'enveloppes de la région.
C'est le premier projet de ce type au monde, son coût en comparaison d'autres projets de biogaz plus classiques est donc élevé. Néanmoins, le surcoût n'est finalement pas aussi important que prévu, dans le contexte conjoncturel lié à la guerre en Ukraine. Ce surcoût pourrait également être minimisé en considérant l'ensemble des externalités positives générées par le projet (environnementales, sociales, économiques...).
Entreprise Privée
Solution(s) Durables
- Optimisation de la biomasse : près de deux fois plus de gaz produit pour une même quantité de biomasse utilisée ;
- Synergies chaleur et matière grâce à la combinaison de l'électrolyse et de la méthanation ;
- Intégration au réseau gazier facilitée car le gaz est conforme aux prescriptions réseau et que les infrastructures existantes peuvent être mutualisées ;
- Une solution au fort potentiel de réplicabilité ;
- La présence de nombreux acteurs français permet d'assurer une certaine indépendance et résilience des installations.
- Financière : 1,25 million d'euros ;
- Règlementaires : les projets soutenus bénéficient des dérogations aux conditions d'accès et à l'utilisation des réseaux dans le cadre du dispositif bac à sable réglementaire de la CRE ;
- Technique : adaptation des postes qui permettront l’injection du méthane de synthèse et qui intégreront en particulier une mesure continue de l’hydrogène résiduel présent dans le gaz injecté.
- EnR
La filière "power-to-methane"
Cette filière d'innovation, appuyée par GRDF par le lancement d'un appel à projets dont la STEU de Lescar ressort parmi les 3 lauréats, consiste à combiner de l'hydrogène produit par électrolyse de l'eau et du bio-CO2 issu de la méthanisation pour produire du méthane de synthèse. Celui-ci peut ensuite être injecté sur le réseau gazier, le but de l'appel à projets étant d'industrialiser l'injection de méthane de synthèse.
Les avantages sont multiples :
En tant que distributeur, GRDF accompagne les 3 projets lauréats dans leur développement sur plusieurs dimensions :
Cette solution s'inscrit dans la stratégie "gaz verts" de GRDF qui investit dans la R&D sur le sujet pour développer de nouvelles filières, plus ambitieuses, de gaz renouvelables. Pour cela, un groupe de concertation sur l’injection d’hydrogène et de méthane de synthèse a été créé fin 2019. La volonté est double : faire monter en ambition la technique, tout en promouvant un cadre réglementaire adapté et encourageant.
Crédits photo
Maquette : Spectrum / Camborde Architectes
Photo : Eric Labruyère
Raisons de la candidature au(x) concours
- Une filière d'innovation pour diversifier et décarboner nos sources de production d'énergie
- Un projet d'envergure porté par un partenariat public/privé
- Valorisation de 10 ressources et énergies produites localement
- Un site en autoconsommation grâce à l'installation de panneaux photovoltaïques
- De l'énergie produite localement en circuit court