« Les villes, porteuses d’histoires et vendeuses de matériaux »

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Le projet SB&WRC s'inscrit dans le cadre du programme européen Interreg VA France (Manche) Angleterre et bénéficie d’un soutien financier du FEDER.

Interreg SB&WRC

Waste Zone, Futurebuild, 5-7 mars 2019 à Londres

Écrit par Nick Gant Enseignant principal / Fondateur de l’école d’architecture et de design Community21, Université de Brighton

 

L’objectif de l’exposition était de fournir des résultats innovants et de collecter des données pour le projet SB&WRC, tout en offrant un espace intéressant et attractif pour FutureBuild, salon international du secteur du bâtiment. L’exposition a pris la forme d’une carte de ville géante sur laquelle étaient suggérés des matériaux étudiés dans des projets de recherche en cours sur les déchets et la valorisation. Parmi les matériaux cartographiés, les prototypes d’isolants du projet SB&WRC, ainsi que d’autres qui y sont liés ou testés initialement mais qui n’ont pas été retenus.

L’exposition a mis en avant le caractère innovant des prototypes : ce sont des produits potentiels et des solutions « locales » qui contribuent à la gestion des déchets actuellement identifiés comme des problématiques/opportunités, qui offre un potentiel de réduction d’émissions carbone, tout en contribuant également au tissu « social » de la ville. Ce format a facilité l’engagement et le retour d’expériences sur les « valeurs » potentielles récoltées grâce à la cartographie des gisements de déchets géolocalisés et sur leur rôle dans l’augmentation de la durabilité des logements sociaux.  Simultanément, cela a encouragé les cultures « significatives », locales, matérielles, et de nouveaux modèles vernaculaires.

L’exposition a reçu un excellent accueil, les organisateurs ont par ailleurs souligné sa popularité et sa contribution majeure au salon. Un flux quotidien de visiteurs s’est approché des objets, présentés comme des échantillons accessibles qu’ils pouvaient toucher. L’exposition a été présentée par des promoteurs de matériaux et des influenceurs dont la stratégie est basée sur les médias sociaux (y compris Material Stories et Materially Driven). Elle a fourni une excellente toile de fond visuelle qui s’est révélée essentielle dans le cadre plus large de la WasteZone.

L'exposition s'est intéressée à la fois aux aspects quantitatifs (matériels) et qualitatifs (immatériels) de l'environnement urbain. Elle révèle comment les « déchets spécifiques à un lieu » peuvent constituer une base pour des méthodes de conception, à la fois techniques et ethnographiques, et où la recherche se manifeste tant dans le « tissu » social que physique de la ville.

Cartographier les matériaux issus de déchets dans la ville circulaire

L’exposition interactive sur la recherche de matériaux a introduit la notion des matériaux issus de déchets provenant des quatre coins de la « ville » et a montré comment la recherche s’est efforcée de valoriser les déchets grâce à deux approches clés :

  • Exploiter les capacités matérielles des gisements de déchets en termes de caractéristiques physiques, matérielles et techniques et de potentiel de performance ;
  • Dévoiler et exploiter leurs significations en se réappropriant les matériaux réappropriés dans le contexte de l’environnement bâti et de la culture matérielle d’une ville.

 

On admet donc que le processus de valorisation et d'élévation de la « valeur » du déchet, par rapport à l'environnement bâti, concerne à la fois les processus techniques de transformation du matériau dans un état utilisable, mais aussi le sens que peut avoir la réutilisation et le recyclage de ces matériaux dans la culture du consommateur et du matériau.

Culturellement, les matériaux et processus que nous utilisons révèlent leur signification par rapport aux aspects et au contexte de leur utilisation au fil du temps (Karana, 2010). Cependant, nous reconnaissons également leur valeur comme partie intégrante du processus de facilitation, d’accélération, mais également d’incarnation, de communication et de médiation du changement (Gant, 2016) en tant que matériaux vernaculaires de leur localisation (géographique et au sein de la politique et du processus de traitement des déchets, de réutilisation et de recyclage). En prenant conscience que le matériau importe au-delà de la simple matière recyclée, et est potentiellement important sur le plan social et culturel en devenant « autre chose » (Ingold, 2011), nous nous engageons significativement dans des métriques qui prennent en compte la valeur sociale du matériau (Appelgren, 2019). C’est une caractéristique du paysage des déchets qui gagne aujourd’hui du terrain dans la recherche universitaire.

Nous avons adopté une approche basée sur la recherche, dans laquelle les connaissances sont générées par le biais de et à propos de la recherche, comme processus constructif d’investigation (Koskinen, et al, 2007) et de réflexion (Adamson, 2011). Par conséquent, les « produits » créés et présentés ont été conçus via la recherche et sont porteurs de proposition (Walker, 2013). Par cette approche, nous menons une forme d’enquête, qui révèle à la fois des résultats imprévisibles et des attentes de résultats se reposant sur des connaissances et des hypothèses bien établies. Nos produits constituent des solutions pour les utilisateurs, mais facilitent et incarnent aussi la recherche.

Afin d’avoir la vision des industriels sur les matériaux présentés, nous leur avons demandé d’indiquer, sur la cartographie, si les individus pensaient que les matériaux offraient :

  • De la valeur : Selon votre définition de « valeur », la réutilisation et le traitement des déchets créent-ils de la valeur ou non ?
  • Du sens : Les échantillons de matériaux présentent-ils des propositions significatives sur le plan matériel, social, culturel, etc. ?
  • Une utilisation : L’utilisation de ces matériaux est-elle applicable à l’environnement bâti et. Ou à votre entreprise ou secteur d'activité ?
  • De la durabilité : Selon vous, ces propositions de matériaux sont-elles durables ?

Bien qu'il ne s'agisse pas de données sécurisées, les participants n'étaient pas catégorisés et le processus ne pouvait pas être contrôlé comme tel, mais l’approche permettait de fournir un retour d’informations immédiat, tout en élevant le profil du projet dans un contexte industriel.

 

Retour d'expériences (données qualitatives et verbales).

 

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L'utilisation de plumes, qu’importe leur provenance (comme des décharges dont on aurait détourné l’utilisation), est une question litigieuse et certains avis mêlent l’usage des projets avec l'élevage et l'utilisation de matériaux issus d’animaux, et de méthodes dans certains cas, ce qui se traduit par des données négatives.

 

De manière plus générale, certains, à l’opinion mitigée, ont considéré que l’utilisation de matériaux qui étaient entrés en contact avec des humains était problématique, ce qui s’est vu dans la série de commentaires en défaveur des métriques.

On a pu noter, de manière récurrente, qu’il était difficile, pour tous les produits isolants exposés, de justifier leur signification dans certains cas car ils sont effectivement recouverts (à l’intérieur d’une cavité et non visibles). Mais les participants ont reconnu l’utilité de raconter leur histoire à l’extérieur du bâtiment (selon les détails des tuiles).

 

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Comme montré ci-dessus, des problèmes similaires sont associés à l’utilisation de produits ayant été en contact avec l’Homme, et à la nature d’un matériau qui n’est pas nécessairement « valorisé » s’il est « simplement déposé à l’intérieur des murs ». Mais là encore, cela a été, dans une certaine mesure, polarisé et d’autres personnes ont vraiment valorisé la question d’une telle problématique en matière de déchets, trouvant un usage sensé, conforme à l’objectif visé et à l’investissement fait pour créer un matériau isolant, qui serait autrement gaspillé.

Selon l’appartenance ou non du participant au secteur de la construction (comme certains étaient marchands, journalistes…), les retours quant à l’applicabilité variaient (comme certains commerçants, journalistes, etc). En général moins positives, des préoccupations ont été exprimées concernant la stabilité des matériaux (comme les fibres de plastique, qui font référence aux préoccupations récentes liées à la pollution plastique des microfibres), et la difficulté de gestion des plumes. Ceci a un rapport avec les discussions sommaires relatives aux possibilités de « prochaine étape ».

 

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Grâce aux retours reçus, la paille a été clairement identifiée comme solutions isolante déjà utilisée dans la culture et pour « l’éco-isolation ». Il faut noter que les aspects novateurs de la recherche se doivent d’être expliqués et soulignés pour que l’innovation soit reconnue. Les problématiques d’applicabilité ont de nouveau concerné la difficulté d’utilisation potentielle de la paille (selon l’expérience de certains qui l’utilisent) et, là encore, sa valeur est restreinte du fait qu’il ne s’agisse en réalité que d’une « solution cachée ».

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Les avis concordaient avec ce qui précède (en relation avec des pratiques agricoles « non durables »), c’est-à-dire avec la nature cachée d'un produit qui n’est pas recyclé, mais comme pour les autres, ceci était également perçu comme une utilisation intelligente et durable d'un produit dérivé et d'une possible agro-industrie/diversification. L’aspect textuel et « organique » du matériau a attiré des commentaires positifs et a été traité jusqu’au point de destruction. Il est sans aucun doute considéré, en tant que matériau innovant, comme représentatif.

 

Globalement, les retours exprimés oralement et l’engagement ont été très positifs. Discuter avec les visiteurs a permis de faire comprendre la nature esthétique et contextualisée, le concept de l’exposition et l’approche novatrice des prototypes. Les commentaires individuels étaient variés mais des thématiques communes ont émergé :

  • L’intérêt de représenter « l’envers du décor » et la manière dont les isolants cachés sont évidemment moins « significatifs » en tant que produits de construction s’ils sont hors de notre vision (comme le suggèrent également les données). Cela a évidemment été encouragé par notre présentation lorsque l’on a suggéré le duvet avec une tuile anti-pluie efficace destinée à favoriser l'isolation. Les visiteurs ont alors commenté sur la manière dont cela pourrait être reporté sur chaque prototype.
  • D’autres sujets communs de discussions tels que la prochaine phase de développement et la reconnaissance du fait que des opportunités « locales » Un autre point commun de discussion concerne la prochaine phase de développement et la reconnaissance du fait que des opportunités « locales » seraient encore améliorées grâce à des systèmes qui soutiendraient la diversité du secteur agroalimentaire et/ou des systèmes de fabrication qui soutiendraient la production des prototypes comme adaptations/opportunités locales de commercialisation. Ceci suggère la possibilité d’études de faisabilité sur des projets ultérieurs concernant la possibilité de fournir aux PME locales des propositions commerciales en matière de diversification de l’industrie agroalimentaire, d’adaptation des machines et de mise en œuvre de chantiers, afin de vraiment soutenir et optimiser les possibilités de réduction des émissions de carbone permises par des systèmes de fabrication distribués (réf Baurley, Tooze, etc.) ou diffus (plutôt que centralisés) (Manzini, 2016).

 

Voir ci-dessous des exemples d'images, images prises par Nick Gant lors de l’exposition :

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Article rédigé par l'université de Brighton, partenaire du projet SB&WRC

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