Des intervenants inspirants à la conférence « Bâtiments sains » 2019 de ASBP

pages:newchild

Le projet Sustainable Bio and Waste Resources for Construction (SB&WRC) s'inscrit dans le cadre du programme européen Interreg VA France (Manche) Angleterre et bénéficie d’un soutien financier du FEDER.

La troisième conférence et exposition sur les bâtiments sains de ASBP (Alliance for Sustainable Building Products) a eu lieu le jeudi 28 février 2019 à Londres à l’Université de South Bank. Le thème : « Le plastique dans la construction : enjeux, impacts et alternatives" a réuni deux grands journalistes spécialistes en développement durable qui ont résumé les différentes sessions de la journée.

Extrait d’un article de synthèse rédigé par Hattie Hartman, rédactrice en chef développement durable, Architects’ Journal. Publié pour la première fois le 21 mars 2019.

Emily PennSi vous avez assisté le mois dernier à la 3e conférence annuelle de ASPB, « Le plastique dans la construction », vous ferez probablement un effort concerté pour ne plus jamais toucher au plastique à usage unique. Le message qui a émergé de l'événement, tenu à guichets fermés à l’Université de South Bank de Londres, est qu'il est difficile, mais essentiel, d'éviter, ou du moins de réduire, l'utilisation du plastique dans le secteur de la construction.

La conférencière star Emily Penn, diplômée en architecture de Cambridge, a pris une décision qui a changé sa vie en 2008 lorsqu'elle a décidé de passer son année à Melbourne, en Australie. Alors qu’elle faisait de l’auto-stop sur un bateau alimenté au biodiesel, elle a été choquée en plongeant dans l’océan, au « milieu de nulle part », de se retrouver dans une mer de plastique. Cela a été le déclic qui a lancé Emily Penn dans une carrière inattendue de « défenseuse des océans », faisant campagne pour la réduction des plastiques et des toxines dans l’océan. Penn a fondé et dirige désormais eXXpedition, une organisation à but non lucratif qui organise dans le monde entier des expéditions de voile réservées aux femmes afin d’étudier la pollution des océans.

Les recherches d’Emily Penn ont révélé les effets dévastateurs du changement climatique sur la pollution plastique. A cause de la surpêche, les populations locales ont du mal à attraper des poissons. Elles rencontrent aussi des difficultés à cultiver leurs terres, devenues salées en raison de l’élévation du niveau de la mer. Situées dans des endroits lointains, elles parent au plus vite en recourant à l’importation de nourriture, souvent emballée dans du plastique. Malheureusement, ces populations sont mal équipées en matière d'enfouissement de déchets, de sorte que les plastiques, la plupart conçus pour durer éternellement, se retrouvent dans l'océan.

Cette expérience a amené Emily Penn à mener une expédition à la recherche des tristement célèbres îles de plastique (de la taille du Texas ou de la France), dont parlent souvent les médias. Sa découverte ? Ces îlots de plastique flottants sont un mythe : certes, le plastique flotte par paquets, mais la majeure partie des 8 millions de tonnes déversées chaque année dans l’océan se fragmentent en morceaux minuscules, plus petits que l’ongle de l’auriculaire. Ces morceaux de plastique en forme de boulettes ne se décomposent pas ; certains tombent tout au fond de l’océan et sont pratiquement impossibles à nettoyer.

Emily Penn explique que 9% seulement du plastique utilisé dans le monde est actuellement recyclé. Les articles les plus faciles à recycler sont ceux fabriqués à partir d'un seul type de plastique, mais d’autres tels que les brosses à dents et de nombreux produits pour la construction contiennent plus d'une sorte de plastique, ce qui rend leur recyclage complexe. Selon Emily Penn, cette inadéquation entre la conception du produit et la science des matériaux doit être corrigée afin de maximiser les possibilités de recyclage et de réutilisation.

Penn et ses collègues ont utilisé des tamis spéciaux pour collecter les microplastiques afin d’en étudier la composition chimique et d’essayer d’en identifier la source. Ils attachent également des capteurs pour « suivre » les débris. Autre conséquence imprévue de l'explosion du plastique dans les mers : les poissons confondent microplastiques et nourriture.

Emily a constaté, suite à un test sanguin, que 29 des 35 produits chimiques interdits par les Nations unies étaient présents dans son sang. « Même si le défi environnemental que posent les plastiques dans l’océan peut sembler lointain, nous avons déjà tous une empreinte chimique qui affecte directement notre système endocrinien », explique Emily Penn. Cela l'a amenée à recruter des équipages exclusivement féminins pour ses expéditions : journalistes, artistes, conceptrices de produits, enseignantes, biologistes marines, chimistes, décideuses politiques.

E. Penn constate qu'il n'existe pas de solution miracle pour résoudre la crise du plastique, mais son mantra est désormais « AIR : éviter, intercepter, redessiner » (Avoid, intercept, Redesign). Elle cite le succès de la ligne Adidas Parley qui transforme les bouteilles plastique en chaussures et vêtements de tennis, tout en faisant remarquer que les baskets elles-mêmes finiront par se retrouver en décharge.

Les produits, et c’est valable aussi pour ceux dans la construction, doivent être entièrement repensés pour être biodégradables et ne pas devenir des déchets. Actuellement, il existe un fossé entre la science des matériaux et la conception des produits. Il faut que chaque secteur de la société change pour que le plastique jetable soit considéré comme la cigarette. En ce qui concerne le secteur du bâtiment, Penn préconise des bâtiments plus modestes, conçus dans l’objectif de célébrer la nature. Les campagnes de sensibilisation sont essentielles pour amener vers un changement de réglementation, car le secteur de la construction est « dépendant des politiques », et lent à se transformer.

Les experts de l’innovation qui disposent de meilleures ressources en R&D doivent ouvrir la voie, aux côtés des consommateurs qui peuvent déployer leur « pouvoir social » pour mobiliser du bas de l’échelle vers le haut. La prochaine expédition d’E. Penn, prévue au départ de Plymouth en octobre 2019, a rassemblé 10 000 demandes de candidature de femmes du monde entier.

 

Extrait de l'article de synthèse rédigé par Kate de Selincourt, journaliste indépendante et contributrice régulière au magazine Passivhaus Plus.

photo2Le plastique dans la construction était au cœur de la conférence et de l’exposition 2019 sur les « bâtiments sains » d’ASBP. Après les présentations impressionnantes et alarmantes de la matinée, décrites par Hattie Hartman ci-dessus, le public a découvert comment le plastique et ses composants peuvent pénétrer, et potentiellement nuire, à notre corps, ainsi que les solutions pensées par les professionnels de la construction pour réduire l'impact du plastique.

Ben Humphries, de Architype et membre du conseil d’ASBP, était particulièrement préoccupé par l’impact du PVC, un produit que les entreprises s’efforcent de ne pas mentionner. En effet, « le PVC est fabriqué à partir d’ingrédients toxiques, il libère des toxines et il est toxique de l’éliminer. », dit-il.

Ben Humphries a cité le Centre pour la Santé, l’Environnement et la Justice, qui qualifie le PVC de « plastique le plus toxique pour la santé des enfants et l’environnement ». Il a fait part de recherches récentes menées aux États-Unis sur la manière dont les composants du PVC pénètrent dans le corps des enfants. Dans les maisons où les revêtements de sol étaient tout en vinyle, les concentrations des métabolites de phtalate de benzyle et de butyle dans l’urine des enfants étaient 15 fois supérieures à celles de l’urine des enfants vivant dans des maisons dépourvues de revêtement de sol en vinyle. "Pourtant, le PVC est très souvent utilisé dans les crèches ! », a ajouté Ben Humphries.

La professeure Anna Stec du Centre de recherche sur la science des risques et les incendies de l’Université de Lancashire, qui s’est exprimée lors de la conférence de 2018, a rappelé à l’audience à quel point le plastique est toxique lorsqu'il brûle. Les polymères synthétiques (dérivés du pétrole), très utilisés, brûlent plus rapidement que les matériaux naturels (bois, laine, coton, cuir, etc.) ; ils génèrent également plus de fumée et d'effluents toxiques. La toxicité au feu, due au monoxyde de carbone (CO) et au cyanure d'hydrogène (HCN) asphyxiants, est connue pour causer la mort à court terme de la plupart des victimes d'incendie. Lorsqu'un produit contient des halogènes tels que le chlore ou le brome, des irritants au feu tels que l'acide chlorhydrique ou l'acide bromhydrique sont également libérés.

On retrouve le plastique en grande quantité dans les bâtiments, dans le mobilier et leur contenu, ainsi que dans les structures elles-mêmes. Et pourtant, comme l'a souligné le professeur Stec, bien que les produits soient testés et réglementés selon les différentes caractéristiques du feu (temps d'inflammation, propagation du feu, etc.), la toxicité de la fumée – qui est en réalité ce qu’il y a de plus meurtrier dans un incendie – n'est pas réglementée. Le département du professeur Stec ayant étudié la réaction au feu de différents plastiques que l'on trouve communément dans les bâtiments, Anna Stec a expliqué comment, selon la composition chimique du plastique, les caractéristiques de la fumée s’en trouvaient modifiées.

Les plastiques contenant de l'azote (tels que les mousses de polyuréthane ou de polyisocyanurate) libèrent du cyanure d'hydrogène (HCN) lorsqu'ils brûlent. L'asphyxie – ou privation d'oxygène – est causée par l'inhalation de CO qui se lie à l'hémoglobine à la place de l'oxygène, ainsi que par le HCN qui empêche l'absorption d'oxygène par les cellules. La privation d'oxygène entraîne confusion, perte de conscience et éventuellement la mort. Si le CO est la seule substance toxique, la mort survient entre 50 et 80% de COHb. Avant cela, une exposition à 200 ppm de HCN pendant seulement 2 minutes entraîne l’immobilisation, a déclaré le professeur Stec.

Le polystyrène, quant à lui, ne contient que peu ou pas d'azote ou d'halogènes. Cependant, il brûle très rapidement et libère alors d'énormes quantités de fumées noires épaisses, ce qui bloque fortement la vue ou la respiration.

Au Royaume-Uni, l’ignifugation des meubles en plastique et des isolants est obligatoire. Bien que l'objectif premier du traitement par retardateur de flamme soit de sauver des vies, leur utilisation suscite aussi l’inquiétude du professeur Stec. Certains des ignifugeants halogénés et organophosphorés ne restent pas contenus dans les produits. Ils se retrouvent dans la poussière domestique, qui, comme le Dr Stephanie Wright l’expliquait le matin-même, s’infiltre dans notre corps.

Autre sujet préoccupant pour le professeur Stec : si les retardateurs de flammes empêchent effectivement la propagation de la flamme, ils ne freinent pas nécessairement la production de fumées toxiques. En réalité, ses recherches ont montré que certains retardateurs halogénés augmentaient considérablement la production de cyanure d'hydrogène lors de la combustion d’un canapé. Cela signifie que les occupants d’un bâtiment peuvent avoir moins de temps, au lieu d’en avoir plus, pour s’échapper. Conformément aux avertissements du professeur Stec, les effets à long terme des toxines générées lors d’incendies sont particulièrement préoccupants pour les personnes qui y sont exposées de façon répétée en raison de leur travail : pompiers, policiers judiciaires ou encore équipes de nettoyage.

Article rédigé par ASBP, partenaire du projet SB&WRC

pages:history

pages:more