Anne-Sophie Perrissin Fabert, Alliance HQE-GBC, donne son avis sur le projet SB&WRC

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Le projet SB&WRC est soutenu par le programme européen Interreg VA France (Manche) Angleterre et bénéficie d’un soutien financier du FEDER.

Le projet Interreg SB&WRC a pour objectif de développer trois prototypes de matériaux de construction à base de coproduits agricoles et du recyclage. A l’issue du projet, les 8 partenaires de ce projet franco-anglais, espèrent voir leurs produits entrer sur le marché grâce à des industriels et des professionnels qui prendraient le relais. En février et en mars 2018, deux ateliers ont été organisés pour aller à la rencontre de ces professionnels et récolter leurs suggestions et leurs questionnements. Pour compléter ces avis venus du terrain, nous avons interrogé Anne-Sophie Perrissin-Fabert, Directrice de l’Alliance HQE-GBC qui a créé la certification HQE et continue de la faire évoluer. Elle nous a donné son point de vue sur notre projet, et une perspective par rapport aux exigences auxquelles nos prototypes devront répondre.

Quel est votre sentiment sur l’introduction de nouvelles solutions biosourcées et recyclées dans les matériaux de construction ?

Anne-Sophie Perrissin-Fabert : Avant toute chose, il faut s’attacher à regarder l’aspect fonctionnel de la solution. Au-delà de l’innovation, est-ce que cette solution remplit bien son rôle ? Dans le cas du projet SB&WRC, il s’agit d’isolant. En tant que créateurs de certifications, nous sommes toujours heureux de voir de nouvelles solutions entrer sur le marché. Le biosourcé et les matériaux recyclés sont une source intéressante pour l’innovation, mais à condition qu’ils amènent une véritable innovation tout en remplissant parfaitement leur fonction. Est-ce qu’il y a une progression sur la performance ? Sur la longévité ? Sans compter l’aptitude à l’usage de la solution.

Que trouvez-vous intéressant dans la démarche adoptée par ce projet ?

Anne-Sophie Perrissin-Fabert : D’abord de mener des recherches sur les matières premières secondaires et le soin apporté à ne pas empiéter sur des ressources déjà utilisées par d’autres filières. A l’heure de l’économie circulaire et de l’épuisement des ressources, c’est une initiative plus que bienvenue et très utile. Toutefois, il faut garder à l’esprit que la garantie d’une véritable performance bas carbone de telles solutions nécessite des FDES avec une analyse cycle de vie poussée.

Il aurait peut-être été plus facile de faire un travail de substitution des matières premières à partir d’un produit industriel déjà existant, plutôt qu’une création ex-nihilo, mais comme le projet se fait sous l’égide de l’union européenne, il est compréhensible que les industriels ne soient impliqués que dans un deuxième temps.

Quelles seraient vos réserves quand on vous parle de matériaux biosourcés ?

Anne-Sophie Perrissin-Fabert : Lorsqu’il s’agit de coproduits agricoles, je pense qu’il faut s’assurer qu’il n’y a aucun reste de pesticides dans ces coproduits, mais aussi que la solution est imperméable aux problèmes fongiques. En France, notre étiquetage sanitaire de produits ne couvre que les COV et quelques polluants. Avec le développement des matériaux biosourcés, il faudra sûrement étendre ces vérifications.

L’enjeu sanitaire sur les matériaux recyclés est moins prégnant, mais il y aura certainement des craintes sur la durabilité des fibres de polyester.

Dans les deux cas, la question de l’emballage de l’isolant est cruciale pour évaluer ces solutions et savoir ce qui sera au contact de l’air intérieur.

Quels sont vos conseils pour faciliter l’adoption de ces solutions par les professionnels ?

Anne-Sophie Perrissin-Fabert : Les gens de terrain sont pragmatiques. Pour qu’ils choisissent une solution plutôt qu’une autre, il y a plusieurs facteurs bien concrets :

  • Le prix, qui doit être équivalent pour une même fonction
  • L’ergonomie du produit, son aptitude à l’usage, une prise en main et une mise en œuvre simple
  • L’aspect sécurité du produit : pour le client mais aussi pour les professionnels

Il faut bien penser qu’adopter une nouvelle solution, c’est aussi casser une habitude. Il faut donc des arguments forts pour y parvenir durablement.

Dans un second temps seulement, viendront les considérations environnementales.

Sur la question du prix, il faudra peut-être faire attention à la perception qu’ont les gens des matériaux recyclés. Ils peuvent être vus comme des produits de seconde main, ce qui induit une fausse idée qu’ils seraient moins chers qu’un produit dit « neuf ». De même pour le coproduit agricole.

Quel est votre point de vue en tant que directrice de l’Alliance HQE-GBC ?

Anne-Sophie Perrissin-Fabert : Du point de vue de la certification environnementale l’innovation n’a de sens que si elle amène plus de performance sur au moins un aspect. Cette nouvelle solution permet-elle de diminuer les coûts de construction ? Est-ce qu’elle permet un développement économique local ou crée des emplois ? Quelle est sa performance carbone et environnementale ? A fonction égale, remplace-t-elle parfaitement les procédés plus classiques ?

Je suis curieuse de voir les performances que les trois prototypes SB&WRC montreront à l’issue des tests en laboratoire et en réel. Cette double approche biosourcés-recyclage est particulièrement originale et correspond et contribue à l’émergence de l’économie circulaire dans la construction.

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