Analyse des enjeux techniques et juridiques du projet SB&WRC

Le projet SB&WRC est soutenu par le programme européen Interreg VA France (Manche) Angleterre et bénéficie d’un soutien financier du FEDER.

Dans le cadre du programme européen Interreg France (Manche) Angleterre, le projet SB&WRC ambitionne de créer 3 prototypes d’isolants thermiques issus de bioressources et de déchets présentant une empreinte carbone inférieure de 25% à celle des isolants standards sur le marché (type laine de roche et laine de verre). L’ambition du projet est ainsi de développer de nouvelles solutions d’isolation permettant de réduire l’impact carbone du bâtiment et le prélèvement des ressources minérales, et disposant d’un réel potentiel de développement à moyen terme.

Pour permettre aux prototypes SB&WRC d’atteindre ces objectifs, leur conception s’appuie sur une phase d’analyses préalables ciblant une série d’enjeux techniques et juridiques structurants à l’échelle du territoire France (Manche) Angleterre [FMA]. Dans ce cadre, et sous la coordination de Nomadéis, les partenaires ont conduit quatre analyses préliminaires concernant notamment les contraintes techniques et juridiques de production des prototypes, leur contexte de mise en œuvre dans l’environnement bâti du territoire, et les modalités d’évaluation de leur impact environnemental et économique. Les résultats de ces analyses préliminaires seront exploités très prochainement au cours de deux ateliers de conception réunissant partenaires du projet et professionnels du bâtiment durable (Londres – 28 février ; Rouen – 13 mars). .

Retour sur un premier semestre de projet déterminant dans la conception des prototypes SB&WRC :

• Réduire le prélèvement des ressources minérales : quels gisements de bioressources et de déchets ?
• Intégrer les prototypes SB&WRC dans le bâti existant : quelle(s) option(s) innovante(s) ?
• Mobilisation de déchets dans la production de matériaux : quelles conditions juridiques ?
• Objectiver l’impact environnemental et économique des prototypes – quelle méthodologie appliquer ?

1.     REDUIRE LE PRELEVEMENT DES RESSOURCES NATURELLES : QUELS GISEMENTS DE BIORESSOURCES ET DE DECHETS ?

Objectifs

Afin d’assurer le potentiel de développement à grande échelle des prototypes SB&WRC, les partenaires ont souhaité mobiliser des ressources largement disponibles sur le territoire France (Manche) Angleterre. Une première tâche a donc consisté à évaluer le gisement disponible de différentes ressources pré-identifiées, et d’en étudier les principaux stocks et flux à l’échelle de la zone du programme. Il s’agissait d’analyser de manière précise les volumes disponibles, les modalités de transport et de traitement et la structuration des filières des matières premières suivantes :

• Les coproduits agricoles de la culture du blé (paille), du maïs (cannes) et des oléagineux comme le colza et le lin (grains et pailles) ;
• Les produits de cultures dédiées : fibres de chanvre et lin ;
• Les déchets de terre cuite et textiles usagés.

 Approche méthodologique

Nomadéis a conduit, à l’aide des différents champs d’expertise des partenaires, une analyse bibliographique qualitative et quantitative permettant de mesurer les volumes théoriquement disponibles et de formuler des hypothèses sur leurs usages actuels. Des entretiens avec les acteurs du secteur agricole et des filières de valorisation des déchets ont permis de préciser l’approche et de déterminer de manière précise le gisement supplémentaire disponible pour la construction.

Premiers résultats

Ces analyses ont permis d’établir un premier classement des ressources selon leur potentiel à être utilisées comme matières premières selon différents critères : leur disponibilité (actuelle et future), en lien avec les concurrences d’usage notamment, mais également leur accessibilité (coûts, difficultés techniques de mobilisation).

Les ressources satisfaisant de manière positive tous ces critères sont le colza, le lin, le maïs grain, la paille de céréales, la terre cuite et le textile. Le chanvre et le lin textile, productions industrialisées, restent plus complexes à mobiliser.

Figure 1. Evaluation du volume supplémentaire disponible de paille de colza

2.     INTEGRER LES PROTOTYPES SB&WRC DANS LE BATI EXISTANT : QUELLE(S) OPTION(S) INNOVANTE(S) ?

Objectifs

Afin de concevoir des prototypes spécifiquement adaptés aux particularités de la zone INTERREG FMA, les partenaires ont souhaité établir une typologie du bâti permettant d’identifier les systèmes constructifs les plus répandus et sur lesquels le design des prototypes pourrait s’appuyer, facilitant de fait leur massification ultérieure.    

Approche méthodologique

Nomadéis a, dans un premier temps, dressé un panorama de la zone Interreg France (Manche)Angleterre (dénombrement de la population, analyse de la densité de population à l’échelle des deux zones, identification des principaux pôles urbains, analyse de l’évolution démographique, etc.) afin de mettre en exergue les spécificités de la zone en termes d’organisation de l’espace et d’analyser les tendances susceptibles d’impacter à long terme l’activité du bâtiment et donc la demande de matériaux de construction.

L’équipe projet s’est ensuite attachée à établir un état des lieux du parc résidentiel à l’échelle de la zone Interreg France(Manche) Angleterre, à travers l’analyse de la structuration du parc de logement et de son évolution récente, et de la typologie des bâtiments (profil des logements, taille des logements, performance énergétique, etc.).

Enfin, une analyse de la dynamique récente de construction neuve à l’échelle de la zone Interreg France (Manche)Angleterre a été conduite.

Premiers résultats

De cette analyse ressortent plusieurs spécificités à prendre en compte pour anticiper l’évolution future de la demande de matériaux d’isolation (pour la rénovation notamment). La zone FMA présente notamment une forte proportion de maisons individuelles de taille relativement importante, occupées en majorité par des propriétaires occupants. La rénovation de ce bâti datant souvent d’avant 1914 peut par ailleurs justifier l’emploi de matériaux biosourcés, idéals pour garantir la gestion des transferts d’humidité des parois construites en pierres locales, moellons ou pierres de taille, ou briques de terre cuite pleines. En ce qui concerne la construction neuve, quelques signes de reprise en France comme en Angleterre sont observés. Les réglementations thermiques nationales sont par ailleurs favorables au développement de bâtiments à faible énergie grise. 

Figure 2. Comparaison de la typologie du parc de logements à l'échelle de plusieurs pays européens

3.     INTEGRER DES DECHETS DANS LA CONCEPTION DE MATERIAUX : QUELLES CONDITIONS JURIDIQUES ?

Objectifs :

Cette activité visait à clarifier le contexte juridique encadrant les activités de traitement et de valorisation des déchets, de manière à indiquer, à tout acteur tiers intéressé par le développement à grande échelle des prototypes SB&WRC, les procédures à suivre afin de respecter la réglementation applicable.

Approche méthodologique :

Ce travail a été basé sur une analyse bibliographique approfondie. L’enjeu était de présenter à la fois le cadre juridique général qui régule le recours à des déchets recyclés pour la production d’isolants dans le bâtiment, mais aussi les obligations concrètes qui en découlent pour des fabricants intéressés par cette opportunité. La plupart des études consultées ne permettaient pas de comprendre quelles étaient les implications juridiques tangibles pour les acteurs de terrain. Un travail de recherche long et minutieux a été nécessaire pour rassembler les informations qui permettent de connaître ces obligations, et cela pour chaque étape du processus de production.

Résultats :

La note a été conçue comme un outil pédagogique destiné à des acteurs souhaitant substituer des déchets recyclés à de la matière primaire dans leur processus de production. Elle intègre un schéma introductif qui permet au lecteur de repérer et consulter directement les parties de la note qui le concernent.

Figure 3 : schéma synthétique sur l’encadrement juridique de la fabrication de matériaux à partir de déchets

 

Elle offre en particulier :

• Une présentation des définitions juridiques essentielles, portant notamment sur le statut de « déchet », les obligations qui y sont attachées, et la catégorisation des acteurs impliqués dans la gestion des déchets ;
•  Une synthèse des enjeux réglementaires à prendre en compte en vue de la valorisation de déchets, une attention particulière étant portée à la procédure de sortie du statut de déchet ;
• Un état de lieux des démarches à suivre à chaque étape de l’utilisation d’un déchet pour respecter le droit en vigueur.

4.     OBJECTIVER L’IMPACT ENVIRONNEMENTAL ET ECONOMIQUE DES PROTOTYPES – QUELLE METHODOLOGIE APPLIQUER ?

Objectifs

Dès le premier semestre, les partenaires ont lancé des réflexions sur les modalités d’évaluation de l’impact économique et environnemental des prototypes :

• Comment mesurer les avantages environnementaux du projet et notamment la réduction de l’empreinte carbone ?
• Comment s’assurer de la rentabilité économique de ces prototypes, à la fois pour les producteurs (coûts de production) et les consommateurs (prix d’achat et performances d’isolation, qui influent sur la consommation d’énergie), par rapport aux matériaux d'isolation existants ?

Approche méthodologique

Nomadéis a ainsi mené un benchmark de méthodes d’évaluation environnementale et économique pouvant s’appliquer à des prototypes de matériaux de construction et échangé avec les partenaires du projet afin d’identifier les expertises et outils à disposition de chacun d’eux pour contribuer à ce processus d’évaluation.

Figure 4 : Comparaison des méthodes d'évaluation environnementales sélectionnées

Premiers résultats

Au vu de cette analyse, les partenaires ont défini une méthodologie d’évaluation combinant :

• Une analyse du cycle de vie, qui constitue une approche intégrée, basée sur des normes internationales et donc largement reconnue. L’ACV est par ailleurs la méthode de référence pour la réalisation des FDES (Fiche de Déclaration Environnementale et Sanitaire) et EPD (Environmental Product Declarations), indispensables pour pouvoir communiquer sur l’impact environnemental d’un produit ;
• Une analyse de biodégradabilité, permettant d’étudier de façon expérimentale les opportunités de retour au sol ou de compostage des matériaux, afin de fermer la boucle carbone des matériaux dans une logique d’économie circulaire ;
• Une estimation du coût de revient et du prix de vente, qui seront comparés aux performances thermiques des prototypes afin de s’assurer que les consommateurs disposeront de produits performants à un prix accessible.