Le projet SB&WRC : Matériaux biosourcés et matériaux recyclés, deux solutions complémentaires pour le secteur du bâtiment.

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Le projet SB&WRC est soutenu par le programme européen Interreg VA France (Manche) Angleterre et bénéficie d’un soutien financier du FEDER.

Le projet Sustainable Bio&Waste Resources for Construction (SB&WRC) s’inscrit dans le cadre de l’appel à projets du Programme de coopération territoriale européenne Interreg VA France (Manche) Angleterre. Il a pour objectif de développer des prototypes de matériaux isolants pour le bâtiment, issus de coproduits agricoles et de déchets textiles recyclés. Nomadéis, cabinet de conseil spécialisé en développement durable, pilote ce projet européen rassemblant 8 partenaires de part et d’autre de la Manche. Nicolas Dutreix, l’un de ses co-fondateurs, explique l’intérêt de cette initiative.

Quelle idée est à l’origine de SB&WRC ?

Nicolas Dutreix : L’idée fondatrice de ce projet se base sur deux grands constats qui caractérisent le secteur du bâtiment et transparaissent dans le choix de son nom : « Sustainable Bio & Waste Resources for Construction ».

La construction[1] mobilise d’immenses quantités de matières premières, contribuant ainsi largement à l’épuisement des ressources naturelles, et produit à elle seule 78% des déchets français. Selon l’ADEME, sur 345 millions de tonnes de déchets produits en 2012, 247 millions provenaient du BTP. Sur la même année, le Royaume Uni produisait 193 millions de tonnes de déchets, dont 109 millions issus de ce même secteur. Des deux côtés de la Manche, les déchets issus du BTP représentent ainsi un gisement abondant qui peut être valorisé grâce au développement de l’économie circulaire.

Nous avons basé notre démarche sur une deuxième observation : derrière le bâtiment durable se cachent différentes approches, qui s’excluent généralement l’une l’autre. Certains constructeurs ou industriels voudraient construire des bâtiments 100% biosourcés, tandis que d’autres visent plutôt le 100% recyclé. Notre volonté est de réconcilier ces deux approches du bâtiment durable, en associant biosourcé et matériaux recyclés, car l’urgence climatique et le caractère fini des ressources naturelles exigent que nous explorions toutes les solutions possibles. Des synergies existent déjà, par exemple avec la ouate de cellulose, produite à base de déchets de papier ou de carton (eux-mêmes issus de ressources sylvicoles).

Comment le projet SB&WRC s’intègre-t-il dans le travail de Nomadéis ?

N.D. : Les domaines de la construction et de l’aménagement durables constituent l’un des piliers de développement de notre entreprise depuis plus de 10 ans. Nous avons également conduit plusieurs études sur l’économie circulaire. Ce projet se positionne donc au cœur de notre savoir-faire et fait écho à notre vision : plutôt que de juxtaposer des solutions biosourcées ou recyclées, développons des synergies entre ces types de matériaux et proposons des solutions plus innovantes.

Pourquoi le projet se déploie-t-il sur le Nord-Ouest de la France et le Sud de l’Angleterre ?

N.D. : La France et le Royaume-Uni ont suivi des trajectoires très différentes concernant ces types de matériaux. En France, grande puissance agricole, les pouvoirs publics ont largement favorisé le développement des filières biosourcées, et une véritable expertise s’est développée. Par comparaison, le Royaume-Uni dispose d’une réglementation par laquelle les déchets regagnent plus facilement le statut de produits. Cette complémentarité des approches française et anglaise, renforcée par une coopération transfrontalière dans le cadre du programme INTERREG VA France (Manche) Angleterre, représente une véritable opportunité pour développer des synergies entre ces deux familles de matériaux et entre les experts qui travaillent sur ces sujets des deux côtés de la Manche.

Le projet SB&WRC semble disposer d’une assise particulièrement forte en Normandie. Pour quelles raisons ? Plusieurs organismes basés en région Normandie ont depuis longtemps mené des recherches très pertinentes sur les matériaux biosourcés. Sous l’impulsion de la DREAL Normandie, des échanges et des partenariats ont notamment été formés entre Veolia, l’ESITC Caen, UniLaSalle (Institut Polytechnique Lasalle Beauvais – Esitpa) et Nomadéis. Ces partenariats trouvent leur prolongement naturel dans le programme INTERREG France (Manche) Angeleterre et nous permettent de passer rapidement, dans le cadre du projet SB&WRC, à la phase prototype.

Sur quels atouts s’appuie le projet côté anglais ?  Nos partenaires anglais ont mené des recherches très avancées sur les matériaux recyclés et le réemploi. L’Université de Brighton a réalisé en 2014 le premier bâtiment permanent bâti à 90% en matériaux recyclés et de récupération. De son côté, l’ASBP (Alliance for Sustainable Building Products) promeut et fait connaître de nombreux types de matériaux de construction durables auprès des professionnels et du public britanniques, tels que des blocs de construction à base de papier et de carton recyclé. L’Université de Bath, quant à elle, mène de nombreux travaux de recherche de pointe pour l’utilisation des matériaux biosourcés dans le bâtiment, notamment grâce à ses installations de test grandeur nature à Wroughton. A titre d’exemple, l’Université de Bath a récemment mené des travaux de recherche sur l’utilisation de la paille de blé et des mélanges chaux-chanvre.

Quels sont les points forts de chacun des partenaires ?

N.D. : Pour que ce projet réussisse, il nous faut bien sûr des experts et des chercheurs, qui développeront des prototypes, mais aussi des spécialistes de la communication, qui faciliteront la diffusion de ces innovations. Cet aspect « aval » est coordonné par Construction21 en France et par l’ASBP en Angleterre.

Cette complémentarité des partenaires est la clé de voûte du projet SB&WRC. La coopération transfrontalière permet de mobiliser une combinaison d’équipements indispensables à l’atteinte des objectifs ambitieux du projet. On peut citer par exemple les chambres environnementales de UBath ainsi que ses outils de tests microbiologiques et éco-physiologiques ; la halle aux matériaux de l’ESITC Caen ainsi que ses outils d’analyse de microstructure ; l’ESITPA est en pointe sur la biodégradabilité ; Veolia, dont le métier est la collecte et le traitement des déchets, apportera son expérience et ses connaissances techniques en termes de valorisation.

Vous parlez de prototypes, de quoi s’agit-il ?

N.D. : Les différents partenaires techniques vont travailler en binômes binationaux sur des projets de matériaux qui combinent matières biosourcées et recyclées, facilitant ainsi le transfert de savoir-faire. Pour garantir les objectifs de durabilité de nos trois prototypes, il est nécessaire de travailler avec des ressources sans concurrence d’usage. Le verre recyclé, par exemple, est déjà très utilisé. Il serait contre-productif de dévier une partie des volumes de verre en cours de recyclage pour les emprisonner pendant plusieurs décennies dans des murs. Le prototype 3 sera donc développé à partir de paille, coproduit agricole abondant et à faible concurrence d’usage. Avec le prototype 1, il illustrera l’approche 100% biosourcé. Le prototype 2 combinera le textile recyclé et les fibres végétales pour proposer une approche hybride.

Le projet SB&WRC facilitera-t-il la structuration des filières locales en France et au Royaume Uni ?

N.D. : Ce projet n’a ni vocation à accompagner directement les filières locales, ni à commercialiser les prototypes issus de nos travaux. Mais nous espérons que notre approche inspirera d’autres entreprises et industries du biosourcé et de l’économie circulaire. Chaque année sont mis sur le marché de plus en plus de matériaux de construction issus de l’économie circulaire. Ils représentent déjà 8 à 10% du marché des isolants en France. Notre but est de lancer une dynamique qui aboutira à une production à grande échelle.

Des deux côtés de la Manche, il existe un véritable potentiel en termes d’emploi dans le développement et la production des matériaux de construction recyclés et biosourcés. Des entreprises de taille conséquente - entre 3 000 et 4 000 salariés - l’exploitent déjà. C’est le cas du recyclage du textile, l’une des filières que nos travaux mettront en avant.

Une frange croissante de la population, en France comme au Royaume-Uni et dans le reste de l’Europe, se préoccupe de la qualité de l’air intérieur et de l’impact environnemental de leur logement, les matériaux que nous développons doivent répondre à ces attentes de par leur durabilité et leur qualité sanitaire.

Des industriels aux clients finaux, en passant par les prescripteurs, nous voulons montrer que ces matériaux sont une alternative possible et souhaitons inciter ces différents acteurs à se les approprier. Pour cela, le travail de communication autour de nos prototypes accompli par Nomadéis, Construction21 et l’ASBP auprès des professionnels du secteur sera essentiel !


[1] Bâtiments et Travaux Publics

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