La Cantine de Louly
- par Association KHADJIR
- /
- 2023-02-27 00:00:00
- /
- France
- /
- 438 / FR
Construction Neuve
-
Consommation d’énergie primaire :
kWhep/m2.an
(Méthode de calcul : )
La cantine de Louly, un "chantier-école"
La Cantine de Louly est un projet monté en parallèle de nos études d’architecture (entre la troisième et la quatrième année, durant notre année de césure) associé à l'agence d'architecture Dakaroise Ga2D.
Après quelques voyages au Sénégal, et plus particulièrement dans le village de Louly, un village de brousse situé à environ 80 km au sud de Dakar, la capitale, un projet émerge.
L'école Sainte-Emilie de Villeneuve, tenue par les Sœurs de l'Immaculée Conception et gérée et financée par l'association Louly, compte plus de 500 élèves de la petite section à la 3ème. Grâce à l'association, l'école a été rendue accessible pour des élèves des villages voisins et une cantine, tenue par certaines mamans volontaires du village, a été mise en place. Assises à l'ombre d'un baobab et ramenant chaque fois du village les casseroles et les plats servant à préparer leur délicieuses thiéboudiènes, les mamans préparent 130 repas 3 jours par semaine. Le projet d'un lieu permettant de faciliter leur travail, un espace pour elles, et pour les enfants, à l'ombre et protégé de la poussière, prend alors racine.
Pendant un an, nous avons préparé le projet. Nous avons créé une association, "Khadjir", qui signifie "partage" en sérère, la langue du village. Nous avons communiqué pour récolter les dons qui permettront sa construction et nous avons rencontré, notamment grâce à un stage dans l'entreprise Elementerre, des acteurs de la filière terre au Sénégal.
Puis, c'est à Louly que la suite de l'aventure s'est déroulée. Louly est un village situé sur la grande route de Fatick, dans le pays sérère. C'est dans l'école du village qu'un véritable « chantier-école » s’est tenu, le chantier d’une cantine qui s’est construit sous nos mains, étudiants, sous les mains d’artisans locaux et de villageois, ensemble.
Parti pris architectural
Le programme de la cantine est simple : un réfectoire, couvert mais non clos à l'air, une cuisine extérieure ombragée, un garde-manger et espace de stockage et une grande terrasse, en prolongement du réfectoire.
Tout comme son programme, le volume est simple. Il est construit sur la base des dimensions d'une brique. Une trame de poteaux, supportant la toiture rythme le bâtiment. Un soubassement en BTCs (briques de terre comprimées et stabilisées) assure la continuité de tous les espaces et il devient tantôt allège, tantôt banc, tantôt passage. Les murs en remplissage varient : ils sont en adobes enduits, accueillent des menuiseries en kinkéliba tressées par un ancien du village et son apprenti ou en moucharabieh, pour offrir air frais et vues sur l'extérieur.
A l'arrière, un petit volume se détache et accueille les espaces les plus sensibles comme le garde-manger.
Adaptation aux matériaux et modes de construction locaux
Dans un pays où le ciment est devenu roi, le premier objectif a été celui de revaloriser les ressources locales ainsi que celles du village. La cantine se couvre alors d’ocre, de briques, d’adobes, de fibres. Elle s’adapte aux savoir-faire et elle innove, réinvente les techniques traditionnelles et les matériaux oubliés et assume sa contemporanéité.
Bien que l'usage de la terre a été difficile à faire accepter, les habitants se sont prêtés au jeu. Afin de s'adapter aux nouveaux savoir-faire hérités de la domination du ciment, le choix du matériau qui nous a semblé le plus évident s'est porté sur la brique, dont la mise en oeuvre est proche des parpaings. Ainsi, les soubassements et les poteaux, non enduits et exposés, sont réalisés en BTC stabilisées fabriquées à 30km du village et les murs en remplissage sont réalisés en adobes. Ce sont les habitants, qui après quelques jours de formations, ont été responsabilisés de leur fabrication.
La structure de la toiture est réalisée grâce à de longues poutres treillis métalliques. Cette technique permet une large portée et libère l'espace central qui devient capable de divers usages. Bien que l'acier soit un matériau importé et onéreux, son usage est largement développé dans le pays. Le choix n'a ici pas été porté sur le bois car le village de Louly est situé dans une zone désertique où les arbres sont rares. Le bois, bien qu'étant un matériau naturel, est lui-même importé au village. De plus, le Sénégal connaît, comme bien d'autres pays, le fléau des termites. Les structures en bois en sont généralement infestées et leur durabilité amoindrie. C'est aussi pour cela que le choix s'est porté sur une couverture en tôle (plutôt qu'une couverture en paille qui doit être fréquemment remplacée). Ajoutée au ciment, la tôle parfait l'image de la modernité à laquelle tendent les constructions quotidiennes sénégalaises. Elle est partout. Bien que très conductrice, car provoquant d'importantes surchauffes, sa durabilité et sa simplicité de mise en oeuvre ont fait pencher la balance. La toiture de la cantine est donc en tôle, comme le reste des bâtiments de l'école, mais ici, de larges débords et la surélévation de sa structure par rapport aux murs permettent de limiter l'inconfort qui lui est reproché.
Pour le volume du garde-manger, le matériau utilisé était primordial pour préserver une hygrométrie et une température fraîche. Grâce aux maçonneries en adobes, aux panneaux de terre-typha assurant une isolation supplémentaire et au plancher en hourdis terre-typha, le garde-manger assure la fraîcheur des aliments qui y sont entreposés. Nos réunions de chantier et nos pauses de midi en témoignent, c'est bien la pièce la plus confortable !
Opinion des occupants
La Cantine est née de l'observation et de l'immersion auprès des mamans, sous le baobab.
Aujourd'hui, elles sont fières d'avoir un espace à elles et heureuses de pouvoir y préparer les repas des enfants.
Mais, la cantine n'est finalement pas qu'une cantine. Elle est lieu de fête, sa terrasse est désormais un terrain de foot pour les enfants à la récréation, une salle de classe de temps à autres... Un véritable lieu de rassemblement, de partage.
Et si c'était à refaire ?
Si l'expérience était à refaire, nous n'hésiterions pas, que ce soit pour l'expérience constructive et professionnelle que pour l'expérience humaine que ce projet nous a apportée à tous.
La cantine de Louly a été inaugurée il y a trois ans et, après d'autres voyages sur place pour certains, il est possible de prendre du recul.
De manière très concrète, la cantine, encore aujourd'hui, illustre les bonnes et moins bonnes conceptions que nous avons imaginé notamment celles liées à l'usage et aux habitudes des habitants qui se l'approprient et qui modifient certains des éléments, que nous pourrons alors à l'avenir envisager dès la conception ou le chantier (moustiquaires, ombrières, mobilier, etc.).
D'autre part, la cantine, seulement trois ans après, continue d'être un véritable "chantier-école". Lors du projet, nous étions étudiants, et il a été notre premier projet concret. Certains détails, notamment quelques-uns concernant la protection des maçonneries en terre et l'importance de leur offrir "des bonnes bottes et un bon chapeau" (soubassement et débords de toiture importants), nous offrent la possibilité de prendre du recul et d'imaginer des améliorations de mise en oeuvre. De plus, elle illustre la nécessité d'utiliser des matériaux de bonne qualité, notamment lorsqu'il s'agit de la terre. En effet, les BTC sont fabriquées avec de la terre de latérite, qui ne possède pas une proportion d'agile suffisante pour assurer la bonne cohésion des briques. Ainsi, bien que protégées, les briques ont tendance à se déliter et s'effriter.
Avec plus de temps, un chantier comme celui-ci peut permettre une appropriation et une certaine amélioration de la construction. Les formations ou ateliers de sensibilisation seraient à développer, de manière plus importante, auprès des habitants mais aussi des femmes ou des enfants, notamment dans des villages où la construction en terre ou en fibres se fait de plus en plus rare. La cantine de Louly a été le support d'une véritable participation et intégration des usagers dans le projet. Des présentations avant et pendant le chantier ont permis de faire connaître le projet et d'intégrer les populations locales. Une maquette et des croquis ont servi de support de présentation et les habitants qui travaillaient avec nous devenaient à leur tour médiateurs du projet. Mais il est évidemment toujours possible de faire "mieux" en les impliquant sur la durée et à toutes les phases du projet, de l'analyse de l'architecture locale, à certains choix architecturaux jusqu'aux phases d'appropriation, bien après le chantier. Un de nos "regrets" (si l'on peut l'appeler comme ça) a été de ne pas suffisamment intégrer les femmes dans la construction. Leur rôle dans les communautés villageoises est primordial mais elles sont généralement absentes du monde de la construction. Cela aurait néanmoins permis de les intégrer dans certains choix et de leur offrir l'opportunité de participer, elles aussi, à la construction au même titre que nous (nous étions trois étudiantes sur le chantier).
Enfin, et toujours dans une volonté de réduire l'impact carbone du monde de la construction, très et même trop énergivore, l'usage du ciment pourrait être encore diminué ! Cette réflexion va évidemment de paire avec la notion de sensibilisation car construire en terre aujourd'hui au Sénégal, du moins dans cette partie du pays, n'est pas toujours évident. Il faut convaincre les autorités, les élus et les habitants que la terre, ou les fibres, ne sont pas uniquement des matériaux du passé et qu'ils ont de réels impacts sur le confort, l'économie, le développement local, l'émancipation, etc.
Crédits photo
Association Khadjir
Maître d'ouvrage
Maître d'œuvre
Intervenants
Architecte
Association Khadjir
https://www.instagram.com/association.khadjir/
Assistance à maitrise d'oeuvre, conception, artisans
Entreprise
Yadenne Construction
Entreprise générale
Autre intervenant
Elementerre
Spécialiste terre - accompagnement à la formation pour fabrication des adobes et enduits terre
Constructeur
Habitants du village de Louly
Constructeur
Artisans locaux
Menuiserie, maçonnerie, carrelage
Mode contractuel
Autres méthodes
Résilience
- Inondation/Crue lente
- Canicule
Environnement urbain
Solution
Les briques de terre crue

Entreprise Elementerre - Habitants du village de Louly
Dans l'imaginaire collectif sénégalais, le ciment est vu comme le matériau de la solidité, de la robustesse, comme le matériau qui n'a pas besoin d'être enduit ou d'être protégé.
A l'inverse du béton, la terre, elle, c'est la matière du passé, des ancêtres, des nostalgiques. Elle est dénigrée, quasi systématiquement associée à la pauvreté. Pourtant, dans bien des endroits, les avantages de son utilisation sont sus, compris, mais sa mauvaise image persiste.
C'est dans ce contexte que la cantine, par l'emploi de ce matériau, tente de redonner une nouvelle image, une image contemporaine, à la terre.
Afin de faciliter la réplicabilité et l'appropriation de la terre par les habitants et les artisans locaux, il semble probable que la brique de terre crue soit l’alternative la plus plausible au parpaing de ciment. Assemblage, fabrication, prix, elle a des avantages et pourrait bien le concurrencer, après l’acceptation et la sensibilisation des populations.
La cantine développe trois utilisations de la brique de terre crue.
Les adobes

Habitants du village de Louly
Les adobes sont techniquement très accessibles. Elles sont faciles à réaliser et l’outillage nécessaire est simple.
Tout comme le parpaing de ciment, elles sont le symbole des matériaux démocratiques que tout le monde peut les fabriquer, en respectant évidemment les dosages et les temps de séchage.
Les adobes sont aussi très économiques. L’ensemble des ressources nécessaires à leur fabrication sont locales et généralement disponibles sur place. Elles sont donc très avantageuses financièrement, en comparaison aux parpaings, dont le ciment coûte cher, trop cher dans de nombreux cas.
Non stabilisées et fabriquées uniquement avec des matériaux bio et géo sourcés (terre de site, terre de termitière, latérite, sable, fibres végétales ou autres) les adobes se recyclent à vie.
Pour finir, les adobes ont de nombreux avantages en termes de confort : elles possèdent une inertie intéressante permettant de se protéger des climats rudes, elles permettent la régulation de l’hygrométrie et elles favorisent l’isolation et la qualité acoustique, entre autres.
Seulement, technique ancienne et traditionnelle, elle est aujourd’hui plus difficile à accepter socialement dans la construction.
Les briques en terre allégée

Les briques en terre allégée, mélange de barbotine - argile et eau – avec des fibres végétales,
permettent aussi une nouvelle alternative aux briques de ciment.
Au Sénégal, l’entreprise Elementerre a fait du typha son cheval de bataille. Le typha, ce roseau du Nord du Sénégal est réputé pour ses qualités thermiques. Broyé en fibres de petites tailles et
mélangé, aux pieds ou à l’aide de pelles et de fourches, avec de la terre, des briques sont ensuite moulées dans des moules dont la taille peut varier.
Les panneaux isolant (30x60x6cm) peuvent être installés sur tout type de support et assure une correction thermique et un apport supplémentaire d'isolation.
Les briques de terre allégée de la taille des adobes (15x30x10) peuvent être utilisées en mur de remplissage, rendant l'entièreté du mur plus performant en terme de thermique ou d'acoustique notamment.
Enfin, les hourdis en terre-typha. Grâce à un moule à la bonne forme et au bon format, les briques ressemblent aux hourdis en ciment du commerce et permettent une véritable alternative aux toitures en poutrelles et hourdis largement répandues et si peu confortables pour leurs habitants.
Ces briques, encore peu développées, permettent une véritable avancée en termes de construction, tant pour l’apport thermique qu’elles amènent que pour la similitude constructive avec les hourdis ciment. Il est ainsi possible de réaliser des planchers intermédiaires en terre et même des toitures terrasses.
Les BTC

Les BTC sont des briques de terre crue, façonnées à l’aide d’une presse. Dans de nombreux cas, les BTC sont stabilisées grâce à l’ajout de ciment dans le mélange. Lors du séchage, s’effectuant au soleil, le ciment fige et rend alors les briques nettement plus résistantes à l’eau de pluie. Cette résistance leur permet de ne pas être enduites sans pour autant altérer leur durabilité dans le temps.
Cette durabilité leur confère un véritable atout esthétique. Compressées et stabilisées, les briques sont régulières, parfaites (ou presque) et toutes similaires. Visibles en façade, elles donnent un caractère nouveau aux constructions, les rendant d’extérieur plus lumineuses et plus colorées. Elles permettent aussi la réalisation de claustras et de jeux de calepinages, créant des façades rythmées, différentes et intéressantes.
La BTC, c’est le matériau de la fusion entre la modernité et la tradition, entre le ciment et la terre. Progressiste et innovante, la BTC permet l’introduction de la terre dans la construction du quotidien, en zone rurale comme dans les centres urbains.
Coûts de construction & exploitation
- 23 000 €
- 23 000 €
Communication
Economie sociale et solidaire
Conception circulaire
Confort
Puit de carbone
La terre de latérite ayant servi à la fabrication des BTCs provient d'une carrière située à 30km du chantier environ.
La terre des adobes provient des terres d'excavation du projet, celle des fouilles des fondations, et les adobes ont été fabriquées directement sur site.
Le typha, roseau invasif, provient de la région du fleuve Sénégal, au Nord du pays. La fabrication des briques en terre-typha a été réalisée par une entreprise locale à 30km du chantier environ.
Le kinkeliba, tressé sur les cadres de menuiseries, a été récolté dans le village avec les habitants.
Raisons de la candidature au(x) concours
Nous sommes convaincus du rôle de l'architecture et de l'architecte dans la transition écologique, qui plus est dans des territoires en voie de développement.
Le Sénégal est un pays qui a placé en chef de fil le ciment comme matériau de la transition vers la modernité. Le pays se couvre de béton, partout et délaisse les ressources locales traditionnellement utilisées. Alors que les constructions quotidiennes s'adaptaient aux ressources disponibles à proximité, s'implantaient dans leur territoire et s'adaptaient à leur climat, l'emploi généralisé du ciment et de la tôle a modifié les paysages bâtis sénégalais, a engendré des coûts de construction de plus en plus élevés, a généré des inconforts thermiques et une disparition de plus en plus importante des savoir-faire ancestraux. Malgré cela, la course à la modernité et l'image de la construction dominent.
La Cantine de Louly adopte le contre-pied de cette architecture qui se répand partout au Sénégal tout en s'adaptant aux savoir-faire qui se sont développés. Ainsi, l'emploi du ciment est réduit et le matériau trouve sa place selon le dicton du « bon matériau au bon endroit ».
Contrairement aux constructions du village, où la terre a totalement disparu, les maçonneries en terre de la cantine se montrent et tentent d'offrir une nouvelle image à ce matériau délaissé et pourtant largement disponible. Les fibres végétales, et plus particulièrement le typha (roseau invasif du nord du Sénégal connu pour ses caractéristiques très isolantes et sa résistance aux termites) assurent un confort thermique accru et permettent de maintenir une hygrométrie et une température plus adaptées dans ces espaces clos, hors d'eau.
Enfin, la conception même du bâtiment s'est adaptée aux contraintes du territoire, en ce qui concerne la pluie et le vent, par un soubassement stabilisé, de larges débords de toiture, une surélévation de cette dernière, des murs en moucharabieh, des menuiseries en bois tressé, etc.
Pour finir, c'est le « partage » et l' « ensemble » qui fait de cette cantine un projet frugal. Main dans la main, étudiants, artisans, habitants et bénévoles ont construit cette cantine. Après de nombreuses discussions, ateliers de présentation et immersions dans le village, la conception de la cantine a évolué sur place pour s'adapter aux habitudes, aux envies, aux besoins et aux savoir-faire des populations et des principaux usagers, mamans cuisinières, enfants et enseignants qui allaient bénéficier de cette cantine.
Auteur de la page
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