[Dossier Quartiers Bas Carbone] #15 - Village des athlètes de Paris 2024 : Universeine a le bas carbone comme leitmotiv

Rédigé par

Vincent Louvot

6580 Dernière modification le 28/01/2020 - 11:32
[Dossier Quartiers Bas Carbone] #15 - Village des athlètes de Paris 2024 : Universeine a le bas carbone comme leitmotiv

Avec un cahier des charges extrêmement ambitieux en matière d’excellence environnementale, la Solideo, aménageur du village des athlètes de Paris 2024, souhaite faire de ce dernier une vitrine du savoir-faire urbanistique français. Le village des athlètes s’étendra sur 3 communes : Saint-Ouen, Saint-Denis et L'Ile-Saint-Denis. Illustration de cette démarche avec l’exemple du projet Universeine, développé par VINCI Immobilier sur la partie Saint-Denis du village. Vincent Louvot, de VINCI Immobilier, nous explique comment cette ambition a été traduite, notamment au travers de la conception bas carbone.

 

1. Comment Universeine s’intègre dans le projet de village des athlètes ?

La particularité d’Universeine est qu’il s’agit d’un projet d’aménagement d’écoquartier préexistant à l’implantation d’une partie importante du village des athlètes sur le même foncier. Il s’agit de la première opération d’aménagement du Grand Paris ayant reçu la certification HQE Aménagement. Nous avons ainsi déjà livré 200 logements en 2018 et un bâtiment de bureaux le sera très prochainement.

Le reste du projet sera au cœur  du village des athlètes de Paris 2024 : notre opération, située à Saint-Denis regroupera 6 800 lits, à proximité immédiate de la Cité du Cinéma qui hébergera le lieu de restauration de tous les athlètes.

2. Comment l’intégration au village des athlètes a modifié le montage du projet ?

L’opération préexistante était une opération d’aménagement menée par nos soins en étroite collaboration avec la collectivité locale, Plaine Commune. Cette collaboration se poursuit dans un autre cadre administratif, avec la mise en place d’une ZAC dont l’aménageur est la Solideo,  entité de l’état en charge de tous les ouvrages nécessaires pour les Jeux et amenés à rester de manière pérenne après. Selon les ouvrages,  les missions de la Solideo vont de la maîtrise d’ouvrage directe à de la supervision de projets délégués. Sur la ZAC du village des athlètes, dont fait partie désormais Universeine, la Solideo a la mission d’aménageur et a bâti un cahier des charges très ambitieux en matière d’excellence environnementale. La volonté est de faire de ce futur quartier une vitrine du savoir-faire français en matière d’aménagement en imaginant la ville à l’horizon 2050 : une ville qui prend en compte le bilan carbone de ses bâtiments, leur adaptation au changement climatique et qui fait revenir la nature dans ses murs.

3. Comment cela se traduit-il sur Universeine ?

En premier lieu dans la façon de concevoir le village des athlètes. Nous avons ainsi pris le parti de penser avant tout à l’héritage des Jeux. C’est-à-dire à ce qui restera en 2025 et au-delà. Le village en lui-même va vivre quatre semaines seulement. Nous avons donc conçu le quartier idéal de l’après Jeux et nous l’avons adapté pour qu’il puisse recevoir des athlètes. Il en résulte un quartier futur qui ne sera pas simplement résidentiel, mais un lieu où la mixité des usages favorisera la mutualisation de la mobilité, de l’énergie, etc., ce qui réduira son impact carbone. Sur les  120 000 m² d’Universeine restant à construire, on retrouvera ainsi du résidentiel privé, social ou pour étudiants, mais aussi 50 000 m² de tertiaire et 5 000 m² dédiés aux activités, aux commerces et à la culture.

4. Comment la prise en compte de l’empreinte carbone impacte-elle le projet ?

L’objectif est de créer des bâtiments dépassant le niveau C2 du label E+C- et d’étendre la réflexion sur l’empreinte carbone à l’ensemble du quartier, avec un « budget carbone » à respecter. Ce type de démarche, qui nous a amenés à travailler dès le début avec un AMO spécialisé dans le bas carbone, m’a rappelé ce que nous avions connu lors de la sortie de la RT 2005, puis de la RT 2012. A cette époque, intégrer des bureaux d’études énergétiques et thermiques aussi tôt dans la conception du projet était une nouveauté. C’est aujourd’hui la même chose avec l’empreinte carbone. Nous avons clairement passé un nouveau cap, comme il y a 15 ans.

Etamine, notre AMO environnemental, a donc travaillé main dans la main avec l’équipe de conception dès la première esquisse et cela a influencé la forme du futur quartier. Réduire l’empreinte carbone et créer des îlots de fraicheur a une incidence directe sur le plan masse, les formes urbaines, la structure et l’esthétique des bâtiments. Il était donc nécessaire de faire d’emblée des premières simulations pour faire des arbitrages.

Les bâtiments auront ainsi des structures mixtes composées de bois et de béton bas carbone, c’est-à-dire des bétons dont le ciment est remplacé par des matériaux de substitution considérés comme recyclés.

Comme les infrastructures représentent un poids carbone important, nous avons cherché à rationaliser ce poste. La création d’une centrale de mobilité, visant à mutualiser des places de parking entre le tertiaire et le résidentiel, est à l’étude pour réduire à un seul sous-sol les stationnements et limiter l’emprise au sol de l’espace réservé aux places extérieures.

L’empreinte carbone dépend aussi d’autres facteurs. Ainsi, en prenant la décision d’articuler le quartier autour de grandes cours intérieures végétalisées en pleine terre pour contrer l’effet d’ilot de chaleur, nous avons dû concevoir des bâtiments un peu plus haut pour limiter l’étalement urbain. Il est donc essentiel aujourd’hui d’avoir une démarche très collaborative pour répondre aux enjeux d’un tel projet.

5. L’adoption de structures bois a-t-elle changé la physionomie du quartier par rapport à une démarche traditionnelle ?

Si l’empreinte carbone influence l’architecture des bâtiments, cela n’est pas un carcan qui bride la créativité des architectes ou uniformise la ville. Dans notre cas, le bois est privilégié pour la structure, les planchers ou les murs manteaux mais une certaine liberté est laissée aux architectes pour le choix des parements. Le bois n’est pas forcément visible depuis l’extérieur, l’objectif recherché portant sur l’empreinte carbone avant tout. Il est important de souligner que si le gros-œuvre représente une part importante du poids carbone d’un bâtiment, ce dernier peut également être sensiblement réduit grâce à l’utilisation de matériaux issus du réemploi.  Sur ce point, nous avons retenu l’utilisation de faux-planchers issus de chantiers de déconstruction. Il s’agit d’un élément facilement  ré-employable, même 10 à 15 ans après sa première pose. Le gain sur le poids carbone du faux-plancher est important, puisqu’il est divisé par deux par rapport à un faux-plancher neuf.

6. Bois, réemploi, d’autres initiatives ont-elles permis de baisser le poids carbone du village des athlètes ?

Nous avons aussi une dimension de réversibilité des logements des sportifs. Comme je l’évoquais au début de cette interview, ce qui différencie radicalement le village de Paris 2024 d’autres opérations précédentes comme à Barcelone 1992 ou Londres 2012, c’est la mixité des usages post-évènement. Pour les espaces qui seront ensuite dévolus au tertiaire, nous avons donc anticipé le démontage et la seconde vie des cloisons et réfléchi à des modèles de salles de bain préfabriquées qui pourront être utilisées dans des hôtels ou des résidences étudiantes après les Jeux.

La démarche de réemploi portera également sur les VRD (Voirie et Réseaux Divers) par la réutilisation de béton concassé issu des démolitions, non seulement sous les futurs espaces publics du quartier, mais également comme revêtement de certains cheminements au sein  des cours intérieurs.

7. Dans le cahier des charges de la Solidéo, l’aspect bas carbone du quartier doit aussi se conjuguer avec l’adaptation au changement climatique et le retour de la biodiversité en ville. Qu’en est-il pour Universeine ?

Construire un quartier est complexe et les enjeux vont au-delà du bilan carbone. L’adaptation au changement climatique est un aspect important, dans la mesure où nous aurons probablement le climat de Madrid sur Paris en 2050. Il faut donc construire avec cette donnée en tête, pour éviter les rénovations futures.

Sur ce point la biodiversité et la nature en ville ont leur rôle à jouer. En choisissant de créer de grands patios paysagers sur tous les projets et un véritable corridor de biodiversité dans le pôle tertiaire, nous lutterons contre la formation  d’ilots de chaleur. Les espaces dégagés permettent de créer de grands jardins en pleine terre pouvant accueillir différentes essences d’arbres. Par ailleurs, pour améliorer le confort sur l’ensemble du quartier, nous avons aussi travaillé sur l’éclairage naturel, en construisant des bâtiments plus bas au sud, qui dégagent ainsi de l’ensoleillement pour les bâtiments situés au nord et donnant sur ces grands patios.

 

Article issu d'un entretien avec Vincent Louvot, Directeur Opérationnel IE chez VINCI Immobilier

 

Propos recueillis par Clément Gaillard, Construction21 La rédaction

           

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